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Qui est (vraiment) Bart De Wever? Découvrez l’humain derrière l’élu politique
07·03·24

Qui est (vraiment) Bart De Wever? Découvrez l’humain derrière l’élu politique

Un an avant des élections qui s’annoncent cruciales pour l’avenir du pays, les présidents de partis flamands se sont dévoilés dans une série d’interviews inédites pour DaarDaar. Tous les présidents se sont prêtés au jeu, à l’exception de Bart De Wever. Le quotidien Het Laatste Nieuws a pour sa part réussi à interviewer le président de la N-VA.

Temps de lecture : 7 minutes Crédit photo :

BELGA NICOLAS MAETERLINCK

Bart De Wever…
* a 53 ans
* est bourgmestre d’Anvers (depuis 2013)
* préside la N-VA (depuis 2004)
* siège au parlement flamand (depuis 2019)
* vit à Deurne avec son épouse Veerle et leurs quatre enfants


L’entretien touche à sa fin. Bart De Wever, dans son costume impeccable avec boutons de manchette en or, en est convaincu : c’est maintenant ou jamais. L’homme qui dirige la N-VA depuis vingt ans déjà se trouve à la croisée des chemins. Il fait face à de nombreux défis, aussi bien en politique que dans sa vie privée. Il évoque son obésité, sa famille, sa volonté de poursuivre l’aventure politique et l’importance des élections à venir. Et à l’entendre, force est de constater qu’il en a encore sous le pied.

Commençons par une citation de votre frère Bruno, historien fraîchement retraité : « J’ai peut-être été un intellectuel connu du grand public en Flandre, mais en tant qu’historien, je n’avais rien d’exceptionnel ». De votre côté, vous considérez-vous comme un homme politique exceptionnel ?

À mon sens, on ne peut pas se juger soi-même. Je laisse le soin aux historiens de dresser le bilan dans trente ans. Le verdict final ne nous appartient pas. Ceci dit, la modestie dont fait preuve mon frère au terme de sa carrière est tout à son honneur.

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Le qualificatif « exceptionnel » peut également renvoyer à une personne qui ne ménage pas ses efforts pour atteindre un objectif important.

Je ne pense pas que mon travail soit exceptionnel. Peut-être que certains le pensent, mais cela n’engage qu’eux. Personnellement, j’estime que ce n’est pas le cas. En cela, j’ai une vie facile. Je suis simplement ma vocation. Je suis quelqu’un de très heureux. Je n’ai pas de loisirs, je ne regarde pas la télévision, et ma vie sociale avec mes amis n’est pas intense. Soit je fais de la politique, soit je lis des livres qui s’y rapportent. En dehors, je me contente de garder la forme, physiquement. Mais cette activité ne se fait jamais au détriment de mon métier.

Impossible de se retrouver face à Bart De Wever sans revenir sur sa métamorphose. De l’obèse au marathonien. Cette évolution est le résultat d’une persévérance sans faille qui lui colle toujours à la peau. Et il s’avère dans ce processus, son tailleur a également joué un rôle non négligeable.

Vous menez pour ainsi dire une vie d’ascète.

Oui, d’aucuns pourraient me taxer de spartiate ou d’ascète. Moi, j’appelle cela de la discipline. Je n’ai que deux modes de fonctionnement : soit je ne fais rien, soit je m’adonne corps et âme à une activité. La lutte contre l’obésité m’a transcendé. J’ai appuyé sur le bouton en me disant : « Ce n’est plus viable ». Pour passer de l’obésité morbide au statut de marathonien, j’ai fait preuve d’acharnement.

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Qu’avez-vous mangé, ce midi ?

Du riz au chou-fleur avec des épinards et du poulet. Ce qu’on appelle un repas sain. Mais cette idée ne m’obsède plus autant qu’on pourrait le croire. Avant, je pesais 144 kilos. Le boulimique pathologique est toujours là, quelque part dans un coin de ma tête.

Et maintenant, combien pesez-vous ?

Aucune idée. Et c’est bon signe :  mon poids n’est plus une obsession. Pendant des années, la pesée était un rituel matinal auquel je ne dérogeais pas. Je pouvais donner mon poids chaque jour, à 100 grammes près. À présent, cela fait des mois que je ne me suis pas pesé. (Pause) Il faut dire aussi que je porte des vêtements taillés sur mesure.

Vous voulez dire que vous mesurez votre embonpoint grâce à vos chemises ?

Notamment. Mes vêtements sont coupés au millimètre près par mon tailleur. Le moindre changement me met la puce à l’oreille. Mais au-delà de cela, j’ai retrouvé une certaine sérénité. Je ne suis plus obsédé par ce problème. Parfois, je m’accorde même un dessert.

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Et des frites ?

(Hésite) Là, c’est une autre histoire. C’est une question de goût. Et mes goûts ont changé. Avant, je consommais beaucoup de viande. Maintenant, je mange encore du poisson et du poulet, mais plus de viande rouge. Mon corps la rejette. Les fritures ? C’était une vraie addiction. Je ne pouvais pas passer devant un Quick sans m’arrêter pour me prendre un Giant. C’était terrible. Mais vous savez, les goûts et les habitudes sont indissociables. Si vous changez vos habitudes, les goûts évoluent en conséquence. Revenir à ses vieilles habitudes, ce n’est jamais facile.

Vous n’aimez plus ce que vous aviez l’habitude de manger ?

Plus autant qu’avant, voilà tout. Je suis très vite rassasié. Cette sensation de satiété m’était inconnue auparavant. Je pouvais avaler des aliments frits sans être écœuré. Dans mon stam café, le plateau de friture mixte était un incontournable. Quand je buvais de la Duvel ou de la Leffe, il fallait une couche de graisse de temps en temps, pour mieux encaisser. Si je passais une soirée comme ça aujourd’hui, je resterais cloué au lit pendant trois jours. La seule chose qui me dérange dans mon quotidien, c’est que je n’ai pas assez de temps pour faire de l’exercice. J’ai couru sept marathons dans ma vie. L’année dernière, j’ai eu le covid à Pâques et une autre infection respiratoire à l’automne. Coup sur coup. Moralement, J’étais au plus bas pendant des mois. Aujourd’hui, je suis en train de remonter la pente. Les Dix Miles d’Anvers auront lieu en avril. Ce sera mon premier grand événement sportif depuis cette baisse de régime. Mais en soi, ce ne sera pas un exploit.

Bart De Wever tient à protéger sa famille de l’attention médiatique que suscitent les responsables politiques. « La vie de mes proches leur appartient », dit-il, comme s’il érigeait un mur autour d’eux. Il accepte néanmoins de répondre à certaines questions « gênantes », pour reprendre ses propres termes. Sans trop entrer dans les détails.

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Lors de votre mariage – le jour de la Communauté flamande, soit dit en passant – vous auriez déclaré à votre femme : « La vie que je mène maintenant n’est pas une partie de plaisir pour toi, mais sans toi, je ne suis rien ». Est-ce vrai ?

(Réfléchit) Je ne sais pas si je l’ai dit tel quel, mais cela allait dans ce sens. Lorsque vous occupez des fonctions politiques de haut vol et que vous êtes constamment absent, les charges du ménage ne reposent pas sur vous. Je suis très reconnaissant à ma compagne d’avoir interrompu sa carrière afin d’assurer l’éducation des enfants. À présent, elle s’est reconvertie dans l’enseignement.

L’année dernière, nous avons vécu une période très difficile avec notre fille. Je ne vais pas m’étendre sur le sujet, car il s’agit de sa vie. Tout ce que je peux dire, c’est que la pandémie a causé des ravages dans la santé mentale de beaucoup de jeunes gens. On a ainsi pu observer un raz-de-marée de filles âgées de 14 à 18 ans souffrant de troubles alimentaires. J’en ai été témoin de mes propres yeux. Sur les réseaux sociaux, les jeunes filles sont confrontées à des idéaux de beauté tout à fait irréalistes. À un moment donné, les choses peuvent alors mal tourner. Ce qui fut le cas. J’ai alors prononcé la formule suivante : « Un homme est aussi heureux que son enfant le plus malheureux ». Ces propos m’ont valu de nombreuses réactions.

Avez-vous été assez présent pour votre fille ?

Difficile à dire. Je l’espère.

N’avez-vous pas envisagé de mettre votre vie publique entre parenthèses pendant quelques mois, afin d’être à la maison auprès de votre fille ?

Parfois, il faut établir des priorités, mais je pense que cela relève de la vie privée de chaque famille. En l’occurrence, je peux vous dire que nous avons trouvé une solution. Et pour le reste, personne n’a à mettre son nez là-dedans.

Avec le recul, pensez-vous que vos efforts ont été suffisants ?

Ces questions sont embarrassantes. Quel parent estime que ses efforts à l’égard de ses enfants sont satisfaisants ? L’éducation des enfants est un perpétuel apprentissage de l’échec. En matière d’éducation, il n’existe pas de parcours parfait.

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Une nouvelle campagne électorale se profile à l’horizon, ce qui mettra les nerfs de votre famille et de vous-même à rude épreuve. Votre femme en est-elle également consciente ?

Cela fait déjà un bon moment que je suis en politique, quand même. Mes enfants ont toujours connu leur père absent. Quand des passants m’interpellent ou me houspillent dans la rue, ils sont blindés. Les menaces de mort, les incidents à la maison, ils les subissent depuis des années. Ils ont grandi dans ces conditions. Un jour, un dealer a défoncé la porte de notre domicile, dans l’intention de tuer les enfants. Dans ces cas-là, je n’irais pas jusqu’à dire que tout le monde reste calme. Mais nous passons à autre chose, la vie continue.

Bart De Wever est président de la N-VA depuis vingt ans. Deux décennies marquées par la recherche d’un équilibre entre travail et famille. Le doute est toujours présent. Quid de la volonté ? Les sacrifices en valent-ils la peine ? Jamais le défi n’a été aussi grand. Dans les sondages, le Vlaams Belang a détrôné la N-VA en tant que premier parti de Flandre. La question suivante vient donc tout naturellement.

Est-ce que vous aimez encore ce que vous faites ?

Oui. Je suis toujours très motivé par les objectifs politiques qui restent à atteindre. Tant que je penserai qu’ils sont réalisables, j’éprouverai le désir d’aller plus loin. J’accorde énormément d’importance aux conversations que j’ai avec mon entourage, mon but étant toujours de parvenir à un consensus et de le mettre en œuvre. Le jour où je n’en serai plus capable, ou quand les gens ne me verront plus comme l’homme de la situation, tout s’arrêtera. Mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour.

Êtes-vous à l’aube de votre plus grand défi ?

Dans les quatre coins de l’Europe, nous assistons à une percée de l’extrême-droite. Il y a fort à parier que notre pays n’y échappera pas non plus. Il s’agit d’une menace énorme. Dans les prochains mois, il faudra pédaler en côte. Voilà 20 ans que je me prépare pour un tel moment. Les partis qui soutiennent le système et prônent toujours le statu quo vont subir des revers terribles. Ces formations sont au bord de l’implosion. Une nouvelle ère s’annonce. Reste à savoir si je serai encore capable de mener la barque. Serons-nous en mesure de préserver notre prospérité ? Je n’en sais rien, mais c’est ce qui m’empêche de dormir. Quant à savoir si j’ai échoué ou si je devrais faire autre chose, je ne m’en préoccupe pas.

Si votre modèle confédéral n’aboutit pas, est-ce que vous vous retirerez avec le sentiment que cela n’a peut-être pas fonctionné, mais que le jeu en valait la chandelle ?

Je vous le répète : le monde occidental et notre pays en particulier entrent dans une période de grands bouleversements. En revanche, il m’est impossible de prédire les circonstances dans lesquelles ces changements se produiront.

Pour vous, c’est maintenant ou jamais ?

Probablement. Si la question est de savoir si je vais prendre les commandes ou du moins m’installer dans le cockpit, alors oui, c’est sans doute maintenant ou jamais. Si je n’y arrive pas maintenant, il est peu probable que cela se produise en 2029 (lors des prochaines élections, ndlr). Et puis, ce serait peut-être malsain de retenter le coup.

Ce serait le clap de fin ?

Je n’ai pas du tout l’impression d’en avoir fini. La carrière d’un homme politique se termine rarement en beauté. La plupart des responsables politiques sont poussés vers la sortie par leur propre électorat, qui agit comme un presse-agrume : une fois qu’il n’y a plus une goutte de jus, il jette l’écorce à la poubelle.

Vous ne finirez donc pas comme Jules César, assassiné de 23 coups de poignard en plein Sénat ? Au sens figuré, bien sûr.

Non, je ne crois pas. Sinon, ce serait déjà arrivé. Je pense que je mourrai dans mon lit. Y compris sur le plan politique. Je ne ressens pas le besoin de m’accrocher à quoi que ce soit. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, qu’il en soit ainsi.

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