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Fermeture de classes néerlandophones à Bruxelles : une triste première
08·03·24

Fermeture de classes néerlandophones à Bruxelles : une triste première

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Photo de MChe Lee sur Unsplash

Dominique Jonkers
Traducteur Dominique Jonkers

À Schaerbeek, deux écoles primaires sont contraintes de fermer des classes faute d’enseignants. C’est ainsi qu’un problème latent depuis des années devient soudain très aigu. « C’est une situation qui porte atteinte au droit fondamental à l’éducation. »

En plein milieu de l’année scolaire, l’école primaire Hendrik Conscience de Schaerbeek va fermer trois classes parce que deux enseignants sont partis travailler dans des écoles en Flandre. En troisième, quatrième et cinquième, l’école comptait chaque fois deux classes par année. Bientôt, elle n’en comptera plus qu’une. La situation est résumée comme suit par Karin Struys, porte-parole du groupe scolaire GO ! à Bruxelles. « Dès le lundi 11 mars, 29 élèves n’auront plus de place ».

À l’école primaire Kompas, à Schaerbeek, c’est une classe d’accueil qui va fermer, également faute d’enseignant. Cela fait quinze enfants qui vont devoir chercher une nouvelle école. « À un moment donné, il faudra bien que ça s’arrête », explique Bruno De Lille, directeur général du groupe scolaire Sint-Goedele. « Dans les sections primaires, il nous reste deux enseignants pour six classes, le reste étant composé d’institutrices préscolaires. En maternelle, il nous reste encore une institutrice maternelle, les autres sont des puéricultrices. Elles font de leur mieux, mais elles ne sont pas formées pour cela. »

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Une triste primeur

Cette fermeture de classes constitue une triste première pour la capitale : cette décision suscite des réactions émotionnelles tant chez les parents que chez les élèves. « Voilà des jours et des jours que ma fille rentre à la maison en pleurant », nous dit Lucie Geurts, dont la fille est en troisième année à l’école Hendrik Conscience. « Elle a peur de perdre ses amis et se demande ce qui va lui arriver. »

Les parents ont reçu une liste recensant une dizaine d’écoles de la région où leur enfant pourrait encore trouver de la place aujourd’hui. Un certain nombre de parents a déjà décidé de transférer leur enfant vers une autre école, mais à l’heure actuelle, 17 élèves ne savent pas encore où aller lundi. « La liste comporte notamment des écoles à Anderlecht, soit à trois quarts d’heure de trajet en utilisant les transports en commun. Pour la plupart, c’est irréalisable », regrette Meron Knikman, coordinateur d’une action que vont mener les parents devant la porte de l’école Hendrik Conscience ce vendredi. Il ajoute : « Nous sommes en contact avec plusieurs écoles de Bruxelles qui se heurtent elles aussi à des problèmes analogues. Cela porte atteinte au droit fondamental à l’éducation de nos enfants ».

« Pour la première fois, il apparaît clairement que ce n’est pas tenable. »

Ces disparitions de classes semblent contredire les chiffres relatifs à la pénurie d’enseignants à Bruxelles, puisque ceux-ci se sont stabilisés ces derniers mois. En février, le nombre d’enseignants absents de longue durée et non remplacés a pourtant encore augmenté, passant de 160 à 180 équivalents temps plein. En revanche, le nombre de postes vacants est passé de 227 à 209, amenant le cabinet du ministre bruxellois compétent, Sven Gatz (Open VLD) à parler d’un « espoir prudent de retournement de situation ».

En l’occurrence, d’après Piet Vervaecke, de l’Onderwijscentrum Brussel, les chiffres sont trompeurs. « Voilà longtemps que les écoles fonctionnent grâce à des solutions de fortune. Le degré d’engagement personnel y est tellement grand qu’elles font tout ce qu’elles peuvent pour tenir bon. Elles jonglent avec le personnel, acceptent d’augmenter le nombre d’élèves par classe, font beaucoup appel à des candidats-enseignants en reconversion professionnelle. Aujourd’hui, pour la première fois, il apparaît clairement que ce n’est pas tenable ».

Trop de candidats-enseignants en reconversion professionnelle

Bruno De Lille le reconnaît : les statistiques tiennent compte d’un grand nombre de ces nouveaux venus. « Dans bon nombre d’écoles bruxelloises, il y a aujourd’hui tellement de personnes sans compétences pédagogiques qu’on n’arrive plus à suivre en tant qu’école. Deux sur 15, c’est encore possible. Mais la moitié ? » Bruno De Lille l’a constaté : une école qui rencontre ces problèmes se retrouve souvent dans une spirale négative. « Cela peut arriver par hasard, à l’occasion d’un départ à la retraite, d’une grossesse ou d’un burn-out. Et soudain, l’école ne parvient plus à trouver des remplaçants ».

Par ailleurs, on est loin de trouver des solutions à ce problème, commente Karin Struys. Dans l’enseignement néerlandophone de Bruxelles, neuf enseignants sur dix ont leur lieu de résidence ailleurs. « Et comme la demande d’enseignants reste très élevée en Flandre, certains choisissent de travailler plus près de chez eux. »

Pour Bruno De Lille, il est impératif d’intervenir tant à court qu’à long terme si l’on veut garder la tête hors de l’eau. « Il va falloir faire des choix radicaux. Pour l’instant, nous sommes désespérés et ouverts à envisager toutes les solutions ». Hannelore Goeman, députée du parti Vooruit, a déclaré au Parlement flamand mercredi qu’il est temps d’appeler « tout le monde sur le pont » pour maintenir les écoles [néerlandophones] bruxelloises. « Ces classes qui vont fermer sont les premières, mais d’autres suivront. »

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Le ministre de l’Éducation Ben Weyts (N-VA) rappelle qu’on est loin d’une situation où toutes les écoles bruxelloises seraient en difficultés. « Au contraire. Les deux enseignants (à Schaerbeek, ndlr) sont passés vers une école de la périphérie flamande (Vlaamse Rand). Et pas seulement pour des raisons de proximité (de leur domicile, ndlr), mais aussi en raison d’autres problèmes sans lien avec les écoles ni même avec l’enseignement. »

Par-là, Ben Weyts fait référence aux problèmes de drogue et d’insécurité à Bruxelles. Il rejette l’idée de prendre des mesures spécifiques pour les écoles bruxelloises. « Je ne cesse de répéter que nous ne ferions alors que déshabiller Pierre pour habiller Paul. Cela reviendrait immanquablement à nous mettre mutuellement des bâtons dans les roues ».

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