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La N-VA souhaite « zéro immigration », mais est-ce possible ?
27·02·24

La N-VA souhaite « zéro immigration », mais est-ce possible ?

Temps de lecture : 4 minutes
Auteure
Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

1. Quels sont les projets de la N-VA en matière d’immigration ?

La N-VA ne souhaite accepter aucun nouveau demandeur d’asile en Belgique au cours des années à venir. « Notre objectif, c’est zéro », résume ainsi Theo Francken (N-VA). Le parti estime que la Belgique en a déjà fait assez : à charge, désormais, aux pays de l’Union européenne (UE) ayant accueilli très peu de demandeurs ces dernières années de prendre le relais. La formation nationaliste entend, en outre, priver toute personne entrée sur le territoire de manière irrégulière du droit d’obtenir un titre de séjour.

Il est vrai que, ces dernières années, la Belgique a accueilli beaucoup de demandeurs d’asile, en chiffres absolus, par rapport à d’autres membres de l’UE. Elle se classe à la huitième place, la première étant occupée par l’Allemagne depuis bien longtemps. Si l’on considère le nombre de demandeurs d’asile par million d’habitants, la Belgique se situe dans la moyenne européenne, selon les chiffres publiés en novembre 2023 par l’Agence de l’UE pour l’asile.

Sans compter que la Belgique est en proie, depuis plus de deux ans, à une crise de l’accueil : l’arriéré actuel du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), chargé d’examiner les demandes d’asile, s’élève à 20 086 dossiers.

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2. Que prévoit le pacte européen sur les migrations ?

Le pacte européen sur les migrations a été accepté par la Commission européenne en décembre ; il doit encore être approuvé par le Parlement et les États membres. Des procédures accélérées seront mises en place aux frontières extérieures : les candidats dont il sera établi qu’ils n’ont pas droit à l’asile seront renvoyés. Les demandes recevables passeront ensuite par la procédure normale. Dans l’intervalle, les migrants seront détenus dans des centres de rétention.

L’accord conclu n’a pas permis de mettre en place un système de répartition obligatoire des demandeurs d’asile, seulement un mécanisme de « solidarité obligatoire » : chaque État membre, en tenant compte de sa population et de son niveau de prospérité, devra prendre sa part dans l’accueil des demandeurs. La contribution attribuée à la Belgique s’élève à 3,2 %. Cette clé de répartition ne sera appliquée qu’en cas d’afflux exceptionnel dans un pays donné. L’État concerné pourra alors choisir d’accueillir ces demandeurs ou de verser une contribution financière de 20 000 euros par candidats à l’asile. La N-VA entend, dorénavant, opter pour le paiement de cette indemnité.

Ce pacte n’est pas du goût de Theo Francken, qui considère que les procédures de filtrage et de retour rapides feront long feu. Ruben Wissing, chercheur au sein du groupe de recherche sur le droit des migrations de l’Université de Gand, estime également que la question du renvoi des migrants restera aussi problématique qu’elle l’est aujourd’hui. « Les pays pourraient faire valoir leur “solidarité” en prenant en charge l’organisation de ces retours », explique-t-il.

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3. Les projets de la N-VA sont-ils réalistes ?

L’idée d’acquitter une indemnité plutôt que d’accueillir des candidats à l’asile est tout à fait applicable. Mais celle d’une feuille de route commune est remise en cause. « Une telle façon de procéder, de la part des États membres, ne vient que confirmer les critiques formulées à l’encontre du pacte : la solidarité n’est qu’un vœu pieux », analyse le chercheur.

Ilke Adam, chargée de cours principale en sciences politiques et codirectrice du centre de recherche sur les migrations de la VUB, considère que ces positions s’inscrivent avant tout dans le cadre de la bataille électorale que se livrent la N-VA et le Vlaams Belang : « La campagne électorale bat son plein. Cette législation est encore en chantier : la N-VA peut bien raconter ce qu’elle veut, ce ne sera pas pour demain. »

La Belgique peut-elle, par exemple, priver toute personne entrée sur le territoire de manière irrégulière du droit d’obtenir un titre de séjour ? Pas en l’état actuel du droit. En vertu de la convention des Nations unies relative au statut des réfugiés, dite convention de Genève, le franchissement des frontières internationales constitue un droit humain fondamental lorsque la personne concernée cherche à se protéger de violences et de persécutions. La Charte des droits fondamentaux de l’UE consacre, elle aussi, le droit d’asile.

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À cela s’ajoute l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdit la torture et les traitements inhumains ou dégradants. Il s’ensuit qu’un demandeur d’asile ne peut pas être renvoyé vers un pays où il risque de se trouver dans une situation de danger ou de persécution.

« Les propositions de la N-VA sont irréalisables. Tant que nous serons soumis à ces traités et qu’il y aura des conflits, les gens continueront à venir, y compris en Belgique. Une fois qu’ils sont arrivés dans notre pays, nous devons leur offrir la possibilité de demander une protection internationale, qu’ils soient entrés sur le territoire de manière régulière ou irrégulière », conclut l’universitaire.

La N-VA préconise le modèle australien : le parlement arrête le nombre de réfugiés admis chaque année et ceux qui arrivent par la mer sont arrêtés avant d’atteindre la frontière. « Nous voulons sauver les gens qui embarquent en Méditerranée et les envoyer dans des pays tiers sûrs », fait valoir Theo Francken.

4. Quid de la solidarité dans le nouveau pacte sur les migrations ?

La Pologne et la Hongrie ont d’ores et déjà fait savoir qu’elles ne participeraient pas au mécanisme de répartition et ne paieraient pas l’« amende ». Pour les autres pays de l’UE, le versement de cette indemnité peut constituer une option intéressante. « L’effet obtenu sera alors contraire à celui recherché : encore davantage de pressions et de violations des droits humains aux frontières extérieures », argumente Wissing.

Interrogé à ce sujet, le cabinet de la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Nicole de Moor (CD&V), indique qu’un plan B est envisagé afin de mettre en place un mécanisme visant à inciter les pays à assumer leur juste part de l’accueil et à ne pas se borner à payer l’indemnité. « Ce pacte ne fonctionnera que si chaque État remplit effectivement sa part du contrat. Un pays comme la Belgique a tout intérêt à ce que le système soit efficace. À défaut, elle continuera de voir un nombre disproportionné de demandeurs d’asile frapper à sa porte. »


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