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Guerre en Israël: pourquoi Dries Van Langenhove semble choisir soudainement le camp des palestiniens
17·10·23

Guerre en Israël: pourquoi Dries Van Langenhove semble choisir soudainement le camp des palestiniens

Temps de lecture : 4 minutes
Auteur⸱e
Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

La semaine qui vient de s’écouler a montré que dans notre pays, on se positionne, au sujet de la guerre à Gaza et d’Israël, selon un axe gauche-droite. Mais cette règle n’est pas absolue, comme le prouvent les cas particuliers de Dries Van Langenhove, Thierry Baudet et Tucker Carlson.

Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, l’activiste de droite radicale Dries Van Langenhove se livre à une analyse du conflit à Gaza tout en se musclant les biceps aux haltères : « Je pose la question sincèrement, ce n’est pas une attaque : qu’est-ce qu’Israël a réellement fait pour nous par le passé ? Pourquoi devrions-nous soutenir ce pays sans réserve et sans équivoque ? J’aimerais bien qu’on me l’explique. »

Il se démarque ainsi de la ligne adoptée par son ancien parti, le Vlaams Belang, qui s’associe aux propos du bourgmestre d’Anvers, Bart De Wever, selon lequel il faut se ranger du côté d’Israël et de « la lumière ». Dries Van Langenhove prendrait-il fait et cause pour les habitants de Gaza, majoritairement musulmans ? Les choses ne sont pas si simples…

Dries Van Langenhove dit s’interroger sincèrement, mais répond en fait à sa propre question. Avant ce passage, il argue de l’inexistence d’une prétendue tradition judéo-chrétienne en prenant pour exemple le fait qu’en Israël, « ils » (les juifs, NDLR) crachent sur les chrétiens et qualifient cet acte de tradition.

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Cette dernière affirmation est en partie fondée. À Jérusalem, on assiste en effet à une hausse du nombre d’incidents lors desquels des juifs crachent en direction de chrétiens. Dans une vidéo publiée au début du mois, des personnalités d’extrême droite telles que le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, ont défendu cette pratique — une « ancienne coutume », selon eux —, qui trouve toutefois son origine en Europe, où les juifs étaient une minorité opprimée : c’était alors une manière de montrer son courage. La situation est différente à Jérusalem, a-t-on fait valoir lors d’une conférence universitaire organisée en Israël, lors de laquelle il a été souligné que ces crachats vont à l’encontre du droit juif.

Complotisme

« Lorsque Dries Van Langenhove demande ce qu’Israël a déjà fait pour nous, on ne peut pas parler d’antisémitisme, mais je me demande bien quelles portes on ouvre avec une telle question », analyse le directeur de l’Institut Hannah Arendt, Christophe Busch. « À l’évidence, elle participe d’un certain complotisme au sujet d’Israël. »

Cette théorie du complot transparaît clairement dans un autre passage de la vidéo publiée par l’ancien député, où il affirme que nous ferions mieux de veiller « à la stabilité du Proche-Orient plutôt que d’y mener des guerres incessantes à la demande de ces sionistes » — comme si tous les troubles que connaît cette vaste région étaient orchestrés depuis Tel-Aviv. Plus tôt dans la semaine, Dries Van Langenhove a publié une autre vidéo sur Israël et Gaza, plus détaillée — sans poids, cette fois —, dans laquelle il s’épanche sur la situation en Libye, en Irak et en Syrie, et met en garde contre l’imminence d’une guerre contre l’Iran Ce qui nous amène aux motifs pour lesquels il prétend diffuser ces vidéos.

« Je n’ai rien contre les juifs, tout comme je n’ai rien contre les musulmans, mais je pense aux intérêts de la Flandre », y explique-t-il. « Une guerre menée au Proche-Orient au nom de peuples étrangers ne peut engendrer que déstabilisation, hausse des prix de l’énergie, montée en puissance du terrorisme et immigration massive. »

À en juger par les réactions à sa vidéo, son scepticisme à l’égard d’Israël est largement partagé par ses admirateurs. Mais les réflexions de Dries Van Langenhove trouvent également un écho au niveau international. La veille de la publication de sa vidéo, le relais d’opinion — et de théories conspirationnistes — américain de droite radicale Tucker Carlson a mis en ligne une vidéo similaire.

L’un et l’autre critiquent violemment une interview sur Fox News de Nikki Haley, candidate à la présidentielle américaine, dans laquelle ils voient un appel à la guerre contre l’Iran. Elle y qualifie l’attentat terroriste du Hamas contre Israël d’attaque contre les États-Unis : « ils nous détestent tout autant ». Et la républicaine d’ajouter à l’intention du Premier ministre israélien : « C’est le Hamas qui a agi, mais vous savez que l’Iran est derrière tout ça : achevez-les. »

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La vidéo de Tucker Carlson a du reste été partagée par le député européen Tom Vandendriessche. Dans une autre publication, ce membre du Vlaams Belang écrit que la sécurité nationale, les flux de demandeurs d’asile et le prix de l’énergie sont des défis plus importants qu’une « ode à la Lumière » — une allusion au discours prononcé par Bart De Wever. Au sein du parti, tout le monde ne partage donc pas la même ligne droitière d’une guerre contre les islamistes et d’un ralliement à l’allié israélien.

Aux Pays-Bas, on a également assisté à un retournement inattendu de la part de Thierry Baudet, le chef de file du parti de droite radicale Forum pour la démocratie. À la Seconde Chambre, celui-ci a en effet tenu à ce que soit consigné, dans le compte rendu des débats, son soutien sans réserve au plaidoyer en faveur des Gazaouis prononcé par Denk, un parti de gauche antiraciste. Fut un temps, le même Thierry Baudet se vantait pourtant de porter un t-shirt des forces armées israéliennes lors de ses séances de sport. Il y a quelques années, le député s’était présenté au Parlement coiffé d’une kippa et soutenait mordicus que les Pays-Bas n’avaient pas à se mêler de la politique d’annexion menée par Israël. Désormais, le Forum pour la démocratie refuse de signer une motion de soutien à l’État hébreu.

Rappelons à toutes fins utiles que ces dernières années, la section des jeunes de son parti a été mise en cause pour des messages à caractère antisémite échangés sur des groupes de discussion — une affaire qui n’est pas sans rappeler l’enquête judiciaire visant Schild & Vrienden, le mouvement fondé par Dries Van Langenhove, lequel n’a pas encore été entendu à ce stade. Enfin, Thierry Baudet a aussi été pris en flagrant délit de diffusion d’une vieille théorie du complot antisémite.

« Au sein de l’extrême droite, on observe depuis longtemps un courant caractérisé par l’antisémitisme et le complot juif, mais une autre ligne a peu à peu gagné en importance, à la faveur d’une vague extrémiste d’inspiration religieuse : la ligne anti-islam », résume Christophe Busch. « Face à ce conflit qui oppose les juifs et les musulmans, on assiste à une forme d’hybridation : les uns et les autres retiennent ce qui les arrange, quitte à paraître contradictoires. »

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