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Procès Schild en Vrienden : la frontière ténue entre humour et racisme
08·05·23

Procès Schild en Vrienden : la frontière ténue entre humour et racisme

Raf Njotea est scénariste et présentateur. Sa chronique bimensuelle paraît le jeudi.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

BELGA

Auteur
Laurence Hamels
Traductrice Laurence Hamels

Le procès de Dries Van Langenhove, leader de Schild & Vrienden, et de six de ses acolytes a débuté la semaine dernière. Petit rappel des faits… Septembre 2018 : le mouvement de jeunesse de droite radicale est sous les projecteurs à la suite de la diffusion d’un documentaire de la VRT qui fait grand bruit. En effet, l’émission Pano a notamment révélé la manière dont plusieurs membres de Schild & Vrienden ont largement propagé des mèmes et messages racistes sur des forums de discussion occultes. Deux jours plus tard, le juge ouvre une instruction, et des enquêteurs mènent une perquisition au domicile de Van Langenhove et de quelques autres suspects. Aujourd’hui, sept personnes sont inculpées pour détention illégale d’armes (sprays au poivre), négationnisme et racisme.

À l’époque du reportage, tantôt Van Langenhove réfutait l’existence de ces messages et mèmes, les qualifiant de mensonges photoshopés.Tantôt, il en minimisait le contenu, arguant que le seul but était de faire rire. Prétendre que les journalistes d’investigation de Pano ont falsifié les messages pour discréditer Schild & Vrienden est une pure absurdité qui s’inscrit dans une longue tradition de dénigrement des médias mainstream propre à la droite. La Lügenpresse, ça vous rappelle quelque chose ? Mais avancer que les mèmes étaient seulement des petites plaisanteries et que le contenu des échanges en ligne peut être interprété de manière large est une excuse qui appartient plutôt à une zone grise.

C’est aussi ce qui rend l’affaire plus intéressante qu’elle ne paraît à première vue. En effet, elle repose sur deux concepts caractéristiques des zones grises : le racisme et l’humour. Comme je l’affirmais dans un précédent article, le racisme est relatif, c’est-à-dire que ses frontières ne sont pas circonscrites. Une personne percevra du racisme dans tel trait d’humour, alors qu’une autre le considérera peut-être comme acceptable. Et nous ne parlons même pas de l’intention, qui joue un rôle elle aussi. Bien sûr, nous avons une loi antiracisme, mais elle ne peut envisager le racisme qu’à travers le prisme d’une interprétation juridique très étroite. Au tribunal, il en va de la culpabilité, laquelle est basée sur des preuves, fort heureusement. Mais, bien entendu, on peut aussi être raciste sans faire l’objet d’une condamnation. Quiconque vole un bien est un voleur, qu’il soit condamné ou non.

Dries Van Langenhove a déjà son canal sur Odysee, le « YouTube de l’extrême droite »

Les limites de l’humour sont difficiles à cerner elles aussi. Il se trouve presque par définition à la frontière de l’acceptable. C’est pourquoi la différence entre une blague et une insulte peut être minime ; ce qui fait rire telle personne risque d’incommoder telle autre. Une des questions centrales qui se posent ici est de savoir à partir de quel moment l’humour tourne en haine. Nous faisons tous partie de groupes Whatsapp sur lesquels une blague douteuse circule de temps en temps. Ce n’est pas pour rien que la mention « transféré de nombreuses fois » s’affiche sur certaines vidéos. Le fait de transmettre des images qui nous font rire fait-il donc de nous des racistes, misogynes ou antisémites ? Bien sûr que non ! Certes, on peut évoquer la fonction de soupape de l’humour, mais sachons que de telles blagues sont souvent faites aux dépens de groupes plus fragiles. Ainsi, l’humour peut contribuer à maintenir une image biaisée de la société.

« Abstenons-nous à tout prix de réagir à ces expressions de haine et de les attiser pour gagner des voix aux élections ou des points sur les réseaux sociaux. »

Dans le cas de Schild & Vrienden, l’histoire est un peu moins nuancée. Tout d’abord, la rédaction de Pano a passé en revue pas moins de 67 000 messages. Ensuite, il y a le ton de ces messages et surtout le fait que les images faisaient généralement l’apologie de la violence. Cela donne à penser que l’affaire ne se réduit pas à quelques blagues anodines. Il appartient au pouvoir judiciaire de décider si ces éléments permettront de condamner les prévenus pour racisme. Réponse au terme du procès. Quoi qu’il en soit, la dépréciation systématique de certaines communautés et l’incitation à la xénophobie et à l’antisémitisme sont, d’un point de vue humain, incontestablement racistes.

Aussi les agissements de Schild & Vrienden et l’attitude que Van Langenhove continue d’adopter sont-ils extrêmement blâmables sur le plan sociétal. Étant donné que le racisme, l’antisémitisme, la misogynie et l’homophobie sont présents dans la société, une certaine fermeté est de mise. Oui, ces attitudes existent, à notre grand regret. À nous de tordre le cou autant que possible à ces élans de haine, tel est l’objectif minimum. Pour ce faire, nous pouvons brandir des arguments qui affaiblissent des préjugés xénophobes et permettre aux gens de rencontrer des membres de communautés qu’ils ne connaissent que par ouï-dire, éventuellement en pratiquant l’humour satirique. Mais abstenons-nous à tout prix de réagir à ces expressions de haine et de les attiser pour gagner des voix aux élections ou des points sur les réseaux sociaux. Depuis lors, Dries Van Langenhove a largement prouvé que c’est ce qu’il fait, au préjudice de plusieurs communautés. Une telle attitude porte assurément un nom. Un nom que je choisis de reléguer à la zone grise.

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