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Dries Van Langenhove a déjà son canal sur Odysee, le « YouTube de l’extrême droite »
01·06·22

Dries Van Langenhove a déjà son canal sur Odysee, le « YouTube de l’extrême droite »

Cet article paru sur le site d’Apache entre dans le cadre de CrossOver , un projet qui analyse les algorithmes des médias sociaux à la recherche de désinformation.

Temps de lecture : 5 minutes Crédit photo :

BELGA (BENOIT DOPPAGNE)

Auteur⸱e
Maxime Kinique
Traducteur Maxime Kinique

La plateforme de vidéos Odysee a le vent en poupe en France et aux États-Unis. Le site prétend ne pratiquer aucune forme de censure et se targue de garantir la liberté d’expression. Aux antipodes des entreprises Big Tech, Odysee se présente comme le « YouTube de l’extrême droite » en faisant la part belle aux discours haineux et autres théories complotistes. Et si la plateforme ne jouit pas (encore) d’une grande popularité en Belgique, une personnalité telle que Dries Van Langenhove (Vlaams Belang) y possède déjà un canal.

« Dans cet épisode, nous vous montrons comment les médias traditionnels vous mentent à propos des centres d’asile, et combien ceux-ci sont gangrénés par la violence », déclare le député Dries Van Langenhove, membre du groupe parlementaire du Vlaams Belang à la Chambre des représentants, dans l’une des vidéos qu’il a partagées sur le site d’hébergement de vidéos Odysee. Le canal de Van Langenhove s’appelle KiesDries, comme sur YouTube, à la différence près que ses followers y sont nettement moins nombreux.

Dans la description de son canal, Van Langenhove écrit ceci : « Le paysage médiatique audiovisuel est dominé depuis bien trop longtemps par un discours de gauche étouffant. Les sociétés de télévision et de production ne montrent pas la diversité qui règne dans notre société, bien au contraire. Ce nouveau canal médiatique de droite est là pour faire changer les choses. »

« Odysee est considéré comme un terrain d’entraînement virtuel pour une jeune génération d’extrémistes de droite en raison de règles moins sévères et de l’absence quasi-totale de contrôle. »

Aux États-Unis et en France, surtout, Odysee est en train de gagner en popularité, même si le public reste limité par rapport à celui qui gravite sur les plateformes des géants de la Silicon Valley. Créé en 2020 par LBRY Inc., Odysee compte aujourd’hui 30 millions d’utilisateurs, principalement des hommes entre 24 et 35 ans. En mars, le site a vu son nombre d’abonnés augmenter de 20 %.

Odysee prétend ne pratiquer aucune forme de censure et se targue de garantir la liberté d’expression. Il se démarque explicitement des entreprises Big Tech et de leurs algorithmes de recherche, time-outs, bannissements et « censure ». Son attractivité réside également, en partie, dans le fait qu’il génère des revenus basés sur les cryptodevises. Les utilisateurs peuvent aussi gagner de l’argent numérique en publiant du contenu.

Extrême droite

La plupart des contenus partagés sur Odysee ne relèvent pas à proprement parler de la droite traditionnelle ou modérée. Dans un article publié l’an dernier, le journal The Guardian évoquait des vidéos faisant l’apologie du nazisme et pratiquant la désinformation sur les vaccins contre le Covid-19 avec des titres tels que « The Pure Evil of the Jews » (note du traducteur : « Le véritable fléau des Juifs »).

La plateforme est même considérée par des experts comme un terrain d’entraînement virtuel pour une jeune génération d’extrémistes de droite en raison de règles moins sévères et de l’absence quasi-totale de contrôle.

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« Les canaux populaires comprennent un spectre de commentateurs d’extrême droite qui va du professeur d’université Jordan Peterson au youtubeur Tari Warwick en passant par Elijah Schaffer, expert MAGA (NDLR : Make America Great Again, le slogan de campagne de Donald Trump) de son état et qui a participé à l’assaut du Capitole », décrypte Eviane Leidig, spécialiste du recrutement en ligne dans les rangs de l’extrême droite.

Intitulée « Hoe veilig is België ? » (note du traducteur : « Dans quelle mesure vit-on en sécurité en Belgique ? »), la vidéo de Van Langenhove laisse apparaître un hashtag de prime abord innocent : « Freedomhouse ». Ne vous y trompez pas, cependant : ce hashtag est utilisé sans aucune ambiguïté en lien avec les théories complotistes les plus radicales de partisans de Trump et de Qanon et d’une cohorte d’ « antivax ».

Refuge pour les bannis des réseaux traditionnels

Le canal de Dries Van Langenhove sur Odysee a un an, ce qui pourrait laisser penser que le timing de sa création ne tient pas du hasard. En mai de l’an dernier, Odysee a en effet gagné en popularité en Belgique après la diffusion du documentaire « Hold-up », qui dénonce la prétendue manipulation et une conspiration mondiale autour du Covid-19.

« C’est une erreur de penser que la suppression de nombre de comptes, contenus, pages et groupes sur les plateformes des entreprises Big Tech mettra fin à la diffusion de désinformation. »

« Hold-up » a certes été censuré par la plateforme Vimeo, mais penser que la suppression de nombre de comptes, contenus, pages et groupes sur les plateformes des entreprises Big Tech mettra fin à la diffusion de désinformation serait une erreur. Au contraire, les complots, fake news et autres discours haineux ont une caisse de résonance encore plus forte sur des réseaux sociaux alternatifs tels que Telegram, Odysee et Bitchute (ce qu’on appelle « Alt-Tech »).

Depuis 2020, ces microcosmes obscurs accueillent de plus en plus d’internautes, dont beaucoup se sont détournés des plateformes traditionnelles parce qu’ils ne pouvaient plus y déverser leur fiel en toute impunité. Avec ce déménagement virtuel vers des plateformes de niche, l’extrême droite suit l’exemple de son pire ennemi : les extrémistes islamistes de l’État islamique (EI).

En 2016, déjà, Twitter a supprimé plus de 235.000 comptes liés à l’EI. L’État islamique s’est lui aussi retrouvé dans la clandestinité, ce qui illustre de manière limpide l’ « effet lit à eau » ou, pour faire clair : la censure ne résout pas toujours le problème, parfois, elle ne fait que le déplacer.

Désinformation sur les réseaux sociaux, une fatalité ?

De surcroît, les messages et la désinformation véhiculés par la droite extrême muent et se transforment dans l’optique d’actionner un large spectre d’incitants susceptibles de déclencher le mécanisme de ce qu’on appelle la polarisation affective, à savoir une forme de polarisation dont les ressorts sont davantage émotionnels qu’idéologiques.

Selon une étude récente du Vlaams Vredesinstituut (note du traducteur : l’institut flamand pour la paix), le phénomène de la polarisation affective est problématique dans la mesure où il implique que les citoyens sont de plus en plus enclins et nombreux à nourrir une aversion personnelle à l’égard des personnes qui ont un point de vue opposé au leur.

« Les personnes souffrant de polarisation affective estiment, par exemple, que leurs détracteurs manquent d’ouverture d’esprit, mentent ou sont naïfs », conclut le rapport du Vredesinstituut. « La polarisation affective a pour conséquence que des personnes qui n’ont pas d’opinion tranchée se retirent du débat et éprouvent un sentiment d’aliénation politique. »

Feuilleton de fake news

Odysee, justement, ressemble fort à une île perdue où ont trouvé refuge ces « aliénés politiques », et toutes les personnes qui adhèrent à l’idée qu’une « élite tout acquise à la mondialisation » est à l’origine de tous les maux de la Terre. Pour ces gens-là, la succession de crises majeures que nous avons connues ces dernières années, du Covid-19 à la guerre en Ukraine, n’est qu’un feuilleton de fake news.

Et tout dernièrement, c’est la multiplication des cas de contamination par le virus de la variole du singe qui alimente de nouveau le moulin des théories conspirationnistes, nous apprend une étude de CrossOver.

« Les autorités veulent une nouvelle fois nous mettre sous curatelle » ou « La mafia de la santé publique est prise en flagrant délit de planification d’une nouvelle épidémie qu’elle utilisera comme levier pour terroriser le public et se faire un maximum d’argent » ne sont que deux exemples de fausses nouvelles colportées dans des vidéos partagées sur des comptes en anglais suivis par un public allant de quelques centaines à une dizaine de milliers de followers. Plus la méfiance envers le discours dominant est grande et plus les théories complotistes exposées sur les plateformes alternatives sont grotesques !

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