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Conflit israélo-palestinien : un fossé toujours plus profond, même entre amis
10·10·23

Conflit israélo-palestinien : un fossé toujours plus profond, même entre amis

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Image par Tumisu de Pixabay

Auteur
Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

André Gantman, 72 ans, est un responsable politique anversois de confession juive, membre de la N-VA et ancien échevin. Ludo Abicht, 86 ans, est un philosophe anversois, communiste et pro-palestinien. Les deux hommes se connaissent bien : ils ont même écrit à quatre mains un livre dans lequel ils confrontent leurs points de vue sur la question palestinienne, toujours dans le respect. Mais désormais, le fossé qui sépare les deux camps ne cesse de se creuser, y compris entre ces deux amis. Voici d’ailleurs ce que nous confiait Ludo Abicht à la fin de notre entretien téléphonique : « Je condamne les violences, de part et d’autre, mais de son côté, André critiquera-t-il aussi celles qui sont le fait d’Israël ? » La réponse est non…

André Gantman (de confession juive) : « Les nazis procédaient de la même façon »

Les actes du Hamas ne trouvent aucune justification à vos yeux.

André Gantman : « Absolument aucune. Ils ont dû mettre des millions de dollars dans les armes qu’ils utilisent contre des cibles civiles, alors qu’ils prétendent toujours manquer d’argent pour leur population. Sans parler de leurs agissements : ils ont pris en otage on ne sait combien de civils. On voit mal en quoi il s’agirait d’une lutte pour la liberté. J’ose même les comparer aux nazis, qui fouillaient les maisons une à une, tuaient certains de leurs occupants et enlevaient les autres. C’est la première fois que je fais ce parallèle, car tout ça me rappelle vraiment la façon de procéder des nazis : ils faisaient irruption chez les gens, assassinaient les parents et enlevaient les enfants, ou vice versa. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant que Mein Kampf, le livre écrit par Hitler, soit particulièrement apprécié par les membres du Hamas. Leur objectif, c’est de tuer des juifs. Ce ne sont pas des militants, mais des meurtriers. »

Qu’est-ce qui les anime ?

« Je n’ai pas de réponse à cette question. Ces actes rendent encore plus difficile la recherche d’éventuelles solutions. À cela s’ajoute le fait qu’en Israël, on a vu ces derniers mois s’intensifier la dissension entre les partisans et les opposants du cap donné par le Premier ministre, Benyamin Netanyahou : semaine après semaine, ce sont des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes qui se sont réunies pour manifester. C’est désormais terminé. La guerre a restauré l’unité. Et c’est le fait du Hamas. L’idée de réduire à néant la structure de ce mouvement fait largement consensus en Israël. Par ses agissements, il a rendu tout compromis impossible. »

Que faire à présent ?

« Je ne sais plus comment en sortir. Je n’ai jamais eu beaucoup de sympathie pour le Hamas, c’est le moins qu’on puisse dire. C’est avec ses ennemis qu’il faut faire la paix — avec ses amis, ce n’est pas nécessaire. Mais maintenant, c’en est fini. Toutes les portes sont fermées. Beaucoup d’Israéliens sont devenus des victimes, ainsi que de nombreux civils gazaouis. Et je pose à nouveau la question : qu’a fait le Hamas pour venir en aide à sa propre population, à part se constituer un immense arsenal ? Rien du tout. »

Comment la N-VA est devenue un parti pro-israélien

Qu’en est-il du rôle de l’Iran ?

« Oh, il se peut que l’Iran soit lié à tout ça, c’est en effet le principal élément perturbateur de la région. »

Il existe de nombreux liens familiaux entre les juifs d’Anvers et Israël.

« Oui. Ici, presque tout le monde a de la famille qui vit là-bas. Il n’est pas rare que ces liens passent par le mariage : de jeunes hommes d’ici se marient et s’installent là-bas. J’ai un frère qui vit en Israël depuis 50 ans, à une centaine de kilomètres de Jérusalem, du côté du Liban. Comme tout le monde, il est sous le choc. La riposte se prépare. Il y a cinquante ans, on a connu la guerre du Kippour, déclenchée par l’Égypte et la Syrie — mais au moins, elle n’était pas dirigée contre des civils. Des attentats sont commis régulièrement. Ceux qui vivent en Israël savent que le danger est omniprésent. Si on a peur, il ne faut pas vivre là-bas. »

Ludo Abicht (pro-palestinien) : « On a le droit de s’insurger par légitime défense »

Qu’est-ce qui anime le Hamas ?

Ludo Abicht : « En un mot : la liberté. Ils veulent pouvoir voyager, rendre visite à leur famille, être soignés dans les bons hôpitaux au-delà de la frontière, être libres de construire une maison et de mener une vie normale. Ils se sentent contrôlés en permanence. Plusieurs millions de Palestiniens sont pour ainsi dire prisonniers dans la bande de Gaza, cet étroit territoire pris en étau entre les barbelés d’Israël et la mer. D’ailleurs, quand ils osent s’y aventurer sur leurs bateaux de pêche, ils se font tirer dessus par les patrouilles israéliennes. L’unique aéroport de Gaza est à l’arrêt. Le mouvement politique du Hamas exerce son autorité dans la bande de Gaza depuis les élections de 2006, lors desquelles il a, de fait, recueilli la majorité des voix. Or l’Europe et les Américains les considèrent comme un mouvement terroriste. Les Gazaouis estiment donc que leur démocratie n’est pas reconnue à sa juste valeur. La Cisjordanie, le deuxième territoire palestinien par la taille, où se sont installés 250 000 colons juifs, est gouvernée par l’Autorité palestinienne. Il s’agit du gouvernement reconnu par la communauté internationale, mais plus le temps passe, moins il a de choses à dire sur les millions de Palestiniens qui vivent là-bas. Ces derniers éprouvent donc une certaine sympathie pour les actions du Hamas : au moins, il agit, contrairement à leur gouvernement. »

Mais de là à prendre des civils en otage ?

« Je condamne ces prises d’otages, bien entendu. Mais les Palestiniens, eux aussi, se sentent constamment pris en otages. Je suis opposé à la violence contre les civils, mais on a le droit de s’insurger, par légitime défense, quand on écrase votre voiture avec des chars et qu’on vous chasse de chez vous — c’est ce qu’ont connu les Palestiniens en 1946. Tout à coup, leurs terres ont été occupées. Ils ont dû renoncer à 80 % de leur territoire. Ils sont des centaines de milliers à avoir fui et, selon diverses sources, il y a aussi eu des massacres. »

Avec leurs attentats, ils ne feront pourtant que provoquer un durcissement de la politique d’Israël…

« Vous avez raison. Et leur réputation s’en trouvera encore plus ternie. »

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Se peut-il que l’Iran soit à l’œuvre en coulisse ?

« Il semble plausible que l’Iran les aide indirectement. Mais de l’autre côté, les Américains soutiennent Israël et lui fournissent des armes. »

La ministre belge de la Coopération au développement, Caroline Gennez (Vooruit), refuse, elle aussi, tout dialogue avec le « mouvement terroriste » du Hamas.

« Du temps où j’étais professeur, elle a été mon étudiante dans le cadre de cours portant sur ces thématiques. C’est une sociale-démocrate, mais elle suit le pouvoir, elle tient le même discours que les autres. Elle ne se montre pas critique. Le Hamas est un mouvement qui a recours au terrorisme, mais son objectif est d’instaurer une société dont les citoyens bénéficieraient des mêmes droits que les Israéliens. Ce n’est pas parce qu’ils s’y prennent de la mauvaise façon qu’il ne faut pas dialoguer avec eux. Ils sont élus. Ce sont les représentants des Palestiniens de la bande de Gaza. »

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