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Tous les poètes de la Ville d’Anvers ont démissionné par protestation
08·11·22

Tous les poètes de la Ville d’Anvers ont démissionné par protestation

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Photo by Aaron Burden on Unsplash

Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

Après Ruth Lasters, c’est au tour des quatre autres poètes de la Ville d’Anvers de présenter leur démission. Ce faisant, ils entendent dénoncer le manque d’espace laissé à la critique dans la ville ainsi que le désintérêt des dirigeants anversois.

Au début de l’année, la Ville d’Anvers a modifié le statut de ses poètes après vingt ans : ce n’est désormais plus un poète, mais un groupe de cinq poètes qui est ainsi promu. Cette décision engendra une certaine inquiétude, car elle pourrait signifier la dissolution de la fonction. Le premier poète de la Ville anversois, le célèbre Tom Lanoye, a affirmé, dans nos colonnes, craindre un phénomène de dispersion. La poétesse Maud Vanhauwaert, elle, espérait que ce statut allait pouvoir permettre, outre de créer des poèmes sur demande, d’exprimer des points de vue personnels, voire discordants. En rendant leur tablier collectivement ce samedi après un parcours cahoteux d’à peine neuf mois, les poètes ont bien évalué les risques.

Rappelons que Ruth Lasters avait déjà démissionné début septembre après que la Ville eut refusé un de ses poèmes, intitulé « Losgeld » (Rançon). Ce moment de crise avait mis dans l’embarras les autres poètes de la Ville (le duo Proza-K constitué d’Yves Kibi Puati Nelen et de Cleo Klapholz, Lies Van Gasse, Yannick Dangre et Lotte Dodion), forcés de prendre position : stop ou encore ?

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Diviser pour régner

« Évidemment que j’avais envisagé de jeter l’éponge à l’époque, écrit Yannick Dangre dans sa lettre de démission, aussi bien en raison de l’attitude de la Ville que de la faute systémique que représente la composition d’un groupe de poètes. Une faute délibérée par ailleurs, car un amalgame sans visage, c’est moins menaçant qu’un poète de la Ville à une seule gueule. La scission en cinq de la fonction fut considérée, a posteriori, comme une véritable tentative de diviser pour mieux régner. »

« Si je suis restée, avant tout, c’est par un réflexe que je qualifierais de syndical, indique Lies Van Gasse. Nous avions décidé de dialoguer avec le cabinet de l’échevine et de lutter pour de meilleures conditions de travail. Comment garantir notre droit de recevoir des commandes ? Et qu’adviendra-t-il si nous souhaitons écrire des textes hors commande ? Sommes-nous censés nous concurrencer ? Le pool de poètes équivaut-il à un système d’adjudications publiques ? » Lors des discussions avec l’échevine, il fut conclu d’établir une nouvelle convention. Ces discussions avaient suscité pas mal d’espoir, reconnaît Van Gasse, « mais nous n’avions pas fini d’attendre. »

« Deux mois plus tard, toujours aucune trace de la moindre convention, écrit Dangre, tandis qu’un nouveau front s’ouvrait sur le champ de bataille de la culture anversoise : la suppression de subventions à des projets artistiques. Autant dire que les belles paroles de l’échevine nous ont alors vite paru plus creuses que les dents de ma grand-mère. […] Sauver le statut de poète de la Ville n’a de sens que si ledit statut représente quelque chose. Et ce n’est pas le cas. »

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Et les poètes de détailler les problèmes auxquels ils ont été confrontés. En effet, outre Ruth Lasters, Proza-K a également essuyé un refus :

« Lorsque notre poème Crystal Palace, une ode au Koolkaai, n’a pas pu être affiché sur une hideuse boîte électrique grise à cause d’un dessin obscène, nous avons commencé à nous poser des questions. En fin de compte, nous ne souhaitons plus être le visage d’une ville qui préfère se passer d’artistes critiques. »

Dangre dénonce aussi le désintérêt de la Ville. « Par exemple, l’échevine de la Culture, Nabilla Ait Daoud (N-VA), n’a pas jugé utile de faire notre connaissance, et elle n’a pas daigné participer au spectacle d’inauguration à l’Arenberg. Et à plus d’une reprise, l’intervention d’un poète, pourtant commandée par la Ville, a été supprimée en dernière minute du programme de cérémonies. »

Un appel

Proza-K conclut par un appel à la ville : « C’est notre diversité qui a présidé à notre désignation au titre de poètes de la ville. Cleo est polonaise et juive, je suis congolais. Nous voulons montrer aux 172 nationalités présentes à Anvers qu’il ne faut pas être né dans la ville pour signifier quelque chose pour elle. Mais nous ne pouvons plus nous battre pour l’avenir de tous les poètes de la ville alors que nous comprenons petit à petit qu’il n’y en aura désormais plus. »

« Le soutien de la ville ne peut pas être tiraillé dans cinq directions différentes, en raison d’un manque de personnel et de moyens. Nous ne voulons sauver l’institution que s’il n’y a qu’un seul poète officiel à Anvers. Avec une convention sérieuse, avec un endroit qui centralise tous les poèmes, avec un soutien total de la Ville. »

« Nous avons pris acte de la démission collective, a réagi l’échevine de la Culture sur Radio 1. Nous avions entamé des discussions avec PEN-Vlaanderen, un organisme de soutien aux auteurs, et un expert juridique externe afin d’établir un cadre plus clair pour la convention, mais les poètes de la Ville n’ont pas attendu, a-t-elle ajouté. Ce n’est pas nous qui avons décidé de mettre fin à la collaboration. Ce sont eux qui ont débranché la prise. » Le Collège va désormais se pencher sur le statut de poète de la Ville.

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