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En Flandre, des célébrités « goûtent » à la pauvreté pour le plus grand plaisir des téléspectateurs
22·02·24

En Flandre, des célébrités « goûtent » à la pauvreté pour le plus grand plaisir des téléspectateurs

Isolde Van den Eynde est journaliste politique au quotidien Het Laatste Nieuws. Elle était l’une des expertes dans la deuxième saison de Dring Dring, le podcast de DaarDaar qui vous découvrir la Flandre à vélo.

Temps de lecture : 3 minutes

Natalia Druyts et Astrid Coppens (deux célébrités flamandes respectivement chanteuse et influenceuse, ndlr) ont mis les pieds dans le plat. Les deux femmes, habituées à un train de vie confortable, ont accepté de vivre avec le salaire minimum pendant un mois, dans le cadre d’un programme télévisé.

Force est de constater qu’elles ne vivent pas sur la même planète que les 40% de Flamands qui peinent à boucler les fins de mois. Mais vous l’aurez compris, c’est là tout l’intérêt de l’émission. Les propos des deux participantes font jaser. « Ah ! Que le sol est laid ! » « Et qu’il fait étouffant dans une voiture sans airco ! » Impossible de leur donner tort sur ce dernier point, mais là n’est pas la question. Le problème, c’est que la caméra braquée sur le binôme vise à amuser la classe moyenne.  La pauvreté est présentée comme une « aventure » façon Koh-Lanta. Il s’agit, pour reprendre les termes de Celia Groothedde, députée Groen, de « poverty porn ». D’une exploitation malsaine et d’une mise en scène de la misère à des fins lucratives. Les deux vedettes ont d’ailleurs sans doute empoché un gros cachet. Sur le dos de la pauvreté.

Voir la réalité des personnes en situation de pauvreté en face ? Très peu pour Astrid et Natalia. À leur décharge, elles sont loin d’être les seules dans ce cas. Après la révolte des agriculteurs de ces dernières semaines, un journaliste de ‘Knack’ a écrit à brûle-pourpoint que « nous devrions enfin commencer à payer un peu plus pour la nourriture qui se trouve dans nos assiettes ». Il ne se privera pas de la moindre tartine pour autant.

Oh My God : la téléréalité flamande qui remet sur le droit chemin

Or si vous peinez à joindre les deux bouts, ou que vous êtes franchement raides à la fin de mois, la moindre augmentation de prix peut vous enfoncer la tête sous l’eau. Le stress est énorme. En 2023, près de 214 000 personnes ont franchi la porte d’une banque alimentaire. Un chiffre record pour un constat sans appel : de nombreuses personnes n’ont pas assez d’argent pour s’acheter de la nourriture. Et encore moins pour se payer un exemplaire de « Knack » ou de « Het Laatste Nieuws », soit dit en passant.

Dans le même temps, nos responsables politiques viennent de débattre pendant une semaine d’une prime de 5 000 euros à l’achat d’une voiture électrique d’une valeur de 40 000 euros. Une semaine durant, les politiciens flamands se sont attardés sur ce cadeau de Saint-Nicolas. Que d’énergie gaspillée ! La même semaine, la discussion sur l’augmentation du coût des titres-services pour augmenter les salaires des aides ménagères a refait surface. En réalité, ces titres coûtent 27 euros. Le citoyen ne paie que 9 euros, et bénéficie au passage d’un avantage fiscal. La discussion est finalement tombée à l’eau. Pourtant, une petite augmentation ne serait pas la fin du monde pour les consommateurs, tandis que les aides ménagères verraient leurs conditions de vie s’améliorer.

« Ne faudrait-il pas faire preuve de davantage de bienveillance et surtout d’empathie à l’égard des plus démunis ? Si. Impérativement. »

Le débat politique actuel sur le « bonbon d’État » s’inscrit également dans la même veine. Le bon d’État était populaire auprès de la classe moyenne et a permis, pour la première fois, de faire pression sur les banques. La volonté affichée de réitérer l’opération, pour une Flandre prospère, sent le clientélisme à plein nez.

La classe moyenne est clairement dans la ligne de mire. Il ne fait aucun doute que cette frange de la population joue un rôle important. En effet, la classe moyenne travaille dur et paie un lourd tribut pour que les moins bien lotis ne restent pas sur le carreau. Elle reçoit aussi beaucoup en retour. Trop, parfois. Ainsi pourrait-elle se passer, par exemple, du strass et des paillettes de la téléréalité. Ne faudrait-il pas faire preuve de davantage de bienveillance et surtout d’empathie à l’égard des plus démunis ? Si. Impérativement.

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