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Quand le hip-hop flamand passe de l’underground au mainstream
24·07·23

Quand le hip-hop flamand passe de l’underground au mainstream

Cet article a été publié au départ sur le site de Larsen. Notre rédacteur en chef, Aubry Touriel, y consacre une série sur les différents styles de musique en Flandre.

Temps de lecture : 5 minutes Crédit photo :

KOEN BLANCKAERT (BELGA)

Aubry Touriel
Auteur

Qui dit hip-hop flamand, pense directement à « Stikstof » et à son leader « Zwangere Guy ». Et pourtant, bien d’autres groupes percent en Flandre. Partie de sombres mp3 diffusés sur des blogs, la scène hip-hop s’est bien diversifiée et passe souvent à la radio dans le nord du pays.

Ils remplissent le Lotto Arena à Anvers ou l’AB à Bruxelles, ils se produisent à Glastonbury… « Ils », se sont les groupes de hip-hop flamands. Certains ont signé auprès de labels comme Universal et TopNotch. En plus de vingt ans, le hip-hop flamand est donc monté en grade.

Tourist LeMC, Coely, Stikstof et Zwangere Guy sont quelques noms du hip-hop flamand à signer sur des labels internationaux. « Avant les groupes diffusaient leur mp3 sur des blogs, maintenant les standards se sont améliorés. Avec des labels tels que Universal et TopNotch, c’est toute une machinerie qui est derrière », raconte le leader du groupe de hip-hop anversois Halve Neuro.

Halve Neuro est un groupe parodique qui a percé en 2010 avec le titre « Fritkot ». Et leur notoriété, ils la doivent au célèbre rappeur américain 50 Cents. En plus d’avoir parodié son nom (Halve Neuro voulant dire un demi-euro), son premier succès s’inspire ouvertement du refrain de Candy Shop, sauf que le magasin de bonbons s’est transformé en « Fritkot ». Belgitude oblige.

« On voulait faire du rap en anversois pour se marrer, du 50 Cents ou du Pharrell en dialecte », se souvient le leader du groupe. « Je me rappelle du jour où, sur un coup de tête, on s’est tous ramenés déguisés à la foire d’Anvers pour tourner le clip. C’est directement devenu viral. »

Dialecte ou Algemeen Nederlands?

Halve Neuro et le groupe phare ‘t Hof van Commerce ont un point commun :  leurs textes sont en dialecte : en anversois pour le premier et en West Vlaams pour le second. C’est d’ailleurs une des caractéristiques du hip-hop flamand.

Même si les rappeurs flamands ont tendance à se tourner vers les Pays-Bas, ils se démarquent de leurs homologues néerlandais par la langue qu’ils utilisent : « Il existe d’énormes différences entre les dialectes flamands. Les rappeurs acquièrent un style qui leur est propre de cette façon », explique le chanteur du groupe de reggae/hip-hop Wahwahsda.

Mais il nuance : « La tendance à rapper en dialecte diminue petit à petit. Vous ne pouvez presque pas faire autrement si vous voulez que votre carrière perce sur le plan commercial. De plus en plus d’artistes flamands commencent aussi à rapper avec un accent néerlandais. Ils pensent que ça sonne mieux, ou parce qu’ils sont influencés. »

Le metal en Flandre: une scène qui s’exporte à l’international

Certains rappeurs flamands chantent aussi en anglais. Coely, l’une des révélations des dernières années, en fait partie. Alors qu’elle a commencé sa carrière à l’âge de 17 ans, elle s’est rapidement retrouvée sur les prairies de Rock Werchter, Pukkelpop, Tomorrowland et même Glastonbury. D’autres artistes internationaux ont reconnu son talent : elle a fait entre autres la première partie de Kendrick Lamar et de Kanye West

Après une pause de quatre ans en raison d’une dépression, des années covid et de la naissance de sa petite fille, la chanteuse belgo-congolaise a sorti un nouveau single en mai : « Run it up ». Armée de nouvelles compos qui brouillent les frontières entre hip-hop, soul, pop et R&B, Coely mélange les genres.

Genre de plus en plus difficile à définir

« Quand les gens nous écoutent, on aimerait qu’ils se disent : « c’était quoi ça ? » », explique Peter ‘Sput’ Govaerts du groupe Wahwahsda (qui signifie « c’était quoi ça ? » en dialecte anversois). « Nous ne voulons pas qu’on colle une étiquette spécifique sur notre musique. Mais si on devait nous décrire en deux mots, je dirais : reggae/hip-hop. »

Yong Yello, ancien membre du collectif/label hip-hop anversois Eigen Makelij, illustre aussi l’éclectisme du hip-hop flamand. « Est-ce plutôt du hip-hop ou l’œuvre d’un auteur-compositeur ? », se demande Halve Neuro.

Sur papier, Yong Yello est un rappeur, mais il est vrai qu’il ne colle pas aux clichés et aux tatouages ringards. Son attitude et le contenu de sa musique… Yello Staelens (son véritable nom) est atypique en tout. Sur des mélodies assez pop, le rappeur anversois aux airs de bobo dit sans ambages ce qu’il est, n’épargnant ni lui-même ni ceux qui l’entourent.

En prenant du recul, Peter ‘Sput’ Govaerts trouve qu’en 20 ans le style du hip-hop en Flandre s’est fortement diversifié : « Le genre s’est élargi. C’était beaucoup plus facile de définir le hip-hop à cette époque-là par rapport à maintenant ».

Selon le chanteur de Wahwahsda, le hip-hop au nord du pays s’est aussi adouci avec les années : « Ce n’est pas que la technique du hip-hop a disparu, mais les beats et les paroles sont plus doux. Avant, c’était des opinions très tranchées et beaucoup de contenus qui pouvaient choquer. »

« Chapeau ! Stikstof a réussi à rendre le hardcore mainstream »

Il estime que de plus en plus de morceaux de hip-hop ont des touches plus intenses de pop et sont plus enclins à passer à la radio, ce qui était exceptionnel il y a 20 ans. Actuellement, il n’est pas rare d’entendre des morceaux de Yong Yello, de Tourist LeMC ou de Zwangere Guy sur les ondes.

Même si les genres se diversifient de plus en plus, Stikstof est parvenu à hisser le hip-hop classique dans les charts. « Chapeau ! Stikstof a réussi à rendre le hardcore mainstream », se réjouit Halve Neuro.

Hip-hop présent partout

Anvers, Gand, Bruxelles… Les grandes villes sont souvent le terrain de jeu favori des rappeurs. À Anvers, on citera notamment Tourist Le MC. De son vrai nom Johannes Faes, le travailleur social du quartier nord d’Anvers se révèle sur son album En Route (en français dans le texte) en 2016. Maître conteur-causeur, il garde son titre de troubadour officieux de la métropole flamande.

Le Gantois Fritz Tavernier, aka Froze, fait aussi partie de ces artistes qui ne se limitent pas au genre hip-hop pur et dur. En 2016, le rappeur sort le single politique Lang Leve België (Longue vie à la Belgique). Dans cette chanson, le rappeur transforme en mots sa relation d’amour-haine avec son pays natal, tout en s’attaquant à l’hypocrisie bien ancrée dans notre société.

Mais le hip-hop ne vit pas que dans ces grandes villes : « La Flandre occidentale aussi est une province pleine de talents », assure Peter ‘Sput’ Govaerts. Il souligne également la force de la scène freestyle.

Il prend l’exemple de la scène DE BESTN VANT WESTN, une initiative de l’asbl Phatmark Collective qui vise à offrir une plateforme aux talents établis et émergents de la scène hip-hop de Flandre occidentale. « Contrairement aux Pays-Bas, la Flandre a gardé les vrais principes fondamentaux du hip-hop : le freestyle. Aux Pays-Bas, ils se basent souvent sur des textes écrits, ils ont quelques punchlines, mais ont peu de flow. »

Une salle sombre et crade

Ce n’est pas toujours évident de trouver une bonne salle de concerts hip-hop, regrette Peter ‘Sput’ Govaerts : « Avant à Anvers, il y avait le Petrol. C’était l’endroit idéal, mais c’est malheureusement fermé depuis quelques années et, depuis, je reste sur ma faim. Il vaut mieux aller à Gand, au Charlatan par exemple. »

« Tu peux aller voir Coely et Tourist Le MC au Lotto Arena », sourit Halve Neuro. « Mais le véritable esprit du hip-hop, on le retrouve dans une salle sombre et crade remplie à craquer. »

Entre la rue et le Sportpaleis, il n’y a qu’un pas pour le hip-hop flamand. Il se professionnalise notamment grâce au soutien de grands labels. Des artistes arrivent dans les TOP 5 des ventes/ téléchargements en Belgique.

En se diversifiant, le hip-hop flamand attire un public de plus en plus large, conclut Peter du groupe Wahwahsda : « Je ne peux qu’espérer que le hip-hop continue à se développer dans toutes les directions et qu’il y ait à la fois du vrai hip-hop qui n’a pas besoin d’être commercial et des gens qui font du hip-hop pour la radio. »

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