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Pourquoi tant de femmes se reconnaissent dans le comeback raté de Kim Clijsters
26·07·23

Pourquoi tant de femmes se reconnaissent dans le comeback raté de Kim Clijsters

Kim Clemens est journaliste pour le quotidien Het Nieuwsblad.

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

YORICK JANSENS (BELGA)

Auteur⸱e
Maxime Kinique
Traducteur Maxime Kinique

Le sport de haut niveau n’est guère ma tasse de thé et pourtant, je me reconnais très bien dans la nouvelle série documentaire sur le comeback de Kim Clijsters. Beaucoup de femmes de plus de 35 ans diront la même chose, à mon avis, tant nous sommes nombreuses à faire le constat que nous ne sommes plus tout à fait à la hauteur de nos ambitions passées.

Après la séance, nous avions toujours droit à un sachet de chips au paprika. Nous étions trois petites filles sur la banquette arrière de la voiture de mon père, occupées à dévorer bruyamment les chips en essayant de ne pas laisser de miettes dans la voiture. À partir de l’âge de 7 ans, j’ai suivi des cours de tennis pendant un an et demi, et c’est le seul souvenir que j’en ai gardé. Lorsque je laisse libre cours à mes pensées, je peux m’imaginer faire plein de choses, mais je ne me vois jamais en joueuse de tennis de haut niveau.

Le contraste pouvait difficilement être plus grand avec une autre Kim qui, au même moment, bossait dur de l’autre côté du pays pour se frayer un chemin jusqu’au sommet du tennis mondial. Je suivais cette congénère de loin et – cela va sans dire – avec une grande admiration, mais ce n’est que maintenant, en regardant le premier épisode de la série documentaire Come back home diffusée sur la VRT, qu’une partie de moi s’identifie à elle.

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D’autres priorités

Lorsque Clijsters, 36 ans au compteur et mère de trois enfants, annonce son comeback en 2019, la surprise est totale. Le tennis de haut niveau est un chapitre qu’elle a refermé depuis sept ans déjà, et elle ambitionne de redevenir une joueuse du top ? Une équipe de cameramen a pu suivre de près cette tentative de retour au sommet du tennis mondial. Et si Clijsters échouera dans son Kimback, cela n’aura pas d’incidence négative sur la série. Au contraire. Entre labeur et sueur, on voit poindre les limites de la condition humaine et se dessiner clairement la question des choix qu’il faut de nouveau effectuer après 35 ans. 35 ans, c’est l’âge où on réévalue ce qu’on veut ou ne veut pas et où on réalise de manière implacable qu’on n’est plus la même personne qu’à 25 ans. Un constat qui est source de bien des tourments chez certain·es.

À 35 ans, les priorités changent. Parce qu’on a entretemps accouché d’un ou plusieurs enfants ou parce qu’on a perdu son père ou sa mère ou connu les affres d’une longue maladie. 35 ans, c’est aussi l’âge où se produit quelque chose qui vous fait grandir en tant qu’être humain et vous amène à vous interroger sur l’orientation de votre carrière professionnelle. C’est une étape que tout le monde traverse, je pense. Comme celle d’aspirer, ensuite, à renouer avec sa vie et ses activités d’avant.

Ce phénomène s’observe lorsque Kim Clijsters commente le tournoi de Roland-Garros au bord du court. Elle apprécie ce rôle, dit-elle, et elle se réjouit de collaborer avec des personnalités telles que John McEnroe et Boris Becker. « Mais je crois que ma place est encore là-bas plus que nulle part ailleurs », dit-elle en désignant le court. Kim se verrait bien renouer avec sa vie d’avant, lorsqu’elle était plus jeune et n’avait pas encore d’enfants et que, portée par des ambitions sportives hors du commun, elle allait atteindre la première place dans la hiérarchie mondiale. Ce désir est compréhensible, mais tout le monde a pu se rendre compte progressivement que cette ancienne Kim n’existe plus. Son physique n’est plus le même – on a suffisamment écrit à ce sujet – et son état d’esprit a lui aussi évolué.

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Un instinct de tueuse qui s’est engourdi

Lors d’une séance, Carl Maes lui fait remarquer qu’elle s’excuse trop souvent auprès de ses partenaires d’entraînement lorsqu’elle rate un coup. L’ancienne Kim n’aurait jamais eu une telle attitude. « Fuck the other side » lui lance-t-il dans une tentative de réveiller son instinct de tueuse. Et d’ajouter qu’elle a aujourd’hui davantage d’empathie, comme si c’était quelque chose de honteux ou de problématique.

Dit autrement, la nouvelle Kim est quelque peu dans le chemin de l’ancienne. C’est un sentiment que j’ai éprouvé moi aussi. Mon Kimback n’a pas eu le même retentissement médiatique que le sien : j’avais 37 ans, avais mis au monde un enfant et avais tout bonnement repris le fil de ma carrière. La frénésie du premier bébé était derrière moi et la fièvre liée à la pandémie de coronavirus était retombée. Le murmure de la vie avait repris. Et c’est précisément là que le bât blesse. Dans ce murmure. Avant, tout était plus passionné, mes pensées s’entrechoquaient et mes émotions montaient parfois en flèche. Sur le plan professionnel, j’avais l’impression qu’il ne se passait pas un jour sans qu’il y ait quelque chose qui soit d’une importance vitale. J’étais heureuse d’avoir d’autres priorités  – comme Clijsters, que l’on voit rayonner de bonheur au côté de ses enfants dans le documentaire – mais en même temps, cela me démangeait de ne plus devoir tout laisser tomber au pied levé pour un reportage à l’étranger et de constater que mon boulot n’accaparait plus toute mon énergie.

« La clé du bonheur, à mes yeux, est de pouvoir se satisfaire de la vie telle qu’elle est aujourd’hui et de se dire qu’il sera encore temps de se préoccuper du reste plus tard. À la prochaine crise. Celle de la cinquantaine ? »

C’est une contradiction très étrange : d’un côté, vous vous réjouissez d’avoir d’autres priorités et n’aspirez qu’à passer des journées entières avec votre enfant mais de l’autre, vous ne pouvez pas vous empêcher de ressentir de la nostalgie pour votre vie d’avant. Cette dualité, ce double sentiment, c’est quelque chose qui taraude beaucoup de femmes de ma génération. Elles évoqueront l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, mais je pense que la problématique est plus large que cela : il s’agit de chercher de nouveau sa place dans un monde avec lequel on n’est peut-être plus tout à fait en phase et de réfléchir très sérieusement à ce qu’on veut réellement faire, à présent.

Pour ma part, je parviens de mieux en mieux à trouver cet équilibre et j’entends qu’il en va de même pour l’autre Kim. Elle le mérite. Je ne vis plus dans la nostalgie du passé, et ne cherche plus coûte que coûte à me glisser dans ce vieux corset. La clé du bonheur, à mes yeux, est de pouvoir se satisfaire de la vie telle qu’elle est aujourd’hui et de se dire qu’il sera encore temps de se préoccuper du reste plus tard. À la prochaine crise. Celle de la cinquantaine ?


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