Peter Stabel, professeur d’histoire à l’Université d’Anvers, a reçu des menaces de mort de la part d’une personne exigeant qu’il adopte dorénavant, dans ses cours, un angle d’extrême droite. L’auteur du message a été interrogé. Selon l’universitaire, cette démarche s’inscrit dans un débat plus large relancé par la série télévisée L’histoire de la Flandre.
Le courriel commence par l’appel suivant : « sale marxiste ». Si Peter Stabel n’est ni sale ni partisan du marxisme, il enseigne bien l’histoire selon une perspective marxiste, c’est-à-dire qu’il aborde son objet d’étude en s’intéressant essentiellement aux mécanismes qui engendrent des inégalités.
L’auteur des menaces lui enjoint d’abandonner cette dialectique et, à l’avenir, de dispenser son enseignement « dans un esprit nationaliste flamand ». « Si je n’améliorais pas ma façon de donner cours, les conséquences seraient “sanglantes” et je devrais constamment, à chaque coin de rue, faire attention à ce que “la fin ne vienne pas me trouver”, une fin qui pourrait “prendre toutes les formes” », relate le professeur dans un billet de blog publié sur le site de l’Université d’Anvers.
Son contempteur exige du professeur qu’il explique à ses étudiants « à quel point la culture flamande et les autres cultures européennes sont riches », par opposition à « la culture de l’islam, des nègres, des juifs, des homos, des gitans, etc., diabolique et barbare ». Il lui intime d’encourager activement les étudiants à « défendre » ces « cultures ».
Le courriel date du mois d’août, mais l’enseignant n’en évoque l’existence qu’aujourd’hui. Renseignements pris, De Morgen révèle que la police a identifié et interrogé un suspect. Son casier judiciaire étant vierge, le parquet s’est contenté d’un simple rappel à la loi.
Selon une source proche de l’enquête, il s’agirait d’une personne ayant utilisé le réseau interne de l’université, donc très probablement un membre du personnel ou un étudiant.
Normalisation des agressions
Le recteur de l’Université d’Anvers, Herman Van Goethem, historien lui aussi, fait également l’objet de menaces épisodiques. Dans sa boîte de réception, il a créé un dossier, intitulé « prose injurieuse », dans lequel il consigne des menaces superficielles du type « regarde bien derrière toi dans la rue ».
« À l’ère des réseaux sociaux, certaines règles de savoir-vivre sont oubliées ; les insultes, et donc les agressions, se normalisent », analyse-t-il. « Ce sont parfois des réactions délirantes de personnes souffrant de problèmes mentaux, mais le plus souvent, ce sont des messages marqués à l’extrême droite. Celui reçu par Peter Stabel est très primitif et empreint de totalitarisme : le seul discours que l’on peut tenir doit être celui du nationalisme flamand. »
Le professeur d’histoire saisit cet incident pour se mêler au débat sur l’émission de la chaîne Eén, L’histoire de la Flandre, ou sur le canon flamand annoncé par certains responsables politiques. Il reproche aux créateurs de ce programme d’imposer, eux aussi, une coloration nationaliste à l’historiographie officielle. Les producteurs avaient d’ailleurs sollicité son aide. « Mais leur récit était déjà arrêté avant même qu’ils ne fassent appel à mon expertise », explique le professeur. « S’il s’agit de rédiger les notes de bas de page, très peu pour moi. Derrière tout cela, en filigrane, transparaît une certaine politique, et l’idée erronée selon laquelle l’histoire équivaut au passé, alors qu’il s’agit d’un regard porté sur ce passé. »
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