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Theo Francken, par calcul électoral, ferme désormais la porte au Vlaams Belang
24·03·23

Theo Francken, par calcul électoral, ferme désormais la porte au Vlaams Belang

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

ANTHONY MALAGOLI (BELGA)

Après le « niet » de Theo Francken au Vlaams Belang, l’aile droite de la N-VA semble désormais également convaincue : si le parti veut réformer le pays en 2024, un scénario révolutionnaire à la catalane est à exclure.

“Mais ensemble, on forme une majorité, hein !” Voilà un lapsus qui continue de hanter Theo Francken. Dimanche 26 mai 2019, au lendemain des élections flamandes et fédérales. Lorsque les résultats du canton de Glabbeek, fief de Theo Francken, arrivent en fin d’après-midi au siège de la N-VA, rue Royale à Bruxelles, Paul Jambers est en train d’y tourner sa série Jambers in de politiek. Francken se félicite ouvertement de son bon score personnel, malgré la baisse de régime du parti. Le président de la N-VA, Bart De Wever, calme tout de suite ses ardeurs en lui faisant remarquer que le Vlaams Belang gagne du terrain. « Mais ensemble, on forme une majorité, hein ! », rétorque Théo Francken, créant ainsi le malaise dans la salle où les chuts se mettent à fuser.

Cet épisode laissait présager d’éventuelles négociations entre la N-VA et le Vlaams Belang au gouvernement flamand. Si les discussions n’ont pas finalement abouti, faute de troisième partenaire, elles constituent néanmoins un tournant politique marquant : jusqu’alors, jamais l’extrême droite n’avait eu voix au chapitre lors de négociations gouvernementales dans notre pays.

Muraille de Chine

Alors qu’une coalition entre la N-VA et le Vlaams Belang restait mathématiquement impossible en 2019, les derniers sondages indiquent que les deux partis nationalistes flamands se rapprochent tout doucement d’une majorité de sièges au Parlement flamand. Ce qui ouvre la porte à une coalition en 2024 et à une déclaration d’indépendance au Parlement flamand, par analogie avec la Catalogne.

Bart De Wever, chef de file de la N-VA, a toutefois toujours balayé cette éventualité d’un revers de la main, allant jusqu’à parler d’une « muraille de Chine » entre les deux partis. Au cours des derniers mois, il a quelque peu nuancé ses propos. Une alliance serait désormais envisageable à condition que le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, purge son parti de la frange radicale, incarnée notamment par Dries Van Langenhove (qui a entre-temps démissionné) et Filip Dewinter. Sachant que Tom Van Grieken ne laissera pas la N-VA fixer son agenda, il se peut tout simplement que Bart De Wever cherche un argument supplémentaire afin de refuser la main tendue du Vlaams Belang en 2024.

Dries Van Langenhove démissionne de son mandat de député : une aubaine pour le Vlaams Belang ?

Pas de révolution en vue

Dans les rangs de la N-VA, tout le monde n’a pas toujours été sur la même longueur d’ondes. Theo Francken, dont le penchant à droite est bien connu, n’a jamais totalement exclu une collaboration avec le Vlaams Belang. En attestent ses déclarations de 2019. Un an plus tard, il s’exprimait en ces termes dans la revue Humo : « Briser le cordon sanitaire n’est pas mon plus grand rêve, mais dans une démocratie, il faudrait pouvoir inclure le grand vainqueur des élections au sein du gouvernement, pour autant qu’il respecte les principes démocratiques. »

Et voilà qu’il change à présent son fusil d’épaule. Sur le plateau de l’émission Terzake, sur la VRT, d’abord, puis ce mardi, lors d’un débat à l’université de Hasselt avec Conner Rousseau, président du Vooruit, où Théo Francken s’est montré encore plus clair : « Gouverner avec l’extrême droite ou avec l’extrême gauche est une très mauvaise idée. Je suis toujours à 100 % contre le cordon sanitaire, mais notre cheval de bataille à l’horizon 2024 doit être une Flandre plus autonome. Pour atteindre un modèle confédéral par le biais d’une septième réforme de l’État, il faut impérativement obtenir une majorité fédérale. Le Vlaams Belang a lui-même décidé de ne pas jouer dans cette cour. Si nous voulons obtenir les 100 sièges requis, nous devons dès lors nous tourner vers les socialistes, les libéraux et les démocrates-chrétiens. Un scénario révolutionnaire à l’échelon flamand viendrait saper un accord fédéral. »

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Même l’aile droite du parti se rallie désormais aux propos du président Bart De Wever, qui s’exprimait en janvier dans le quotidien De Tijd : « Un scénario à la catalane n’est pas du tout à l’ordre du jour. Je ne suis pas fou. Déclencher une révolution en Flandre avec la moitié des sièges ? Personne n’y croirait. »

Fut un temps, pourtant, où la piste de la déclaration unilatérale d’indépendance n’était pas seulement défendue par des faiseurs d’opinion tels que le professeur Bart Maddens. En 2019, Geert Bourgeois, alors ministre-président, a déclaré qu’il enviait les Catalans. Les membres de la N-VA ont défilé en masse lors de la manifestation de soutien à la Catalogne, à Bruxelles. Mais lors du débat de mardi dernier, Théo Francken s’est posé les questions suivantes : en tant qu’homme politique, à quoi bon agir de la sorte, si c’est pour finir en prison ? Quel est l’intérêt de se retrouver comme Carles Puigdemont, président catalan qui ne peut toujours pas rentrer dans son pays quatre ans plus tard et qui doit encore se cacher à Waterloo ?

Un processus graduel

Il ne reste plus qu’à procéder étape par étape. C’était déjà la voie empruntée par Bart De Wever en 2020, lorsqu’il a tenté de conclure un accord institutionnel avec le PS, plus grand parti francophone de la région. Cette tentative a échoué, avant que la Vivaldi ne voie finalement le jour. La N-VA veut retenter le coup en 2024, en misant sur davantage de succès.

Aujourd’hui, Théo Francken s’inscrit lui aussi résolument dans cette logique gradualiste. Non pas qu’il soit fondamentalement opposé à toute coopération avec le Vlaams Belang, mais parce qu’il estime qu’une telle stratégie ne porterait pas ses fruits. À en croire le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, l’ancien secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration lorgnerait d’ailleurs sur un poste de ministre au sein d’un gouvernement socialiste. Theo Francken et la N-VA voient un tel scénario d’un bon œil : tôt ou tard, les francophones feront de nouveau face à des difficultés financières. Partant de ce principe, la N-VA espère que le PS, à court d’argent, sera disposé à monnayer une régionalisation en profondeur. L’année 2024 sera-t-elle déjà la bonne ?

De Wever ne s’alliera jamais avec le Vlaams Belang… Vraiment ?

 

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