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Raoul Hedebouw (PTB) : “Je ne suis pas extrémiste, c’est le système qui est extrême”
14·06·23

Raoul Hedebouw (PTB) : “Je ne suis pas extrémiste, c’est le système qui est extrême”

Un an avant des élections qui s’annoncent cruciales pour l’avenir du pays, DaarDaar part à la rencontre des présidents de partis flamands. Qui se cache derrière l’homme ou la femme politique? Comment sont-ils arrivés en politique ? Comment voient-ils l’avenir du pays ?

Après Sammy Madhi (CD&V) et Nadia Naji (Groen), Egbert Lachaert (Open VLD), nous poursuivons notre série de portraits avec Raoul Hedebouw, président du PTB/PVDA depuis le 1er janvier 2022. Au programme: une biographie publiée le lundi, ainsi qu’une interview inédite diffusée le mercredi.

[Projet soutenu par le Fonds pour le journalisme]

Temps de lecture : 14 minutes
Aubry Touriel
Auteur

Raoul Hedebouw, président du PTB, ne semble pas très enthousiaste à l’idée de participer au pouvoir au niveau régional et national. L’ambition est de marquer des points aux communales et surtout en Flandre. Le cap est clair pour 2024 : atteindre 10 % dans le nord du pays.

Il veut ainsi prouver aux nationalistes flamands que le PTB n’est pas seulement fort en Wallonie, mais en Flandre aussi. Paradoxalement, le président du seul parti unitaire de Belgique veut éviter une trop grande percée en Wallonie pour ne pas devenir « le vecteur de la division de notre pays », un peu malgré lui.

Racontez une anecdote que peu de gens connaissent de vous

Je pense être hypersensible. Mets-moi un film à l’eau de rose, je vais chialer. Ma compagne Laura rigole toujours dans le fauteuil en me voyant. En politique, ça ne se voit pas en raison de ma communication offensive. On se dit « Raoul, il fonce dedans. » Mais les deux sont compatibles.

« Je ne vais pas commencer à chialer au parlement, ce n’est pas ça qu’on attend de moi. »

Je crois que l’empathie est une qualité humaine très forte. C’est celle de se mettre à la place de l’autre et de ressentir sa souffrance ou ses plaisirs. Ce ne sont souvent que mes amis dans la vie privée qui voient ce côté chez moi. Je ne vais pas commencer à chialer au parlement, ce n’est pas ça qu’on attend de moi.

Est-ce qu’on parlait politique chez les Hedebouw ?

Plus de syndicalisme que de politique. Mais bon, finalement tout est politique. On parlait aussi du racisme à la maison : j’avais des copains qui n’avaient pas la même couleur que nous, comme on dit. Ils étaient victimes de discrimination. Très petit déjà, on est confronté à ce qui ne tourne pas rond dans notre société.

La politique avec un grand P, c’est venu quand j’ai commencé mes études, notamment avec la lutte sociale dans l’enseignement.

Qu’est-ce que vous vouliez faire quand vous étiez petit?

J’ai voulu faire plusieurs métiers. J’aurais adoré devenir chauffeur de bus. Encore aujourd’hui, j’aimerais bien conduire un bus : être au service des gens et rouler. Et puis, il y avait aussi agriculteur et encore après photographe animalier.

Qui est Raoul Hedebouw, le président du PTB qui veut conquérir la Flandre ?

Comment vos amis vous décrivent-ils?

Je suis quelqu’un de social en privé. J’aime bien déconner et écouter les autres. De ce côté-là, je ne pense pas être trop chiant à vivre. Par contre, quand je suis sous pression et stressé, je peux être un peu plus chiant.

La veille d’une émission importante, je serais un peu plus tendu si on a un repas prévu avec les copains. Derrière mon côté orateur et spontané, il y a de la préparation et un collectif. Il faut être impeccable.

Si vous aviez 24 h de libre, qu’est-ce que vous feriez ?

Je pars en vadrouille avec les copains. Deux ou trois fois par an, on réserve un week-end randonnée avec les potes. Mon but c’est de parcourir tous les sentiers de randonnées de Belgique, que ce soit en Flandre ou en Wallonie. J’en suis à plus ou moins 30 % du parcours pour l’instant.

« Mon but c’est de parcourir tous les sentiers de randonnées de Belgique, que ce soit en Flandre ou en Wallonie. »

On se prend une petite bouteille tranquille et on fait nos 20 kilomètres. C’est quand même vraiment un beau moment. Et je passerais aussi du temps avec les mioches, même si j’essaie vraiment de me libérer pendant la semaine pour rester avec eux.

Quels sont les aprioris qu’on a sur vous ?

Je crois qu’on voit les électeurs du PTB parfois comme des extrémistes. C’est un mot que je déteste : je ne suis pas extrémiste : c’est le système qui est extrême. Quand on fout des gens à la porte aujourd’hui comme chez Delhaize, c’est ça la violence du système. Ce n’est pas celui qui dénonce ces pratiques.

“ Je ne suis pas extrémiste : c’est le système qui est extrême”

Bertolt Brecht disait toujours qu’on regardait la violence du cours d’eau, mais pas des rives qui l’enserrent. Je pense qu’il a raison. Ça m’énerve qu’on utilise le terme « extrémiste » parce que c’est vraiment dans le but de tuer le débat.

Quel est votre plus gros regret ?

Ne pas avoir changé le PTB plus tôt. On a eu de nombreuses réflexions sur le sectarisme, le côté très replié sur nous. C’était salutaire de le faire en 2008-09, mais on aurait pu gagner du temps en le faisant plus tôt. Mais voilà, avec des « si », on met Paris en bouteille.

Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu ?

Être plus patient et voir à long terme. Je pense qu’on court un marathon. On veut changer radicalement la société, mais ça ne se fait pas d’un coup de cuillère à pot. Or, la vitesse de la communication sur les réseaux sociaux et du débat politique aujourd’hui, c’est presque à la minute. Le temps long permet d’être stratégique. Ça a toujours été un élément important quand je suis arrivé aussi de la présidence : réfléchir à long terme.

Racontez une chose que vous faites bien.

Tchatcher, parler. J’ai toujours aimé ça, depuis l’école. Par contre, les rédactions, il ne fallait pas m’en parler. Je ramais pour aller chercher mon 12 sur 20. Je n’ai jamais vraiment aimé écrire.

Citez une personne qui vous inspire.

Il y a en a beaucoup. Par exemple, mon Bompa, mon grand-père à Hasselt, était permanent de la JOC, les jeunesses ouvrières chrétiennes. Il nous a transmis de nombreuses valeurs. Il était très disponible pour ses petits-enfants.

Après, je dirais que des gens comme Nelson Mandela qui, dans l’adversité, étant emprisonné, ont maintenu une flamme de combat. Comme militant, on espère pouvoir être à la hauteur de ce type de continuité dans le combat. Parce qu’il y a des hauts et des bas. Ce n’est pas toujours facile, mais la persévérance de personnes comme Nelson Mandela, c’est inspirant.

Le PTB-PVDA, une réelle menace pour la gauche flamande

De quoi avez-vous déjà eu honte ?

C’est une bonne question. Je pense qu’au début, j’ai eu peur qu’on ne perce pas électoralement. Honte est peut-être un mot trop fort, mais en tout cas, on n’était pas fiers de ne pas arriver à être à la hauteur des attentes qu’avaient les gens. Et ça, c’est un problème pour tout militantisme, dans tous les combats qu’on mène. Mais, on se soigne.

Et de quelle habitude aimeriez-vous vous débarrasser ?

Je mange beaucoup. Donc je fais attention un maximum pour gérer mon poids. Et puis, j’aimerais que mes bonnes résolutions en matière de sport puissent tenir au moins six mois. Et là, je suis bien parti !

Avez-vous un péché mignon ?

J’en ai pas mal. De prime abord, je dirais que j’aime bien boire mon verre. C’est un équilibre qu’il faut trouver : j’aime bien aller boire des verres avec les copains. Mais vu que je suis souvent en vadrouille, il faut faire attention. C’est comme pour tout dans la vie : une fois qu’on en a conscience, jusqu’où va-t-on ?

Qu’est-ce qui vous fait vibrer ?

La musique. Dans ma vie, c’est quelque chose d’important. J’adore le hip-hop, que ce soit à l’époque de NTM et compagnie, mais j’écoute maintenant aussi Bigflo et Oli. J’aime vraiment beaucoup l’émotion que la musique fait passer.

« Le seul moment où j’arrive vraiment à déstresser, c’est quand je suis dans la nature. »

Il ne faut pas oublier la nature : le seul moment où j’arrive vraiment à déstresser, c’est quand je suis dans la nature. J’ai la chance de vivre derrière les terrils. Il y a des renards, des blaireaux, le pic noir, le pic vert, la mésange à longue queue… J’ai la chance de pouvoir assez vite me retrouver dans la nature.

Qu’est-ce qui vous rend heureux ?

Mes gosses le matin. Ce sont deux tourbillons de bonheur. Il y a deux bouilles qui débarquent et commencent la fête. « Papa, tu veux jouer au chat? Papa, viens voir mon dessin »… ils ont une telle énergie. Ça me rend vraiment heureux.

Est-ce que vous avez un rêve ?

Je rêve de révolution. Je le dis franchement, ce n’est pas qu’une question platement politique. Je rêve de gros changement où le peuple se prend lui-même en main et où effectivement on change radicalement de système.

« Je rêve de révolution. »

Je me lève souvent en me disant que je ne vais peut-être pas la vivre. En tout cas, j’espère que je vais contribuer de toutes mes capacités à augmenter le niveau de conscience de notre classe travailleuse au sens large du terme, pour aller vers une révolution !

Si vous n’étiez pas président de parti, que seriez-vous  ?

Enseignant. J’ai donné quelque temps cours de bio, j’ai beaucoup aimé ce contact direct en classe, il faut croire en nos jeunes.

Racontez votre premier jour en tant que président.

C’était en décembre 2021. Cette journée importante a commencé par un congrès assez particulier puisqu’il se tenait en plein COVID. On a dû le faire sans public. C’était très bizarre pour le speaker que je suis : à qui est-ce que je parle ?

« Le style Raoul, finalement, ça marche en Flandre aussi. Il n’y a pas de guerre communautaire en la matière. »

C’est très difficile techniquement, c’était un beau moment parce qu’il y avait un vrai enthousiasme au niveau de la base en Wallonie qui me connaissait déjà, mais aussi en Flandre. J’ai en effet cette particularité d’être président d’un parti national et donc mon bilinguisme et le style Raoul, finalement, ça marche en Flandre aussi. Il n’y a pas de guerre communautaire en la matière.

Comment ont réagi les membres flamands du PTB à la suite de votre élection à la présidence ?

J’ai reçu plein de retours des couches plus populaires. Évidemment, il y a un gradient de classe dans la sympathie qu’on a envers le PTB et Raoul. Ce n’est pas un hasard si ce sont des travailleurs de la chimie anversoise, des dockers, des infirmières de Hasselt qui m’envoient des messages. Ce mandat national m’a ouvert de nouvelles perspectives en Flandre, sur le plan social aussi.

L’un de vos objectifs en tant que président est-il de « conquérir » la Flandre ?

Un enjeu majeur pour 2024 est la division du pays. C’est clair : deux partis, la N-VA et le Vlaams Belang pour ne pas les citer, ont comme objectif constitutionnel ou même extra constitutionnel de diviser le pays. Et donc, la question du score des partis de gauche en général, mais surtout de ceux qui ne veulent pas des nationalistes, va être hyper importante.

En matière de temps, d’énergie, de concentration de mes forces, je me concentre sur la Flandre. Je suis le seul président qui doit gérer effectivement les deux côtés. Mais c’est passionnant le débat en Flandre, j’adore me jeter dans la mêlée.

Êtes-vous d’accord avec l’affirmation selon laquelle la Flandre est de droite et la Wallonie de gauche ?

Je n’y crois pas. C’est une question du fait politique : ça dépend de nous. Il n’y a pas de déterminisme en politique. Il y a eu des régions qui étaient très à gauche, puis qui ont basculé malheureusement vers la droite, et inversement. Des dirigeants politiques ont déjà fait chambouler l’ordre social. C’est ça la beauté de la politique.

Pourtant, quand on voit les résultats des sondages, on pourrait dire que la Flandre vote de plus en plus à droite…

Comme je le dis toujours, en matière d’extrême droite, on oublie un peu qu’on a eu Rex en Wallonie. Inversement, le Nord-Pas-de-Calais en France, qui était une région très rouge, a malheureusement basculé en faveur du Rassemblement national ou de l’abstention.

Je ne nie pas le substrat historique sur lequel on milite. Qu’on arrête de me dire qu’il y a une Wallonie homogénéisée. À un moment donné, la classe ouvrière était fortement implantée historiquement dans les bassins miniers de Liège, Charleroi, dans le Borinage, mais aussi dans le Limbourg. C’est moins le cas aujourd’hui, malheureusement.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous présenter comme président de parti ?

Je ne me suis pas levé un jour en me disant « Tiens, je veux devenir président du parti. » À un moment donné, Peter Mertens m’a dit : « Écoute, Raoul, ce serait peut-être bien qu’on ait un changement. »  

Il en avait de plus en plus marre de cette « dictature de l’actualité », c’est-à-dire où tout se fait à la minute, à la seconde près sur Twitter. Peter est plutôt justement un leader du temps long, avec ses livres et sa stratégie. Et donc on est resté un collectif qui, à un moment donné, s’est dit que ce serait bien d’avoir un changement. Et c’est comme que naît une décision.  

Comment voyez-vous le rôle du Parlement ?

Le centre de gravité du pouvoir ne se trouve pas au Parlement. Tous les jours, je le constate : j’ai trouvé plein de choses au Parlement, sauf le pouvoir. C’est une façade. Tout est décidé au niveau des états-majors, soit du gouvernement, soit des multinationales. De cette analyse de classe, nous en déduisons que la vraie lutte politique se déroule dans l’extra parlementaire.

Ne trouvez-vous pas que les présidents de partis ont trop de pouvoir en Belgique ?

Si, mais je crois que je suis le président de parti qui en a le moins. Et je n’ai pas de problème à le dire : notre bureau du parti est très fort et très équilibré dans les angles d’attaque différents.

Quand vous parlez devant des caméras, ça vous donne un pouvoir parce que les gens vous voient. Mais ce pouvoir émane d’un collectif. C’est un collectif qui a dit « Raoul, ce serait bien que tu ailles devant la caméra. » Et donc je l’ai fait. Mais ce n’est pas parce que je suis devant la caméra que je devrais avoir plus de pouvoir que des camarades qui ont autant de capacités que moi, mais qui ne passent pas à la télé .

La particratie devrait-elle être remise en question ?

On dit souvent que la particratie est un problème. En 2023, beaucoup de partis concentrent le pouvoir dans un top cinq. Je ne pourrais pas disposer d’autant de pouvoir dans mon propre parti. En soi, les partis politiques peuvent être des vecteurs d’une intense démocratie. Ça dépend d’eux.

Chaque année, on va visiter l’ensemble de nos 25.000 membres à la maison, en les contactant ou en leur envoyant des mails. C’est un aller-retour qui demande énormément d’énergie et de temps. Ce n’est donc pas la forme « parti », mais plutôt la bureaucratisation des partis et la concentration du pouvoir qui pose problème.

La montée du PTB, une aubaine pour la N-VA

Citez l’une de vos réussites depuis que vous êtes président de parti.

On veut laisser plus de place à nos camarades ouvriers. On s’est rendu compte qu’au sein du PTB, on avait énormément d’ouvriers à la base du parti, mais qu’ils n’allaient pas assez dans les organes de direction. Depuis deux ans, on constate de vraies avancées : 30 % des participants à nos réunions sont des camarades travailleurs.

En 2003, la Ligue Arabe Européenne s’est alliée avec le Parti du travail de Belgique, était-ce une erreur stratégique ?

C’était vraiment une faute. Cette alliance nous poussait sur un seul thème : la guerre en Irak. Une leçon qu’on a tirée aujourd’hui, c’est que les sujets sociaux continuent d’être une vraie actualité pour la classe travailleuse. C’était un peu l’époque où le PTB pouvait très vite basculer dans un sens ou dans l’autre. Ce manque de dialectique était très caractéristique de l’époque et on en a tiré les leçons.

Quel est l’enjeu des élections de 2024 ?

Il y a un double enjeu. Celui gauche-droite : sera-t-il possible d’obtenir des majorités de gauche, que ce soit au niveau communal, régional ou fédéral ? Ce n’est pas un scoop que ça ne va pas aller avec Georges-Louis Bouchez. C’est plutôt avec le PS, Ecolo, Vooruit et Groen, qui ne souhaitent pas vraiment de rupture aujourd’hui.

« Au fédéral, on n’invite même pas le PTB à participer aux négociations, que ce soit les formateurs de gauche ou de droite. »

Je veux dire rupture par rapport à l’austérité européenne et aux directives européennes. Comme 60 % de nos lois proviennent de l’Europe, si on veut une politique écologique et sociale, il faudra de la désobéissance. Ça, c’est très difficile. 

Le deuxième enjeu, c’est l’unité du pays : quel va être le score des partis de droite et des partis nationalistes ? Au fédéral, on n’invite même pas le PTB à participer aux négociations, que ce soit les formateurs de gauche ou de droite. Aucun parti n’a daigné nous inviter alors qu’on est le seul parti national.

Devrez-vous policer votre image pour être accepté par les autres partis ?

Je ne crois pas. Les mécanismes de normalisation d’un parti dans le système sont très intenses dans tous les pays d’Europe, mais certainement en Belgique où le système des coalitions est très puissant. 

On l’a vu avec Ecolo : ils avaient l’ambition de sortir du cadre et le parti s’est finalement normalisé en sept ou huit ans. Et ce danger existe vraiment au niveau du PTB.

A quel point êtes-vous prêts à conclure des compromis ?

Je vais être très clair par rapport aux attentes à court terme qu’on peut avoir du PTB : nous ne mettrons pas nos principes de côté pour monter au gouvernement. Nos ministres commenceraient à appliquer l’austérité budgétaire pour les services publics, un blocage des salaires… On l’a vu dans les autres pays d’Europe avec Syriza en Grèce, ce n’est pas de la fiction.

Si l’accord de gouvernement ne permet pas une rupture, vous allez vous-même dans trois mois me dire « ouais mais attends Raoul, vous n’avez rien changé ? »

Des coalitions sont-elles possibles à tous les niveaux ?

Il y a moyen d’aller arracher une hégémonie culturelle à l’échelle communale pour aller chercher une participation à la majorité, en fonction évidemment des scores. Au niveau régional et fédéral, je ne sens pas du tout, dans les partenaires potentiels, cette envie de rupture.

Le plan Marshall, le plan d’investissement wallon, ce sont des plans néolibéraux qui ont été appliqués par le PS et par le MR. Qu’est-ce que nous irions foutre là-dedans ?

Vous avez négocié en 2019 avec le PS, comment c’était ?

J’ai négocié avec Elio Di Rupo et Paul Magnette. Ce qu’ils voulaient, c’était de dire « Vos revendications sont irréalistes. Vous allez rentrer au gouvernement, vous allez voir, vous n’allez rien pouvoir changer. » Mais ils ne se rendent pas compte qu’en espérant décrédibiliser le PTB, ils vont enlever toute forme d’espoir qui reste encore dans le peuple de gauche.

Au lieu d’arrêter de nous critiquer, les socio-démocrates ne se remettent pas en cause parce qu’ils se sont conformés aux règles du système. Et chez les écolos, c’est la même chose. On va résoudre les problèmes écologiques avec une taxe carbone, mais qui va la payer ? C’est la classe travailleuse, parce que le sacrosaint marché capitaliste reste l’endroit où la lutte se passe.

Quelles sont vos priorités pour 2024 ?

Premièrement, l’unité du pays : il y a un combat politique aussi à mener au sein de la population. On a besoin de reprendre espoir. Se tenir au courant de ce qui se passe des deux côtés de la frontière linguistique, c’est un rôle que nous reprenons politiquement parce qu’on a un parti national, mais que beaucoup de vecteurs devraient permettre de faire, que ce soit au niveau associatif ou médiatique.

« On a besoin de reprendre espoir dans l’unité du pays. »

Deuxièmement, aller chercher des victoires dans la lutte de classe avant les élections.

Troisièmement, donner de la place à la jeunesse et aux travailleurs pour prendre des places dans les organes de direction de mon parti,

Aura-t-on un gouvernement flamand avant les élections communales ?

Arrogants, les nationalistes flamands sont toujours en train de dire « ce que nous faisons nous-mêmes, on le fait mieux ». On a entendu ça à toutes les sauces. Le gouvernement flamand était en pleine crise sur la question de l’azote des semaines durant. On voit donc que les crises politiques ne sont pas du tout le monopole du côté fédéral ou francophone.

Ça dépendra aussi de notre score : si le Vlaams Belang et la N-VA obtiennent 51 % des voix, c’est une autre situation que si on arrive à arracher assez de voix pour éviter cette situation.

Quel est votre souhait pour les élections de 2024 ?

J’espère qu’il y aura beaucoup plus d’ouvriers dans les parlements. Si on avait un tiers d’ouvriers dans le Parlement, les partis traditionnels n’auraient pas voté la fin des prépensions. Il y a un lien entre la composition sociale du Parlement et ce qu’il vote. Aujourd’hui, on est entouré d’avocats, de juristes, de Science Po. Ce Parlement est tout sauf le miroir de la société.

Question classique, quel pourcentage espérez-vous atteindre en Flandre?

Je crois que la barre des 10 % est atteignable. Il y a beaucoup de travail, mais ce serait un signal important. Et en Wallonie, là, je dirais 15 %. Maintenant, il ne faut pas de surchauffe non plus parce qu’on ne veut pas être le vecteur de la division de notre pays, un peu malgré nous.

C’est la raison pour laquelle il est important qu’on perce en Flandre. Sinon, je vois bien les nationalistes arriver en disant : « Le PTB, c’est fort en Wallonie, mais pas en Flandre. »

Votre coalition idéale ?

Ça ne sera pas avec le MR, c’est sûr. Cette coalition devrait être scellée par le sceau de la lutte de classe en dehors des parlements.

Sinon, comme dirait l’autre, « on va se faire niquer ». À l’instar de Syriza en Grèce et du PCF en France, on en arriverait à obliger des ministres PTB à voter des lois antisociales. Et ça, ce serait vraiment le pire de ce qui pourrait arriver pour toute la lutte de classes. Ça ne concerne pas que mon parti politique, ça concerne l’ensemble de l’espoir. Après le PTB, il y aura l’extrême droite.

« Cette coalition devrait être scellée par le sceau de la lutte de classe en dehors des parlements. »

Donc, de grâce, ne nous forcez pas à voter des lois antisociales en nous poussant à rentrer dans des coalitions qui ne feraient pas une rupture. Si ça, c’est l’agenda du PS et d’Ecolo, ils se trompent.


Ne ratez aucun épisode de cette série:

Sammy Mahdi (CD&V)semaine du 22 mai

Nadia Naji (Groen): semaine du 29 mai

Egbert Lachaert (Open Vld): semaine du 5 juin

Raoul Hedebouw (PTB/PVDA): semaine du 12 juin

Tom Van Grieken (Vlaams Belang): semaine du 19 juin

Conner Rousseau (Vooruit): semaine du 26 juin

Bart De Wever* (N-VA): semaine du 3 juillet

* Bart De Wever a refusé de participer à notre série d’interviews, mais une biographie et un article bonus paraîtront aussi sur le président de la N-VA.

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