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Qui est Raoul Hedebouw, le président du PTB qui veut conquérir la Flandre ?
12·06·23

Qui est Raoul Hedebouw, le président du PTB qui veut conquérir la Flandre ?

Un an avant des élections qui s’annoncent cruciales pour l’avenir du pays, DaarDaar part à la rencontre des présidents de partis flamands. Qui se cache derrière l’homme ou la femme politique? Comment sont-ils arrivés en politique ? Comment voient-ils l’avenir du pays ?

Après Sammy Madhi (CD&V) et Nadia Naji (Groen), Egbert Lachaert (Open VLD), nous poursuivons notre série de portraits avec Raoul Hedebouw, président du PTB/PVDA depuis le 1er janvier 2022. Au programme: une biographie publiée le lundi, ainsi qu’une interview inédite diffusée le mercredi.

[Projet soutenu par le Fonds pour le journalisme]

Temps de lecture : 7 minutes
Aubry Touriel
Auteur

Le licenciement de sa mère syndicaliste a marqué l’adolescent marxiste qu’était Raoul Hedebouw. D’étudiant à président de parti, les luttes sociales marqueront le parcours de ce passionné d’ornithologie. Placé sur écoute, poignardé lors d’un discours du 1er mai, l’actuel président du parti unitaire PTB/PVDA montre aussi que la politique et le militantisme ne sont pas sans risques.

Son père travaillait dans la sidérurgie, sa mère était syndicaliste dans le secteur de la chimie. Venant respectivement de Flandre occidentale et du Limbourg, ils sont venus s’établir à Herstal où Raoul Hedebouw est né.

« Le 4040 représente », lance fièrement l’homme fort du PTB. « J’ai grandi à La Préalle à Herstal, un quartier génial. La porte était toujours ouverte chez mes parents. Beaucoup de collègues, des syndicalistes, venaient à la maison, mes copains, tout le monde pouvait débarquer. »

Le syndicalisme dans le sang

Raoul Hedebouw est tombé dans la marmite de potion syndicaliste dès le plus jeune âge. « Ma mère a été licenciée, parce qu’elle était déléguée syndicale, quand j’avais 14-15 ans. Pendant des semaines, elle occupait une caravane devant l’usine pour mener une action sociale. Des centaines de syndicalistes sont venus la soutenir. Ça nous a marqués parce que ma maman, qui était la meilleure des mamans, a été licenciée juste parce qu’elle défendait ses collègues ».

« Ma mère a été licenciée parce qu’elle défendait ses collègues. »

C’est à ce moment-là que le jeune Raoul s’est dit « les droits de l’homme s’arrêtent aux portes des entreprises. » Les valeurs de combat social lui ont été transmises à la maison. « Je les ai toujours accueillies avec énormément de chaleur parce que ça m’a donné beaucoup de bonheur pour la discussion avec tous mes copains, pour tout ce côté très social en fait. »

Membre des antifa du Standard

Jeune, il appréciait particulièrement l’athlétisme. « Je fais du demi-fond de 800 mètres et le 400 mètres. Je pratique encore la course à pied, mais un peu plus mollo. ». Il préférait cependant regarder les matchs de foot que d’y jouer. « J’ai joué au FC La Préalle à Herstal, mais je suis avant tout supporter du Standard de Liège. Le public de Sclessin est magnifique et il le montre à chaque match. »

Abonné aux ultras, il a un respect profond pour les supporters antifascistes : « La lutte contre le racisme et la lutte sociétale sont très présentes ». À ses yeux, les supporters incarnent aussi une lutte populaire entre les clubs de supporters et les propriétaires des clubs : « Finalement, les joueurs changent, les propriétaires changent, mais le public reste, qu’il vente, qu’il neige ou qu’il pleuve. »

DJ Raoul

Après avoir passé ses années secondaires à l’Athénée de Herstal, Raoul Hedebouw se lance dans des études de botanique à l’université de Liège : « J’aime tout ce qui est écologie, plantes, etc. Avec les potes, on voulait plutôt un hobby qui nous rapprochait de la nature. C’est comme ça qu’on a commencé à faire de l’ornithologie. Aujourd’hui encore, avec les enfants, j’essaie d’aller « spotter la piaf » comme on dit. À l’époque, j’allais chercher la rareté, maintenant c’est juste le plaisir et un petit rouge-gorge, c’est déjà magnifique. »

« Avec les enfants, j’essaie d’aller ‘spotter la piaf’ comme on dit »

Animateur dans un camping en France à 15 ans, le jeune Raoul a ensuite travaillé dans une usine de production de saucisses à Oupeye comme job étudiant. « Il y avait énormément de fraternité et de chaleur. C’était vraiment des grands moments de bonheur. »

Mais le travail était dur : il commençait à 6 heures du matin pour finir à 14 heures. « Je me rends compte qu’à 14 heures, on est bien crevé et ce n’est pas facile après de rebondir pour d’autres activités, que ce soit avec la famille. Ça m’a apporté une expérience sociale forte et ça ne payait pas mal. »

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Une autre passion de Raoul Hedebouw est la musique. « Avec mon copain Alberto, on a dépanné une fois un copain pour animer une soirée. On a vu que ça marchait et qu’on arrivait quand même bien à mettre l’ambiance. On pouvait s’amuser à fond derrière les platines et en même temps être payé un petit peu. C’est à ce moment-là que le duo DJ Raoul et DJ Beber a vu le jour .»

Raoul Hedebouw n’était pas l’étudiant aux grandes distinctions. « J’étais déjà très fort impliqué dans le combat social pendant mes études. Entre 1994 et 96, j’ai participé aux grandes luttes étudiantes contre les plans Onkelinx et Lebrun, des plans de restriction budgétaire dans l’enseignement et de fusion des hautes écoles. Avec les copains, on a créé le Comité herstalien des étudiants, le CHE pour protester contre ces mesures. »

Le bilinguisme au service de la lutte sociale

Son père est originaire de Ruddervoorde, un village de Flandre occidentale. Sa mère vient pour sa part d’Hasselt. Chez les Hedebouw, on a donc toujours parlé néerlandais : « Par contre à l’extérieur de la maison, je parlais français. C’était mon moyen mnémotechnique pour savoir quelle langue je devais parler à quel endroit. »

Parfait bilingue, Raoul parle français avec l’accent liégeois et néerlandais avec l’accent limbourgeois : « J’ai l’accent liégeois en néerlandais, mais ça tombe bien parce que ça donne l’accent limbourgeois. En fait, le liégeois c’est du limbourgeois. Ils chantent tous les deux. Ça nous vient sûrement de tous nos Italiens présents dans les deux provinces. »

Fin des années 1990, son bilinguisme lui a permis d’arriver au plus haut niveau de la lutte des travailleurs des forges de Clabecq, avec Roberto D’Orazio. Avec d’autres camarades étudiants, ils s’étaient rendus dans le Brabant wallon pour soutenir la cause. Rapidement, Raoul Hedebouw s’est retrouvé sur le podium aux côtés du leader syndicaliste hennuyer pour traduire son discours en néerlandais devant des dizaines de milliers de personnes.

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Placé sur écoute

Les luttes étudiantes de 2000-2001 ont vu une montée du mouvement altermondialiste, notamment en Italie. Raoul Hedebouw voulait s’investir dans cette cause en Belgique. « On a alors créé le comité S22. Des manifestations ont eu lieu à Liège, à Gand et à Bruxelles contre la mondialisation de l’économie. »

« C’est d’ailleurs dans le cadre de ces manifestations que mon téléphone a été mis sur écoute téléphonique par une juge d’instruction, pour le simple fait d’avoir organisé une manifestation contre l’Ecofin, le sommet européen de Didier Reynders ». Une démarche qui a choqué le marxiste. « On a beau savoir que la démocratie est à deux vitesses chez nous, c’est encore autre chose d’avoir sous les yeux tous les numéros qui ont été écoutés. Il s’agissait notamment de mes conversations avec des journalistes. Certains passages ont été sélectionnés et classifiés de « dangereux ». Le 11 septembre venait d’avoir lieu. ». Raoul Hedebouw intentera finalement un procès contre ces écoutes, une procédure judiciaire qu’il a gagné.

Militantisme vs. engagement politique

Le dirigeant communiste a des difficultés à distinguer le militantisme de son engagement politique. « Je coule dans le militantisme. Ça commence avec la lutte contre le racisme. L’extrême droite avait percé en 1993-94 à Liège avec le parti Agir. Puis il y a eu les luttes étudiantes, puis les luttes aux forges de Clabecq. »

Pour Raoul le militant, le mandat politique n’est qu’un outil pour pouvoir faire porter sa voix. « L’égalitarisme entre les militants qui n’ont (pas) de mandat politique est très grand. Je suis rentré dans la politique avec un grand P par la porte du militantisme. »

Aux élections communales de 2012, le PTB réalise un bon score et obtient des conseillers communaux dans la plupart des grandes villes belges. Raoul Hedebouw devient alors conseiller communal à Liège.

Deux ans plus tard, il devient député à la Chambre en compagnie de Marco Van Hees. C’est la première fois depuis les années septante qu’un parti de la gauche radicale perçait au Parlement, une nouvelle étape. « La politique au sens du militantisme du terme, ça commence à l’âge de 13-14 ans. Je vois encore aujourd’hui plein de jeunes qui s’engagent. C’est comme ça qu’ils rentrent en politique plus tard. Mais ils savent qu’au PTB, ce n’est pas pour y faire carrière. » [rires]

Poignardé le 1er mai

Le 1ᵉʳ mai 2017, Raoul Hedebouw, alors porte-parole du PTB, préparait son discours quand, tout à coup, un homme est venu planter un couteau dans sa jambe par derrière. « C’était une bonne lame. C’était assez douloureux au sens propre et figuré, mais je suis très content d’avoir pu revenir sur le podium. Je sentais que si je n’étais pas retourné sur la scène tout de suite, j’aurais eu une peur qui serait restée. »

Le président du PTB a tiré les leçons de cette agression : « C’était un signal collectif : il fallait arrêter de débarquer les mains dans les poches. À un moment donné, le fait d’être porte-parole expose à des agressions, en l’occurrence ici, un cas psychiatrique. Mais ça aurait pu être aussi des fachos qui intimident aujourd’hui de plus en plus le mouvement social. Maintenant, je vais à des meetings en compagnie de deux camarades. Il faut tenir compte de la réalité dans laquelle on vit. »


 

Successeur de Peter Mertens

En novembre 2021, après plus de treize ans de service, l’idéologue anversois Peter Mertens remet son tablier de président de parti. Raoul Hedebouw est le seul candidat. « Je ne me suis pas levé un jour en me disant « Tiens, je veux devenir président du parti. » À un moment donné, Peter Mertens m’a dit : « Écoute, Raoul, ce serait peut-être bien qu’on ait un changement. » Peter en avait de plus en plus marre de la rapidité alors qu’il est plutôt justement un leader sur le temps long, avec ses livres et sa stratégie. On est resté un collectif qui, à un moment donné, s’est dit que ce serait bien d’avoir un changement et c’est comme ça que naît une décision. »

À la conquête de la Flandre

Un des objectifs du politique bilingue est de montrer que son parti a aussi un rôle à jouer en Flandre. À en croire les derniers sondages, la sauce a l’air de prendre : la barre des 10 % semble se rapprocher. « Le style Raoul, finalement, ça marche aussi en Flandre, j’ai plein de retours des couches plus populaires. Évidemment, il y a un gradient de classe dans la sympathie qu’on a envers le PTB et Raoul. Ce n’est pas un hasard si ce sont des travailleurs de la chimie anversoise, des dockers, des infirmières de Hasselt qui m’envoient des messages. Ce mandat national m’a ouvert de nouvelles perspectives en Flandre, sur le plan social aussi. »


Ne ratez aucun épisode de cette série:

Sammy Mahdi (CD&V)semaine du 22 mai

Nadia Naji (Groen): semaine du 29 mai

Egbert Lachaert (Open Vld)semaine du 5 juin

Raoul Hedebouw (PTB/PVDA): semaine du 12 juin

Tom Van Grieken (Vlaams Belang): semaine du 19 juin

Conner Rousseau (Vooruit): semaine du 26 juin

Bart De Wever* (N-VA): semaine du 3 juillet

* Bart De Wever a refusé de participer à notre série d’interviews, mais une biographie et un article bonus paraîtront aussi sur le président de la N-VA.

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