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Pubs politiques sur les réseaux sociaux: assez de selfies léchés, plus de transparence!
23·01·23

Pubs politiques sur les réseaux sociaux: assez de selfies léchés, plus de transparence!

Katleen Gabriels est professeure de philosophie et directrice des formations pour la Digital Society de l’université de Maastricht.

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Image by Gerd Altmann from Pixabay

Virginie Dupont
Traductrice Virginie Dupont

S’il connaît les montants dépensés par les partis politiques en publicité sur Facebook et Instagram, le contribuable ignore les sommes versées aux experts en communication et autres consultants externes. À l’instar de ce qui se passe aux Pays-Bas, l’heure est à la transparence.

Nos partis politiques sont les champions européens des dépenses publicitaires sur Facebook et Instagram. En 2022, ils ont déboursé un total de 5 millions d’euros d’argent public en publicités en ligne. À l’approche des élections de 2024, Mark Zuckerberg peut d’ores et déjà se frotter les mains.

« Comme vous avez pu le lire dans Knack, mon plat estival préféré, c’est la pastèque cuite au four agrémentée de feta et de pistaches. Rapide, facile et délicieux. Et vous, vous mangez quoi quand il fait chaud ? » Ce post Facebook n’émane pas d’une influenceuse food, il a été posté en juillet dernier par l’ancienne ministre de la Coopération au développement Meryame Kitir (Vooruit), assorti d’une photo d’elle en cuisine.

Au cours des dernières années, j’ai régulièrement eu l’occasion de mettre à jour mon florilège des « meilleures » publications Facebook des ministres. Grâce à une compilation de photos de la ministre flamande de la Mobilité Lydia Peeters (Open VLD) posant avec un vélo différent sur chaque photo Facebook, j’ai récolté pas mal de fous rires lors d’une conférence. Pourtant, la toute-puissance de l’image est en réalité profondément triste.

Les partis flamands dépensent des millions en pub sur Facebook: « des budgets de multinationales »

Les politiques sont en campagne permanente sur les réseaux sociaux. Au cours de l’été 2021, des photoreportages aux mises en scènes soignées sur les inondations en Wallonie sont apparus sur leurs pages Facebook. Annelies Verlinden (cd&v), Meryame Kitir et Alexander De Croo (Open VLD) ont exprimé leur sympathie en apparaissant eux-mêmes, bottes en caoutchouc aux pieds, sur chaque cliché pris dans les zones touchées. Même une catastrophe de cette ampleur est utilisée pour se mettre en avant.

Personal branding

Alors qu’on voyait à peine leur visage autrefois – au mieux dans la rue pendant les périodes de campagne électorale et, avec un peu de chance, dans le journal ou à la télévision dans le cadre du travail législatif –, les politiques d’aujourd’hui sont visibles à tout-va sur les réseaux sociaux. L’image et le personal branding sont décisifs.

Le langage marketing vide de sens qui sert d’escorte aux images est particulièrement pernicieux. Le ministre flamand Ben Weyts (N-VA) a offert à l’enseignement une « campagne d’image teintée de fierté ». On pouvait aussi lire sur le site web de Lydia Peeters, à propos de l’une de ses initiatives : une « campagne positive de courtoisie » comprenant un « clin d’œil positif de remerciement » pour encourager la « tendance positive du vélo ». Un de ses responsables com’ s’est sans doute inspiré de la tendance du mouvement body positive sur Instagram.

« On sait que les politiques et les partis dépensent des sommes faramineuses en publicités sur Internet. »

On sait que les politiques et les partis dépensent des sommes faramineuses en publicités sur Internet. Un exemple bien connu est la campagne en ligne controversée de la N-VA contre le pacte de l’ONU sur les migrations fin 2018, à laquelle le parti a finalement mis un terme. Le fact checking a mis en lumière que pas moins de cinq des six slogans diffusés par la N-VA sur Facebook étaient erronés. Le citoyen paie donc pour des publications de mauvaise qualité, non nuancées, ou dans ce cas, des fake news pures et simples. Les dotations généreuses aux partis contribuent à l’importance excessive accordée à la forme au détriment du fond.

Les réseaux sociaux font de plus en plus office de pilori social

Mais si nous sommes au fait des chiffres de la publicité en ligne, nous ignorons tout des budgets alloués à la communication. Il nous faut deviner combien d’argent est employé par les partis pour rétribuer les experts en communication et autres consultants externes. Dans une démocratie digne de ce nom, ces chiffres devraient être disponibles.

Aux Pays-Bas, on peut les consulter en ligne sur un site du gouvernement. De cette façon, la transparence est assurée sur les sommes dépensées pour la communication, en augmentation ces dernières années. Quoi qu’il en soit, les citoyens ont davantage la possibilité, notamment grâce aux réseaux sociaux, de poser des questions aux cabinets, et quelqu’un est censé y répondre.

L’augmentation est inquiétante pour d’autres raisons : cet argent va aussi à la stratégie, au framing, à l’imagerie et tout simplement à la propagande. Mais comme ces chiffres sont disponibles, des articles acerbes sont publiés dans la presse et certains politiques remettent également en question cette tendance.

« Les journalistes devraient se montrer plus critiques. Ils suivent de plus en plus une logique commerciale. »

Dans notre pays aussi, les journalistes devraient se montrer plus critiques. Le nombre de collaborateurs politiques qui se consacrent au marketing et la communication est sans commune mesure avec le nombre de journalistes. Le journalisme suit de plus en plus une logique commerciale.

L’été dernier, sur la plaine de Werchter, j’ai vu le président du MR, Georges-Louis Bouchez, se promener accompagné d’un photographe. Et ça a marché puisque les journaux en ont parlé. Je dirais même plus :  ils ont monté de toutes pièces une histoire autour d’une éventuelle rencontre privée avec Theo Francken (N-VA). Tant que la presse reprendra telles quelles des images aussi banales, on encouragera les politiques à continuer sur cette voie.

Et certains d’entre eux le font avec avidité. Il y a quelque temps, un reportage du journal télévisé de la VRT s’ouvrait sur une image des présidents de Groen faisant du patin à roulettes, accompagnée du jeu de mots hasardeux « Les Verts en roue libre vers de nouveaux électeurs ». Nous ne nous étonnons également plus qu’un président de parti endosse un costume de panda (Bart De Wever) ou de lapin (Conner Rousseau).

Quel genre de profils la politique attire-t-elle ? Il faut vraiment avoir envie de se mettre en scène constamment en échange de quelques voix. Les citoyens n’ont pas besoin de plus de selfies et d’images léchées de politiques. Ils veulent davantage de transparence sur les budgets dédiés à la communication, et des journalistes qui fassent à nouveau la distinction entre le profilage banal et les informations politiques dignes d’intérêt.

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