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L’indépendance de la Flandre: le prix à payer pour sauver les finances des francophones?
14·10·22

L’indépendance de la Flandre: le prix à payer pour sauver les finances des francophones?

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(NICOLAS MAETERLINCK / Belga)

Avec une dette supérieure aux recettes, aucune ressource propre et un budget alimenté par des emprunts successifs, la Communauté française de Belgique se trouve au bord du gouffre. Le ministre du budget Frédéric Daerden (PS), dont le parti ne voit plus trop l’intérêt de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en est d’ailleurs bien conscient. Bien que d’autres formations politiques s’accrochent au lien qui unit tant bien que mal Bruxelles et la Wallonie, tout le monde doit se rendre à l’évidence : en 2024, les francophones se présenteront à la table des négociations avec la Flandre les mains vides.

Au total, les dépenses s’élèvent à 14 milliards d’euros et la dette à environ 16 milliards. Il y a un mois, le ministre du budget Frédéric Daerden affirmait encore qu’il n’y avait pas péril en la demeure, et que les intérêts à payer sur la dette de la Communauté française restaient raisonnables. Des propos qui se sont révélés tout à fait contraires à la réalité. M. Daerden a alors opté pour un tour de passe-passe politique : « Si l’on ne change pas de politique, la situation sera intenable d’ici 2030« , s’est-il ainsi repris dans l’hémicycle, face à l’opposition. Sans toutefois préciser où la Communauté française ira puiser, en 2023, les 150 millions d’euros promis aux écoles pour payer le chauffage.

Finances wallonnes : quand deux et deux ne font pas quatre

La Communauté française de Belgique organise l’enseignement des francophones à Bruxelles et en Wallonie. Il s’agit, en somme, de la principale compétence communautaire. Or l’enseignement francophone est justement en proie à de graves difficultés, et ne dispose pas de la marge financière suffisante pour remonter la pente. La dotation accordée au gouvernement communautaire à cet effet se noie dans la dette. Dette qui, en 2019, s’élevait à 7 milliards d’euros.

Anticonstitutionnel

Aux yeux des francophones eux-mêmes, la raison d’être de la Communauté française n’a pas toujours été claire. La Flandre, quant à elle, a choisi de fusionner communauté et région dès 1980, coulant ainsi les compétences des deux entités dans le même moule « flamand ».

Sachant que la Wallonie et Bruxelles ne sont pas toujours sur la même longueur d’onde mais qu’elles ont une langue en commun, les francophones ont décidé de rassembler les matières communautaires des deux régions sous l’appellation fumeuse de « Communauté française de Belgique ».

Depuis 2011, ils s’autoproclament « Fédération Wallonie-Bruxelles », ce qui est contraire à la Constitution, car la région bilingue de Bruxelles-Capitale ne peut en principe pas être revendiquée unilatéralement par l’une des communautés linguistiques du royaume.

Les tentations nationalistes de la « Fédération Wallonie-Bruxelles »

Il arrive que les francophones débattent de l’avenir de la Fédération, sans vraiment se fixer d’objectifs concrets. Mais à présent, la situation financière pousse à agir. Doorbraak a recueilli les réactions de trois éminents francophones de divers horizons.

Transférer certaines compétences

« La Communauté française doit se renforcer davantage afin de redresser l’enseignement francophone« , explique Michaël Vossaert, député dans l’opposition et talent émergeant de DéFi (ex-FDF). « Il convient en outre de recenser correctement toutes les dépenses, car l’inventaire fait actuellement défaut. Cet exercice aurait dû être fait depuis belle lurette, alors que cela fait deux budgets qu’il est retardé. Certaines prérogatives de la Communauté française pourraient éventuellement être transférées soit à la Wallonie, soit à la région de Bruxelles-Capitale. Sans scinder la Communauté française pour autant. Une chose est sûre : il faut discuter de l’avenir. Dépenser plus de 14 milliards d’euros à coup d’emprunts supplémentaires, c’est intenable. »

« Dans quelques années, la situation financière de la Communauté française deviendra insoutenable. »

Parole à André Antoine, député de la Communauté française dans les rangs des Engagés (ex-CDH, opposition) et ancien ministre wallon des Finances (2009-2014). « D’ici quelques années, la situation financière de la communauté française deviendra insoutenable. Frédéric Daerden, ministre du Budget, l’a avoué dans les médias en pointant l’horizon 2030. C’est bien la première fois, à ma connaissance, qu’un ministre annonce que l’on risque d’aller droit dans le mur. »

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Si l’on reste les bras croisés…

« La situation est grave« , poursuit André Antoine. La dette s’élève déjà à 16 milliards d’euros, ce qui représente plus de 100 % des recettes sur un an. Si l’on reste les bras croisés, on atteindra 200 % d’ici 2027. Sous ma législature, la dette s’élevait encore à 5 milliards d’euros. Actuellement, le déficit budgétaire atteint déjà un milliard et demi d’euros« .

« Chaque année, la Communauté française doit emprunter plus d’un milliard d’euros pour payer les salaires et continuer à subventionner l’enseignement. »

« Chaque année, la Communauté française doit emprunter plus d’un milliard d’euros pour payer les salaires et continuer à subventionner l’enseignement. Contrairement aux autres entités fédérées, la Communauté française ne perçoit pas d’impôts ; elle dépend entièrement des dotations. La clé de répartition démographique, qui détermine la distribution des fonds par enfant, est également défavorisée par rapport à la Communauté flamande, par exemple. La Communauté française n’a pas vraiment de territoire au sens strict. »

La Flandre est prête

« Que nous réserve l’avenir ?« , s’interroge André Antoine. « Il est urgent que les francophones y réfléchissent. La Flandre est prête, et les Flamands savent vers où ils veulent aller. Ce qui n’est pas notre cas. Les politiciens francophones ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un large consensus sur ce que nous voulons encore réaliser ensemble, et comment nous comptons y parvenir. D’abord et avant tout pour nous-mêmes. Car même si la Flandre ne venait pas à réclamer de nouvelle compétence après 2024, les entités francophones seraient toujours en grande difficulté. »

Mettons un terme à la comédie belge

Vincent Laborderie, politologue à l’Université Catholique de Louvain, n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Les coûts de l’enseignement francophone augmentent en flèche, en ce compris les salaires du corps enseignant. On comprend tout de suite pourquoi le budget de la Communauté française est bancal. En fait, la Fédération Wallonie-Bruxelles est une anomalie fédérale que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Au sein du PS, bon nombre de personnes estiment que l’on pourrait tout bonnement s’en passer. Mais les autres partis ne l’entendent pas de cette oreille : le MR et Ecolo plaident plutôt en faveur d’un lien clair entre Bruxelles et la Wallonie. Très franchement, je ne vois pas pourquoi l’enseignement francophone à Bruxelles ne pourrait pas être organisé par la Commission communautaire française« .

« Mais y a-t-il suffisamment de ressources pour continuer de la sorte ?« , se demande Vincent Laborderie. « Lors des négociations institutionnelles de 2024, les francophones devront demander plus d’argent et, en échange, accorder plus d’indépendance à la Flandre. C’est du moins le scénario qui se dessine si la N-VA et le Vlaams Belang remportent les élections. »

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