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Pourquoi les femmes sont-elles sous-représentées dans les débats TV?
14·10·22

Pourquoi les femmes sont-elles sous-représentées dans les débats TV?

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Capture d’écran de l’émission de Afspraak du 10/10

Virginie Dupont
Traductrice Virginie Dupont

Les talk-shows ne parviennent pas à réunir suffisamment de femmes à leur table. Aujourd’hui, la gent féminine n’est représentée qu’à hauteur de 35% dans les débats télévisés. Les femmes transmettent souvent leurs invitations à leurs collègues masculins. Des femmes « de transit » qui ont leurs raisons de céder leur place.

Aujourd’hui, il y a une femme contre près de deux hommes à la table d’un talk-show. C’est ce qui ressort de l’analyse des invités aux émissions De Afspraak .

« Pour chaque femme réticente, il y a dix hommes moins compétents qui bombent le torse », affirme Sofie Van Bauwel, professeure d’études des médias (UGent). « Les recherches montrent que les hommes sont prompts à se dire experts, alors que les femmes se sous-estiment. Celles qui sont conviées à un débat sont dès lors plus enclines à se sentir incompétentes, et endossent souvent ce rôle. »

Il ne fait pas bon être femme quand on travaille au barreau

La professeure de sciences politiques Anna Kern (UGent) a également hésité à accepter une invitation à De Afspraak à la fin de l’année dernière. « Ils m’ont demandé de participer à l’émission dans le cadre des élections allemandes, parce que oui, je suis politologue et aussi allemande. Mais mes recherches ne portent pas du tout sur la politique allemande. Le journaliste a finalement réussi à me convaincre que j’avais quelque chose à dire à ce sujet. »

La gent féminine ne devrait-elle pas alors avoir davantage de confiance en elle ? Ce n’est pas là le problème. Les femmes « transitaires » ont d’autres raisons de refuser de participer à une émission-débat.

Garde d’enfants dans le studio

« Autrefois, lorsqu’on présentait un·e expert·e dans les médias, personne ne remettait en question ses compétences », explique Sofie Van Bauwel. « L’avènement des réseaux sociaux a changé la donne. À cet égard, il y a deux poids, deux mesures : les femmes déclenchent des réactions plus négatives que les hommes. Et bien souvent, ce ne sont pas leurs propos qu’on critique, mais leur apparence. Si une femme a vécu cette expérience, ou sait pertinemment qu’elle court ce risque, elle va refuser de passer à l’antenne. »

En mars dernier, Paola Travella, alors coprésidente de Jong Groen, a été invitée à De Afspraak pour débattre de nos centrales nucléaires. « Depuis cette apparition à la télévision, je fais l’objet de propos haineux inouïs. Aujourd’hui, quand je poste un tweet, je peux m’estimer heureuse si seul un enfant attardé y réagit, et que personne ne me souhaite un viol. »

Quand le féminisme se heurte à la politique identitaire

Outre le cloaque des réseaux sociaux, le timing des talk-shows n’aide pas, explique Rozane De Cock, professeure d’études des médias (KU Leuven). « Tant que nous vivrons dans une société où les tâches ménagères incombent principalement aux femmes, il ne sera pas évident pour elles de prendre part à un débat télévisé en fin d’après-midi ou en soirée. Car alors qui va s’occuper des enfants ? » C’est pourquoi certains journalistes se montrent même disposés à assurer la garde pendant l’enregistrement de l’émission.

Le problème n’est pas nouveau, mais il se répète. Il y a presque dix ans, Elke Jeurissen a créé De Straffe Madammen. Elle a ainsi constitué une base de données d’expertes dans laquelle peuvent puiser les journalistes. Cela fait plusieurs années que les rédactions de télévision se sont fixé comme priorité de montrer davantage de femmes à l’écran. Mais les nombreux efforts déployés aboutissent pour la plupart à des frustrations plutôt qu’à une volte-face. « Depuis les années 1970, nous avons observé une amélioration, mais nous n’avons pas dépassé ce ratio d’un tiers dans les médias », déclare Rozane De Cock.

Axé sur la confrontation

Une émission comme Alleen Elvis blijft réussit là où les autres échouent. La nouvelle saison sera diffusée à partir de samedi, et elle comptera autant de femmes que d’hommes. Mais ça n’a rien de surprenant. Car Alleen Elvis blijft est, avec un créneau horaire d’une heure et demie pour un seul·e invité·e qui décide de ce dont il·elle va parler, tout ce qu’un talk-show traditionnel n’est pas.

« Les débats télévisés visent la confrontation », poursuit Rozane De Cock. « Les invités n’ont pas intérêt à être unanimes. Ça laisse donc peu de place pour la nuance. Et si vous parvenez à apporter une contribution nuancée, vous pouvez être sûr qu’une phrase hors contexte de préférence se retrouvera sur Internet. »

« En outre, on attend des invités qu’ils commentent les déclarations des autres personnes présentes à la table », ajoute Rozane De Cock. « Les expertes qui doutent déjà de leur propre expertise ne sont bien entendu pas disposées à débiter leurs opinions sur les domaines des autres. »

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