Il va de soi que les révélations sur la conversation WhatsApp entre les experts des différents cabinets au sujet du budget fédéral controversé revêtent une importance particulière. Mais peut-être pas pour la raison évoquée ou souhaitée par l’opposition.
En effet, comment savoir si le Premier ministre a menti au parlement et s’il avait bel et bien avalisé le projet de budget qui a coûté à Eva De Bleeker (Open Vld) son mandat de secrétaire d’État ? Nous ne pouvons rien déduire de la discussion dévoilée par Knack, car chacun continuera à camper sur sa position.
L’ancienne équipe de madame De Bleeker et l’opposition lisent dans un « OK » une approbation explicite, mais le Premier ministre prétend que son message portait sur un autre sujet.
Mais quand bien même nous suivrions l’interprétation du Premier ministre, cette affaire risque de mal se terminer pour l’exécutif. En effet, cela signifierait que le gouvernement aurait fourni à la Chambre un budget ayant subi des modifications en toute dernière minute, après une discussion sur WhatsApp. A-t-on vérifié s’il fallait modifier en conséquence les chiffres dans les tableaux ? Oups, oublié. A-t-on réfléchi à la nécessité d’envoyer une version corrigée à la Commission européenne ? Oups, oublié aussi.
Car elle est bien là, la révélation la plus douloureuse de ce « WhatsApp Gate ». La précipitation avec laquelle le texte le plus important de l’année, le budget de l’État, a subi des modifications dans tous les sens au dernier moment. Tout cela débouchera inévitablement sur des accidents. D’ailleurs, un accident est en train de se produire à l’heure actuelle.
Il est trop facile de rejeter la faute sur l’ancienne secrétaire d’État et sur son cabinet. C’est tout le gouvernement qui porte la responsabilité de ce travail bâclé. Cette situation est révélatrice d’une forme de culture décisionnelle où les reports jusqu’à la dernière minute constituent la norme.
« La révélation la plus douloureuse de ce « WhatsApp Gate », c’est la précipitation avec laquelle le texte le plus important de l’année, le budget de l’État, a subi des modifications dans tous les sens au dernier moment. »
Cette culture jouit d’une trop grande tolérance. Une culture de négociations sans fin et de budgets imprimés une heure à peine avant que le Premier ministre ne doive se rendre à la Chambre. Tout ceci nuit à la santé des premiers concernés, mais aussi à la qualité de leur politique. Ce n’est pas la première fois que nous le disons, et nous en avons désormais la preuve.
Mais ce n’est pas tout. On n’arrête pas le progrès, donc nous aurions bien du mal à reprocher à des ministres et à des cabinets de converser à l’aide de médias modernes. Cependant, la cohérence reste de mise : si WhatsApp fait partie des moyens de communication au sein du gouvernement, celui-ci doit traiter ses conversations en conséquence. Les ministres et leurs cabinets doivent savoir que ce qu’ils règlent par SMS, WhatsApp, voire Messenger si nécessaire, participe officiellement au processus décisionnel et que la communication doit être archivée avec le même sérieux et le même souci de transparence que les autres types de communication.
Après le « WhatsApp Gate », la population a droit à plus de sérieux. Plus de sérieux dans la confection du budget, et plus de sérieux dans l’utilisation des nouveaux médias.
