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Crise de l’azote en Flandre : et le gagnant est… le Vlaams Belang
09·03·23

Crise de l’azote en Flandre : et le gagnant est… le Vlaams Belang

Temps de lecture : 4 minutes

Vendredi matin 3 mars. À Dworp, Tom Van Grieken grimpe sur un tracteur. Le président du Vlaams Belang part du Pajottenland pour participer à la manifestation des agriculteurs à Bruxelles. Alors que les partis du gouvernement flamand se retranchent ce jour-là place des Martyrs, à la recherche d’un accord sur l’azote, Tom Van Grieken parade dans la capitale. Presque comme un empereur sur son char. Une grande banderole de son parti est accrochée à un pont de la petite ceinture avec le slogan : « Sauvez nos agriculteurs ! »

« C’était un trajet de trois heures, mais c’était incroyable », raconte Tom Van Grieken au téléphone. « Ce que j’en retiens, ce sont tous ces gens au bord de la route qui levaient le pouce. Qui acclamaient les agriculteurs. Et qui pensaient aussi : Allez leur dire à Bruxelles ! »

Position ferme du CD&V

Les raisons pour lesquelles le gouvernement flamand ne parvient pas à un accord sur l’azote sont multiples. Mais l’une des plus importantes est sans doute que le CD&V, parti rural traditionnel en déclin électoral depuis plusieurs décennies, souhaite retrouver ses racines. La nomination de Jo Brouns, en mai 2022, au poste de ministre de l’Agriculture en est une manifestation, la fermeté du CD&V dans les négociations sur l’accord relatif à l’azote en est une autre.

La N-VA et l’Open VLD déplorent l’attitude du CD&V. Les cercles nationalistes flamands en particulier estiment que le CD&V s’est enlisé dans des promesses irréalistes aux agriculteurs. « Si vous excitez les agriculteurs pendant des mois, alors il n’est plus possible de trouver des compromis, sans être vous-même le dindon de la farce », analyse la N-VA. En tout cas, au sein du parti, on pense que le CD&V a déjà perdu une grande partie de son électorat paysan. En particulier au profit du Vlaams Belang.

Difficile à dire. Les sondages traditionnels ne mesurent pas spécifiquement le comportement électoral des agriculteurs car, statistiquement parlant, ils forment un groupe trop restreint. Une enquête auprès des membres du cd&v qui ont voté aux élections à la présidence du parti de 2019 (Joachim Coens contre Sammy Mahdi) montre que 67% se décrivaient comme « sans appartenance » à l’époque. Mais 4% estimaient faire partie de l’aile Boerenbond du parti. Dans une enquête similaire en 2013, ce chiffre était encore de 10%.

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Le CD&V souligne que de nombreux agriculteurs s’opposent désormais à l’accord sur l’azote. Notamment à grand renfort de corbeilles de fruits pour Jo Brouns. « Pour nous, il s’agit de se battre pour préserver l’âme des campagnes. Et nous n’allons pas abandonner cette cause, avec fatalisme, au VB », peut-on entendre. Le Vlaams Belang utilise le slogan suivant depuis des années : « Protégez nos agriculteurs ! ». D’autant plus depuis que l’azote domine les débats politiques en Flandre. Un problème environnemental « invisible » aux conséquences considérables. Soudain, il semble que l’extrême droite s’intéresse beaucoup à l’agriculture. Bien que Tom Van Grieken démente : « Dès ma nomination au poste de président en 2015, j’ai fixé un cap selon lequel le Vlaams Belang ne défendrait pas uniquement son point de vue sur l’immigration ».

Tom Van Grieken a également modifié l’orientation géographique de son parti; passant des grandes métropoles aux villes plus modestes et aux communes rurales. Avec le référendum sur le Brexit, la victoire de Donald Trump, le succès continu du Front national en France et les campagnes du FPÖ, « parti de la mère patrie », en Autriche, il constate que l’idéologie d’extrême droite se porte de mieux en mieux dans les contrées périphériques. C’est là que vit la « Flandre abandonnée » : la partie de la population qui a le sentiment que ses intérêts ne sont pas représentés par la politique traditionnelle. Les agriculteurs en sont un parfait exemple.

Percée en Flandre profonde

L’incursion de Tom Van Grieken à travers la Flandre profonde a déjà abouti, en 2019, à une victoire électorale majeure. Le Vlaams Belang perce dans des cantons ruraux qui, auparavant, ne votaient jamais pour l’extrême droite. À Dixmude, par exemple, le parti passe de 5 à 23% des voix ; dans le canton campinois de Turnhout, l’épicentre du problème de l’azote, de 7 à 23%.

« Les agriculteurs, notamment ceux de moins de 40 ans, se tournent de plus en plus vers nous. C’est mon intuition », affirme Tom Van Grieken. « Parmi les générations plus âgées, l’attachement pour le CD&V est encore important. Bien qu’ils nous supportent aussi, en tant que parti aiguillon. Les agriculteurs sont des gens raisonnables mais sont aussi, après des années de labeur, sur les rotules. Leur problème est au cœur de notre argumentation sur la souveraineté. Des décisions sont prises sans qu’ils aient leur mot à dire. Comme maintenant avec l’azote. Ce n’est pas possible. Et il n’y a pas que les agriculteurs qui pensent ainsi. »

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Aux Pays-Bas, des recherches récentes ont été publiées par l’université d’Amsterdam sur le fossé entre la ville et la campagne. Elles montrent que plus on vit physiquement loin du centre du pouvoir, plus le malaise social est grand. Cependant, une observation importante s’impose ici : les différences entre les habitants au sein des régions sont toujours plus importantes que les différences entre les régions elles-mêmes. En d’autres termes, il ne semble pas y avoir de rupture totale.

Et les agriculteurs, qu’en pensent-ils ? Parler librement des préférences politiques reste difficile au sein des organisations agricoles. « Mais beaucoup d’entre eux lorgnent effectivement le Vlaams Belang », précise une source bien informée. « Surtout les jeunes. On entend souvent : Je n’y suis pas favorable, mais au moins ils continuent à nous soutenir. Alors que les partis au pouvoir se disputent, le Belang propose une idée simple : laissons les agriculteurs travailler. »

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