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Pourquoi le dossier de l’azote fait-il tant de remous en Flandre? La réponse en 8 questions
08·03·23

Pourquoi le dossier de l’azote fait-il tant de remous en Flandre? La réponse en 8 questions

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Photo de James Baltz sur Unsplash

Maxime Kinique
Traducteur Maxime Kinique

Un gouvernement flamand en mode « blocage complet », des milliers d’agriculteurs et agricultrices en colère qui paralysent Bruxelles avec leurs tracteurs et un aéroport de Zaventem à l’avenir menacé : le débat sur l’azote met la Flandre sens dessus dessous. Et dire que c’est un simple éleveur de volaille de Kortessem qui a mis le feu aux poudres !

Comment toute cette discussion sur l’azote est-elle née ?

À vrai dire, la question à se poser serait plutôt : OÙ toute cette discussion est-elle née ? Réponse : à Kortessem. C’est dans cette commune limbourgeoise que se situe l’élevage de volaille de la famille Roebben qui, en 2021, a vu son autorisation d’extension de son exploitation annulée par le tribunal, après une plainte déposée par quelques associations environnementales. Les motivations de cette décision ? Le surplus d’émissions d’azote engendré par cette extension, avec toutes les conséquences néfastes pour la nature environnante, et ce dans un contexte où l’Europe impose depuis plusieurs années à notre pays d’en faire beaucoup plus en matière de protection de la nature, notamment en réduisant fortement son volume d’émissions d’azote. Pour le secteur des porcs et de la volaille, il est question d’une diminution de 60 pour cent à l’horizon 2030 alors que pour les bovins, l’effort demandé s’échelonne entre 15 et 20 pour cent. Au total, le volume d’émissions doit baisser de 17.255 tonnes. Ces objectifs, nous en sommes encore très éloignés. Aujourd’hui, le sol flamand est encore contaminé, sur base annuelle, à hauteur de plus de 23 kilos d’azote, avec des pics jusqu’à 60 kilos, alors que le niveau critique est compris entre 10 et 15 kilos seulement.

Un jugement lourd de conséquences ?

Oui, car chaque nouvelle autorisation pourra en principe être attaquée avec succès en justice en invoquant le même argument lié à l’azote que dans l’affaire concernant la famille d’éleveurs de Kortessem. Afin d’éviter que des milliers de projets immobiliers et agricoles soient recalés, la Flandre tente de se doter au plus vite d’un solide plan de réduction progressive de ses émissions d’azote. C’est ce plan-là qui provoque tant de remous depuis plusieurs mois, car les réductions des émissions d’azote qu’il porte constituent une pilule très difficile à avaler pour les nombreuses entreprises agricoles que compte la Flandre.

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Pourquoi le monde agricole a-t-il le sentiment d’être le méchant dans ce dossier ?

La réalité, en Flandre, c’est que le secteur agricole – et en particulier l’élevage intensif – est le principal émetteur d’azote. À cause des nombreuses tonnes de fumier produites par les vaches et les porcs, mais également à cause de l’utilisation d’engrais chimiques.

Et le transport routier et l’industrie, demanderez-vous ? N’émettent-ils pas eux aussi de gros volumes d’azote ? Certes, mais sous une autre forme, un peu moins nuisible. Qui plus est, les émissions d’azote générées par la circulation routière et l’industrie ont fortement diminué ces dernières années, un bilan dont ne peut pas se targuer le secteur agricole. Voilà pourquoi ce dernier est prié, aujourd’hui, de faire beaucoup plus d’efforts : les cheptels devront être réduits et l’agriculture intensive ne sera plus autorisée à proximité des zones naturelles.

Aurons-nous encore assez de nourriture dans notre assiette ?

Dans les rangs du CD&V, on estime que ces règles sévères en matière d’émissions d’azote mettent en péril notre approvisionnement alimentaire et que d’ici quelques années, nous n’aurons pas d’autre alternative que de nous tourner vers les marchés étrangers pour pouvoir encore avoir un bon steak dans notre assiette. Absurde, rétorquent de nombreux experts et expertes, qui soulignent que quelque 70 pour cent de la viande que nous produisons actuellement est destinée à l’exportation.

Quelles sont les répercussions de l’azote sur l’environnement ?

Trop d’azote a pour effet d’appauvrir et d’asphyxier la nature qui nous entoure. Nombre de plantes et d’arbres n’y survivront pas, et les plantes qui ne disparaîtront pas seront complètement envahies par d’autres qui, elles, ne souffriront pas de cette situation. Comme les ronces et les orties, mais aussi certaines espèces d’herbes. Un excédent d’azote est ainsi considéré comme l’une des raisons pour lesquelles la molinie, une variété d’herbe qui résiste bien à l’azote, supplantera totalement, lentement mais sûrement, notre bruyère violette bien connue.

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Et pour notre santé, y a-t-il des risques ?

Trop d’azote dans l’air engendre d’autres effets néfastes qu’une nature suffocante. Cela augmente le risque de graves incendies de forêt étant donné que la molinie et d’autres plantes supportant bien l’azote sont souvent très inflammables. La disparition de nombreux arbres et plantes est également une catastrophe pour une multitude d’insectes et le risque est d’évoluer vers une situation où nous serons infestés par les insectes qui survivront.

Pour la santé de l’homme également, une trop forte concentration d’azote n’est pas une bonne nouvelle, car l’azote est l’une des principales causes des particules fines, dont on sait le danger qu’elles représentent. De surcroît, l’appauvrissement des paysages naturels augmentera la concentration de pollen dans l’air, ce qui ne fera pas plaisir aux personnes qui y sont allergiques.

L’effort pour réduire nos émissions ne doit-il être supporté que par le seul monde agricole ?

Non. L’effort demandé à ce secteur est certes gigantesque, mais la menace « azote » plane également au-dessus de nos grands travaux publics, comme la construction de routes ou les gros travaux d’infrastructure dans nos ports, qui ont eux aussi une empreinte « azote » considérable. Avant-hier, l’organisation patronale Voka mettait en garde contre un préjudice de plusieurs milliards d’euros si un accord satisfaisant n’émergeait pas rapidement. À ce propos, la question de l’avenir de l’aéroport de Zaventem, qui aura besoin l’an prochain d’un nouveau permis d’environnement, a été soulevée il y a quelques semaines. Les émissions d’azote provoquées par le trafic aérien sont en effet néfastes pour un espace naturel situé à proximité. Un accord global satisfaisant devra également trancher les questions de ce genre.

Devrons-nous nous aussi changer notre comportement ?

Si l’accord que le gouvernement Jambon entend conclure contient principalement des mesures destinées au secteur agricole, on ne peut pas exclure que le débat sur l’azote accouche, demain, de mesures qui concerneront les citoyens et citoyennes. Le gouvernement néerlandais a par exemple décidé de limiter à 100 km/h la vitesse sur les autoroutes en journée, car c’est un facteur qui, couplé à nombre de règles visant le monde agricole aux Pays-Bas, contribue à réduire les émissions d’azote. « Nous n’avons pas imposé cette mesure de gaieté de coeur », a concédé le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, mais « elle était tout bonnement indispensable pour avancer dans la bonne direction. »

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