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Bientôt une justice flamande? C’est en tout cas le souhait de la ministre Demir N-VA
06·02·23

Bientôt une justice flamande? C’est en tout cas le souhait de la ministre Demir N-VA

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

JAMES ARTHUR GEKIERE (BELGA)

Si la Justice reste aujourd’hui en grande partie une compétence fédérale, les nationalistes flamands rêvent depuis belle lurette de la transférer aux entités fédérées. Ce n’est pas un hasard si Zuhal Demir a été bombardée en 2019 ministre flamande de la Justice – une première. La décision avait de quoi étonner, puisque nous avions déjà un ministre fédéral de la Justice.

À l’évidence, la nomination de Demir était une manœuvre stratégique. En mettant en avant cette petite compétence, qui autorise la Région flamande depuis la sixième réforme de l’État à gérer les maisons de justice et à mettre en place des peines de substitution, la N-VA entend ouvrir la voie à de nouvelles réformes. Plusieurs constitutionnalistes, dont Stefan Sottiaux (KUL), avaient également interprété à l’époque la nomination de Demir comme le signe avant-coureur d’une possible réforme de l’État.

Cette réforme, la septième donc, a souvent été évoquée ces dernières semaines, surtout depuis que Bart De Wever a relancé l’idée du confédéralisme – un débat vivace en Flandre, qui contraste fortement avec les progrès réalisés au niveau fédéral. Lors de son entrée en fonction en 2020, le gouvernement De Croo s’était en effet promis de préparer une future réforme de l’État, notamment dans le domaine des soins de santé, mais n’a jamais pu avancer concrètement sur ce dossier. Annelies Verlinden (CD&V) et David Clarinval (MR) avaient même été proclamés ministres des Réformes institutionnelles et du Renouveau démocratique, l’une néerlandophone, l’autre francophone. Personne ne s’attend à ce que le tandem n’accouche de quoi que ce soit avant 2024.

La Justice en Belgique doit devenir une priorité

Jürgen Vanpraet, le conseiller d’Annelies Verlinden, a démissionné en octobre de l’année dernière. « Sans interlocuteur, il est vain de discuter », avait piqué l’avocat, peinant à cacher sa frustration face à l’inflexibilité francophone.

C’est ainsi que fin octobre, Zuhal Demir a officiellement chargé Stefan Sottiaux de produire une nouvelle étude sur la « défédéralisation de la justice ». À noter que l’étude était en fait en cours depuis plus d’un an, mais Demir attendait manifestement le bon moment pour la sortir de son chapeau.

L’objectif ? Examiner si la Justice est transférable aux entités fédérées. Et si oui : comment s’y prendre au mieux. Le sujet avait déjà été abordé lors des négociations gouvernementales, notamment dans les notes de Bart De Wever (2010) et de Johan Vande Lanotte (2011), mais les propositions manquaient alors de fondements. Cette compétence est très large et difficile à scinder et il ne suffit pas d’attribuer à la Flandre la responsabilité des cours et des tribunaux, du ministère public, de la police et des prisons. Elle doit aussi, par exemple, disposer de son propre Code pénal.

« L’étude sur la « défédéralisation de la justice » était en fait en cours depuis plus d’un an, mais Demir attendait manifestement le bon moment pour la sortir de son chapeau. »

Fruit du travail des professeurs Sottiaux et Rochtus (KUL), la nouvelle étude devrait ouvrir la voie à de nouvelles discussions, fondées cette fois sur une approche académique. Notre rédaction a pu en apprécier le résultat la semaine dernière : un volumineux pavé de quelque 447 pages. Les deux universitaires y détaillent les avantages et les inconvénients de la défédéralisation, à travers notamment une étude comparative avec d’autres pays.

Du pour et du contre

Du côté positif, la défédéralisation peut rendre cette matière plus homogène, la rapprocher du citoyen, apporter une réponse aux différentes visions de la justice au nord et au sud, remédier à l’exécution insuffisante des décrets flamands par le pouvoir judiciaire et, surtout, initier une nouvelle dynamique et de nouveaux investissements.

Comme contre-arguments, les deux chercheurs citent le manque d’unité juridique (quid si les citoyens et les entreprises sont traités différemment au nord et au sud ?), la perte d’économies d’échelle et les coûts supplémentaires (tant financiers que sociaux, par exemple si une Région légalise la consommation de drogues et se mue en « port franc »).

Le rapport se conclut par l’exposé de plusieurs scénarios possibles, dont le transfert presque complet de la justice aux entités fédérées. Les chercheurs précisent qu’ils n’émettent aucun avis de fond sur les différentes perspectives envisagées.

Zuhal Demir, la Margaret Thatcher du pauvre

Dans une réaction officielle, la ministre Demir dit percevoir dans l’étude plusieurs « possibilités » de confédéraliser la Justice et la Sécurité, promettant d’envoyer l’étude à tous les gouvernements et parlements de notre pays. Il ne fait plus aucun doute que la N-VA fourbit ainsi ses armes en vue d’une prochaine réforme de l’État.

« Les quelques exceptions qui peuvent rester fédérales sont la lutte contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la sûreté de l’État. » 

« La justice et la sécurité dans notre pays sont une frustration pour beaucoup de citoyens et de citoyennes, a expliqué la ministre. Mais au-delà du débat idéologique, il convient avant tout de s’attaquer à un problème démocratique fondamental. Un État démocratique sain se compose d’un pouvoir législatif, d’un pouvoir exécutif et d’un pouvoir judiciaire. Si les deux premiers piliers sont en place, le dernier fait défaut aujourd’hui au sein de nos entités fédérées ».

« Cette étude montre qu’il est possible de confier la Justice entièrement aux Régions et aux Communautés et de limiter les pouvoirs du fédéral à ce que les entités fédérées veulent encore faire ensemble. Au vu de la comparaison avec d’autres États fédéraux et des avantages décrits, je pense que tous les pouvoirs législatifs, judiciaires et exécutifs, ainsi que la police, la sécurité et l’ordre public devraient être transférés aux entités fédérées. Les quelques exceptions qui peuvent rester fédérales sont la lutte contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la sûreté de l’État. »

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