Le meurtre de Julie Van Espen, tombée l’an dernier sous les coups d’un délinquant sexuel, sera-t-il le crime de trop, celui qui déclenchera enfin une réforme de la Justice ? Dès le mois de décembre, le Conseil supérieur de la Justice se fendait d’un rapport particulièrement critique. Si ce drame a pu se produire, c’est en raison de dysfonctionnements dans le système judiciaire anversois : un homme, qui aurait dû se trouver derrière les barreaux, avait été laissé en liberté.
Dysfonctionnements dans le système judiciaire anversois
Les parents de Julie veulent éviter de voir ce rapport du Conseil supérieur disparaître dans les limbes. Dans une lettre ouverte, ils réclament des actes et notamment des sanctions à l’encontre des responsables de dysfonctionnements et de négligences graves. Leur demande est légitime. Aucune impunité ne saurait se justifier en invoquant à tort et à travers l’indépendance de la Justice.
La Justice a un rôle majeur à jouer pour le bon fonctionnement de notre société. Son efficacité doit donc faire l’objet d’évaluations régulières, notamment externes. Cette responsabilité incombe à nos élus. Non pas qu’ils doivent dicter aux juges leurs décisions ou leurs arrêts – la séparation des pouvoirs ne doit pas être un vain mot. Mais ils doivent veiller à la bonne exécution des missions de notre système judiciaire, à savoir assurer le respect de la loi et dire le droit, avec toute l’efficacité voulue.
La Justice n’aime pas qu’on la surveille. Elle devra pourtant s’en accommoder.
Notre monde politique doit – et peut – rebondir sans tarder sur la proposition des parents de Julie visant à créer un Comité J, un organe externe chargé de contrôler le bon fonctionnement de la Justice et de sanctionner les fautes qui auraient été commises. On nous rétorquera que la Justice n’aime pas qu’on la surveille. Elle devra pourtant s’en accommoder.
Mardi, en Commission de Justice de la Chambre, les députés de tous les partis ont promis de prendre à cœur la lettre ouverte des parents de Julie. Tiendront-ils parole ? Rares sont les politiques qui placent le bon fonctionnement de la Justice au premier rang de leurs priorités, préférant se consacrer à des initiatives électoralement plus rentables. Après tout, chaque euro consacré à la Justice est un euro perdu pour leurs autres projets.
Rares sont les politiques qui placent le bon fonctionnement de la Justice au premier rang de leurs priorités
Koen Geens (CD&V), ministre de la Justice du gouvernement en affaires courantes, dit préparer un plan destiné à s’attaquer aux grands maux du système judiciaire. Mais il le précise d’emblée : sans moyens financiers supplémentaires, rien ne sera possible.
Dans ce pays, chacun souhaite affecter l’argent du contribuable au profit de ses propres centres d’intérêt, évidemment différents de ceux du voisin. Or l’argent est une denrée rare, aussi faut-il faire des choix. Depuis des années, au moment de répartir les budgets publics, la Justice n’est pas au premier rang. Pourtant, l’organisation d’un système judiciaire efficace est bel et bien l’une des responsabilités essentielles de l’État. Ne serait-il pas grand temps de rétablir le bon ordre des priorités ?