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Yoga pour Groen, la bière pour la N-VA… comment les partis flamands ciblent leur électorat sur les réseaux sociaux?
22·05·24

Yoga pour Groen, la bière pour la N-VA… comment les partis flamands ciblent leur électorat sur les réseaux sociaux?

Temps de lecture : 6 minutes
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

À l’approche des élections, tous les partis font allègrement appel aux publicités ciblées sur les réseaux sociaux. Le quotidien De Tijd a disséqué leur stratégie en se plongeant dans les données de Meta, la maison mère de Facebook. Quel électorat visent-ils ? Lequel excluent-ils ?

Les politiques flamands et leurs partis dépensent des sommes astronomiques pour que leur contenu sponsorisé apparaisse sur le fil Instagram ou Facebook des utilisateurs qu’ils ciblent. Pour ce faire, ils recourent à de nombreux termes, centres d’intérêt et caractéristiques. Les algorithmes de Meta, la société propriétaire de ces plateformes, sélectionnent ensuite les utilisateurs qui répondent aux critères des partis. En effet, ceux-ci peuvent établir un profil détaillé de tous ces utilisateurs, en fonction de leurs likes, des pages qu’ils visitent, de leurs interactions, de leurs achats et de leurs voyages.

Payer pour faire de la publicité auprès de personnes disposant d’un diplôme ou d’un profil professionnel spécifiques, ou pratiquant un hobby bien particulier, c’est devenu monnaie courante dans les états-majors des partis. Mais ce n’est pas tout. Indirectement, ils essaient aussi de définir l’origine et l’idéologie des utilisateurs. À l’aide de quels mots-clés ? Chaque formation a sa stratégie. Quels électeurs le parti A souhaite-t-il atteindre ? Et quels sont ceux que le parti B voudrait exclure ? De Tijd s’est plongé dans la bibliothèque publicitaire de Meta pour y analyser la stratégie de ciblage des partis en vue des élections du 9 juin.

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Le Vlaams Belang ne s’intéresse pas aux pays arabes

Avec 307 911 euros pour 118 annonces, le Vlaams Belang est sans conteste le parti le plus dépensier sur les réseaux sociaux. Ces trois derniers mois, la page du parti a dépensé près de 308 000 euros pour mettre en valeur 188 posts, photos et clips vidéo.

Le parti d’extrême droite pratique un ciblage très précis et très particulier. Ces trois derniers mois, la page du Vlaams Belang a utilisé 45 termes pour que ses annonces sponsorisées ne s’affichent pas chez certains utilisateurs. À l’origine, le ciblage excluait les personnes liées à l’Afghanistan, au Maroc ou à l’Irak, entre autres, avant d’y ajouter, récemment, toute une série de pays africains et musulmans.

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Tom Van Grieken, président du parti, et Tom Vandendriessche, tête de liste à l’Europe, emploient des termes très similaires. En outre, Vandendriessche exclut délibérément les fans des clubs de football turcs Fenerbahçe et Galatasaray. Difficile, dès lors, de ne pas faire le lien avec la position anti-immigration du Vlaams Belang. Autre particularité : le parti ne pratique plus le ciblage positif (qui inclut des caractéristiques ou des centres d’intérêt souhaités).

Il faut savoir que Meta même, ainsi que la nouvelle réglementation européenne, interdisent le microciblage basé sur des informations personnelles sensibles telles que la religion, la couleur de peau, le genre ou l’idéologie politique. Ceci n’empêche pas le Vlaams Belang de continuer à pratiquer le profilage ethnique en s’intéressant à certains pays. D’après les experts, aussi bien sur le plan moral que juridique, le parti s’aventure sur un terrain glissant.

Le PVDA (PTB) cible les ouvriers du bâtiment, mais pas les universitaires

Avec 178 127 euros pour 737 annonces, le PVDA convoite l’électorat jeune, mais semble vouloir éviter les électeurs les plus diplômés. En effet, la page du parti exclut de ses annonces sponsorisées les personnes qui ont fait des études ou qui disposent d’un diplôme de Master. Mais en même temps, le président Raoul Hedebouw cible, pour le contenu de sa propre page, les étudiants des universités et hautes écoles flamandes.

Le parti et son président procèdent de manière similaire dans certains secteurs industriels ou professionnels. Pour certains posts, Hedebouw évite certains secteurs et certains métiers, mais il va rechercher ces mêmes profils pour d’autres posts.

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À la différences de l’extrême droite, l’extrême gauche pratique aussi bien le ciblage positif que négatif. Pour Max van Drunen, chercheur postdoctoral à l’Université d’Amsterdam, les deux méthodes peuvent s’avérer problématiques : « Tout dépend du message. En général, les messages polémiques ne s’affichent pas chez ceux qui pourraient le critiquer. »

Au sein du parti, Peter Mertens, tête de liste à Anvers, s’illustre en recherchant, pour ses annonces payantes, des utilisateurs préoccupés par la cause palestinienne. Pour ce faire, il utilise des termes comme « Gaza University », « Palestine TV » et « équipe nationale de football palestinienne ».

La N-VA cible les amateurs de bière, de VTM et de films de guerre

108 372 euros pour 254 annonces

La N-VA est le parti flamand qui utilise le plus grand nombre de termes pour cibler son électorat. La diversité de ces termes dépasse de loin celle du Vlaams Belang ou du PVDA.

Pour définir son groupe cible, le parti nationaliste utilise des mots-clés liés à la défense et à la police (« law & order », « OTAN » ou « criminologie »), à l’énergie nucléaire et à l’emploi, mais aussi des termes très spécifiques comme « bière », « VTM » ou « film de guerre ». En tentant le film « Identity », en lieu et place du concept général « identité », la N-VA semble faire chou blanc. Par contre, avec « Vlaanderen », il se rapproche de son électorat.

Les ténors de la N-VA ne recourent que très peu, voire pas du tout, au microciblage. Le président Bart De Wever diffuse des annonces, mais sans définir de centres d’intérêt spécifiques. Theo Francken ou Jan Jambon non plus, mais d’autres ministres flamands bien, à l’instar de Ben Weyts, qui, en sa qualité de ministre du Bien-être animal, vise les propriétaires de chiens, de chats, de poissons ou de chevaux. Quant à Zuhal Demir, ministre de l’Environnement, elle tente de toucher les amoureux de la nature avec des mots-clés comme « jardinerie », « documentaire sur la nature » et « photographie de la nature ».

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Groen cible le monde militant et les végétariens fans de yoga

81 880 euros pour 716 annonces

Groen sponsorise de nombreuses annonces politiques. Pour ce faire, les verts utilisent toute une série de mots et de caractéristiques. Près de la moitié des annonces payantes sont reliées à plusieurs termes. Contrairement à d’autres partis, Groen opte plutôt pour des concepts globaux, comme « activisme », « solidarité », « volontariat » ou « changement social ».

À côté de ces termes généraux, Groen tente des mots comme « études de genre », « droits humains internationaux », « végétarisme », « écologie », « commerce équitable » ou « yoga » pour définir des profils bien particuliers. À la différence du Vlaams Belang, le parti n’exclut pas les personnes d’origine étrangère. Au contraire même : si vous vous intéressez à la cuisine arabe, syrienne ou turque, vous serez ciblés par certains messages de Groen.

La stratégie des trois principales têtes de liste Groen reste fidèle à la ligne du parti. Les co-présidents Jeremie Vaneeckhout et Nadia Naji, ainsi que la vice-première ministre fédérale Petra De Sutter utilisent une liste très similaire et accompagnent souvent leurs posts de nombreux termes.

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CD&V : des tracteurs pour les uns, des crèches pour les autres

81 987 euros pour 815 annonces

L’approche du CD&V diffère fortement de celle de Groen. Le parti de Sammy Mahdi utilise assez peu de termes et ne les attache qu’à un nombre limité d’annonces payantes. Les « parents » semblent représenter la cible principale des chrétiens-démocrates. Parmi les autres termes, nous notons « hypothèque », « défense », « santé » et « revenus ».

Trois têtes de liste CD&V, en l’occurrence la ministre fédérale Annelies Verlinden, la parlementaire flamande Katrien Schryvers et la députée fédérale Nathalie Muylle, s’adonnent activement au microciblage. Elles ont défini des dizaines de centres d’intérêt et de caractéristiques. Les ministres flamands Jo Brouns (Agriculture) et Benjamin Dalle (Jeunesse, Bruxelles, Lutte contre la pauvreté) utilisent aussi des options de ciblage : Brouns vise les termes « tracteurs », « machines agricoles » et « alimentation locale », Dalle « crèches », « travail social » et « Bruxelles ». Quant au président Sammy Mahdi, qui apparaît dans de nombreux posts de la page principale du parti, et à la ministre flamande Hilde Crevits, ils ne s’intéressent pas à ces techniques spécifiques de ciblage.

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Vooruit : beaucoup de contenu, peu de cibles

69 435 euros 861 annonces

Vooruit sponsorise beaucoup d’annonces, mais pour un montant relativement limité à chaque fois, et ce, sans pratiquer le microciblage à outrance. Parmi les groupes les plus spécifiquement ciblés par les socialistes, nous retrouvons les « parents » et les « élèves du secondaire ». Et en ce qui concerne les centres d’intérêt, quelques posts mentionnent les mots-clés « actualité » et « politique ».

Du côté des personnalités du parti, Hannelore Goeman, tête de liste à Bruxelles, a recouru plusieurs fois au microciblage, tandis que la présidente du parti, Melissa Depraetere, n’utilise jamais cette possibilité. L’ex-président, Conner Rousseau, l’a fait l’année passée, mais n’utilise désormais plus de termes ni de centres d’intérêt spécifiques.

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Open VLD : pas de ciblage, sauf quelques grands noms

36 086 euros pour 20 annonces

La page de l’Open VLD n’a payé, ces trois derniers mois, que pour 20 annonces politiques, pour un montant bien plus restreint que les six autres partis. De plus, les libéraux flamands ne pratiquent quasiment pas le microciblage. Avec « entrepreneuriat » et « actualité », des concepts plutôt vagues, ils n’accompagnent qu’une seule annonce sponsorisée de centres d’intérêt.

Le Premier ministre sortant, Alexander De Croo, ne recourt pas au ciblage. Tom Ongena, président du parti, et Paul Van Tigchelt, ministre de la Justice, recourent à cette pratique, quoique de manière très limitée. Alors qu’Ongena tente clairement d’atteindre le secteur agricole, Van Tigchelt vise davantage les groupes intéressés par la justice, avec des termes comme « law & order », « police », « sécurité publique » et « juge ».

Les données sur les annonces sponsorisées des partis et responsables politiques flamands sont issues de la bibliothèque publicitaire de Meta. Le mardi 14 mai, nous avons extrait les données concernant les annonces payantes et les termes de ciblage pour les 90 derniers jours, et ce, pour 150 profils Facebook de partis, présidents, ministres et têtes de liste. Le microciblage n’est transparent et donc visible que pour les pages entières, et par conséquent pas au niveau de chaque annonce individuelle. Il n’est donc pas possible de voir, pour chaque post sponsorisé, les termes employés pour cibler ou exclure des catégories d’utilisateurs.

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