DaarDaar

Le meilleur de la presse
flamande en français

Tom Van Grieken (VB) : « Notre programme n’a pas changé, il fallait juste le présenter différemment »
28·06·23

Tom Van Grieken (VB) : « Notre programme n’a pas changé, il fallait juste le présenter différemment »

Un an avant des élections qui s’annoncent cruciales pour l’avenir du pays, DaarDaar part à la rencontre des présidents de partis flamands. Qui se cache derrière l’homme ou la femme politique? Comment sont-ils arrivés en politique ? Comment voient-ils l’avenir du pays ?

Après Sammy Madhi (CD&V), Nadia Naji (Groen), Egbert Lachaert (Open VLD) et Raoul Hedebouw (PTB), nous poursuivons notre série de portraits avec Tom Van Grieken, président du Vlaams Belang depuis le 19 octobre 2014. Au programme : une biographie publiée le lundi, ainsi qu’une interview diffusée le mercredi.

[Projet soutenu par le Fonds pour le journalisme]

Temps de lecture : 7 minutes
Aubry Touriel
Auteur

À l’instar de Marine Le Pen au Rassemblement national en France, Tom Van Grieken tente d’adoucir son image et celle du Vlaams Belang. Sous des airs de gendre idéal, il préfère les costumes bien soignés et la raie bien peignée aux gants de boxe de l’ancienne génération de Filip Dewinter, la figure de proue du parti flamand d’extrême droite qui avait largement contribué au premier dimanche noir de l’histoire de Belgique en 1991.

Si les apparences plus lissées peuvent faire oublier son passé sulfureux et celui de son parti, le jeune leader qu’on surnomme Baby Dewinter n’en démord pas : le Vlaams Belang a toujours le même programme, et son président ne souhaite pas être « salonfähig », fréquentable.

L’objectif qu’il affiche : convaincre le plus de citoyens flamands pour que le Vlaams Belang devienne la première formation politique de Flandre. Si les sondages se confirment, cela permettrait au parti d’extrême droite de prendre l’initiative et de tenter dans la foulée de former un gouvernement régional au nord du pays, malgré le cordon sanitaire.

Pourquoi DaarDaar interviewe Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang?

Citez une personne qui vous inspire

Les francophones ne le connaîtront certainement pas, mais Bob Hulstaert*, c’était mon père politique. Il s’agissait d’un ami d’enfance de Karel Dillen, le fondateur du Vlaams Blok. C’était un catholique militant pour le nationalisme thiois** et il m’a beaucoup appris. J’avais facilement 60 ans de différence d’âge avec lui, mais nous nous entendions bien. C’est l’une des premières personnes à m’avoir demandé de prendre la parole en public. Il a vu quelque chose en moi que je n’avais pas vu moi-même. Il m’a vraiment inspiré. Cet homme m’a fait bouger politiquement.

*Cet ancien conseiller communal anversois pour le Vlaams Blok décédé en 2019 était le fondateur et président de la Maison Borms à Anvers, un centre d’archives sur le nationalisme flamand. Cette maison fait référence à Auguste Borms, un enseignant et fonctionnaire belge, militant nationaliste flamand qui a collaboré avec les Allemands lors de la Première et Deuxième Guerre mondiale, et a été exécuté en 1946.

** Le nationalisme thiois est un mouvement politique qui vise à la création d’un État appelé Thiogne (Dietsland en néerlandais) qui regrouperait les Pays-Bas actuels, la Flandre belge, voire le Westhoek français. Les adeptes actuels de cette doctrine se retrouvent notamment dans des groupes nationalistes flamands, comme Voorpost, la milice d’extrême droite fortement liée au Vlaams Belang.

Quels sont les aprioris qu’on a sur vous ?

Regardez où nous sommes. (ndlr : dans une salle de la Chambre des représentants). Je pense que la plus grande méprise à mon sujet est que je serais bourgeois. Je déteste incroyablement les petits bourgeois. Je déteste la platitude.

On pense souvent que j’aime être « salonfähig », fréquentable, et que j’aimerais être accepté par le système. Rien n’est plus faux. Je déteste la médiocrité et le fait d’être accepté.

Mais, si vous voulez arriver un jour au pouvoir, vous devez tout de même être accepté, vous avez besoin de partenaires pour former une coalition…

Je n’ai pas besoin d’être accepté par mes adversaires. Je dois être accepté par mes électeurs et la population. Si vous voulez un vrai changement, vous ne devez pas ressembler à ceux que vous voulez changer.

Il y a deux types d’hommes politiques. Les politiciens médiocres qui disent que la politique, c’est l’art du réalisable (haalbaar). Et ceux, comme moi, qui pensent que la politique, c’est l’art du concevable (denkbaar). Pouvez-vous penser, vous imaginer et agir en conséquence ? Y aura-t-il des compromis en cours de route ? Bien sûr, l’idéal ne doit pas entraver le bien. Mais partir du réalisable, ce n’est pas très ambitieux. C’est très petit-bourgeois.

Racontez une chose que vous faites bien.

Un de mes amis m’a dit un jour que j’avais un enthousiasme naïf et contagieux. Ma grand-mère me disait toujours : « Dans la vie, on reçoit d’office un « non », mais on peut obtenir un « oui ». » En 2014, quand je suis devenu président, tout le monde me disait que j’étais fou, que c’était un pari risqué. J’ai commencé avec enthousiasme et, grâce à cet enthousiasme naïf, j’ai réussi à rallier beaucoup de gens à ma cause. Et voilà où nous en sommes aujourd’hui.

Qui est Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang qui a ressuscité un parti à l’agonie ?

Racontez quelque chose que vous faites moins bien.

Ce que je ne sais pas faire, c’est écrire des discours en temps et en heure. Je n’aime pas particulièrement écrire des discours et je les écris toujours après minuit, la veille de l’événement. C’est terrible, parce que je suis émotionnellement fatigué et que je veux en dire beaucoup trop, ce qui me vaut des litres de café. À 6 heures du matin, le service de presse du parti me demande : « Tom, où est ton discours ? » J’aimerais commencer un peu plus tôt. J’ai besoin de stress, d’émotions, de passion pour écrire un discours. Je ne peux pas rédiger un discours en partant seulement de mon esprit, ça doit aussi venir du cœur.

De quelle mauvaise habitude voulez-vous vous débarrasser ?

J’ai tendance à être toujours un peu en retard. Et cela est principalement dû au fait que je planifie mon emploi du temps de manière beaucoup trop chargée. Je suis de nature très positive. Je pense toujours que je vais trouver une place de parking, qu’il n’y aura pas d’embouteillages, que je serai là tout de suite. Je vois tout sous un angle beaucoup plus positif que la réalité ne l’est souvent. J’ai déjà la citation qui pourrait figurer sur ma pierre tombale : « Il s’est dépêché toute sa vie pour arriver en retard. »

Citez un moment gênant.

Quand le Roi m’a téléphoné pour m’inviter au Palais royal, j’ai rejeté le premier appel par accident. Ce n’était pas très adroit…

Nationalistes flamands: ne parlons surtout pas de la collaboration

Quel est votre péché mignon ?

Ce n’est pas vraiment un pêché mignon, mais plutôt un « toc » : une tasse et une sous-tasse, ça va ensemble, comme le poivre et le sel, comme le Ying et le Yang. Et quand les gens mettent la tasse à côté de la sous-tasse, je ne comprends pas ça : cette soucoupe sert à ramasser les gouttes. Il y a des mugs où ce n’est pas le cas.

N’est-ce pas un symbole de rigidité, une manière de dire : tout doit être à sa place et tout doit rentrer dans des cases ?

Non, la perturbation a aussi des côtés positifs. Comme pour la tasse et la sous-tasse, quelqu’un y a réfléchi. Il ne les a pas conçus séparément, c’est dommage de les séparer.

Quels sont les plus grands stéréotypes sur les électeurs du Vlaams Belang ?

L’un des plus gros clichés, c’est que seules les personnes peu éduquées votent pour le Vlaams Belang, ce qui n’est absolument pas vrai. Comme le montrent de nombreuses études, le Vlaams Belang est représenté dans tous les niveaux d’éducation ou les classes socio-économiques.

La différence, c’est que lorsqu’on se situe au bas de l’échelle socio-économique, on a moins de gêne à dire qu’on est membre du Vlaams Belang.

En Belgique francophone, on parle souvent du cordon sanitaire politique et médiatique. Dans votre rhétorique, vous parlez d’un troisième cordon : le cordon social. Pensez-vous qu’il est rompu aussi ?

Dans le passé, mon parti pensait, pas forcément à tort, qu’il fallait d’abord briser le cordon sanitaire politique, puis médiatique et enfin le cordon social. J’ai inversé la logique. Je suis convaincu que le cordon social a été brisé : les gens disent beaucoup plus facilement aujourd’hui « Je vote Tom Van Grieken, je vote Vlaams Belang. » Par conséquent, les journalistes ne peuvent plus ignorer, parce que ce n’est plus seulement Tom Van Grieken en colère qui représente le Vlaams Belang. C’est aussi votre nièce et votre oncle ou un collègue. Dans la troisième phase, nous espérons briser le cordon sanitaire politique, en 2024.

Quelle est votre plus grande réussite ?

La chute du gouvernement Michel*. Peu de gens peuvent se vanter d’avoir fait tomber un gouvernement. Qui aurait cru que le plus petit parti du pays puisse faire tomber un gouvernement ?

* En décembre 2018, la N-VA a quitté le gouvernement Michel à la suite d’un conflit sur le pacte d’immigration de l’ONU, sous la pression du Vlaams Belang, qui avait enregistré de très bons scores un an auparavant lors des élections communales. Le parti de Bart De Wever pensait ainsi attirer des voix auprès des électeurs de l’extrême droite, comme elle l’avait fait en 2014. Cette tactique s’est néanmoins avérée un mauvais calcul, les gens préférant l’original à la copie.

Quel est votre plus grand échec ?

Je regrette que les négociations en 2019 aient échoué parce que nous n’avons pas réussi à convaincre un troisième parti de s’associer avec le Vlaams Belang et la N-VA pour trouver un accord de gouvernement. Ma crainte, c’est qu’on ait loupé le « momentum » en 2019 et qu’il ne se représentera pas en 2024.

Pourtant, les sondages vous donnent gagnant et une majorité entre N-VA/ Vlaams Belang semble se profiler dans les sondages. Depuis votre arrivée, le style du VB a changé, mais le contenu aussi ?

Je pense avoir accompli cette mission : il reste bien une place dans le paysage politique pour les partis nationalistes flamands radicaux. Je n’ai jamais douté de la qualité de notre programme. Nous devions le présenter au public différemment, mais sans pour autant l’adapter.

Selon vous, quel est le plus grand enjeu pour 2024?

Il faut que le Vlaams Belang devienne le plus grand parti de Flandre. Actuellement, nous sommes deuxièmes, nous devons devenir les plus grands. Ce n’est pas pour satisfaire l’ego de Tom Van Grieken que je dis ça, mais si nous devenons le plus grand parti, la coutume veut que nous ayons le droit d’initiative pour former un gouvernement flamand. Ce sera à notre tour et nous croisons les doigts pour devenir alors incontournables. 

Et le cordon politique sera donc rompu…

On verra. Nous n’atteindrons pas 50 %. Nous sommes assez réalistes. Mais plus nous serons nombreux, plus nous aurons de chances.

Imaginez que vous obteniez la majorité absolue, quelle est la première mesure que vous prendriez ?

Une Flandre indépendante avec des rues sûres et une politique migratoire stricte.

Quelles sont vos trois priorités pour les élections à venir ?

Si je devais en choisir trois, je choisirais plus d’autonomie flamande, plus de sécurité et moins d’immigration.

Quel pourcentage espérez-vous atteindre ?

Ah, je ne vais pas répondre à cette question. Toute progression est bonne à prendre et j’ai déjà mis la barre très haut en voulant devenir le plus grand parti de Flandre.

Dring Dring #1 : Les Flamands sont-ils racistes?


Ne ratez aucun épisode de cette série:

Sammy Mahdi (CD&V)semaine du 22 mai

Nadia Naji (Groen): semaine du 29 mai

Egbert Lachaert (Open Vld)semaine du 5 juin

Raoul Hedebouw (PTB/PVDA)semaine du 12 juin

Tom Van Grieken (Vlaams Belang): semaine du 26 juin

Conner Rousseau (Vooruit): semaine du 3 juillet

Bart De Wever* (N-VA): semaine du 10 juillet

* Bart De Wever a refusé de participer à notre série d’interviews, mais une biographie et un article bonus paraîtront aussi sur le président de la N-VA.

Partager :
© DaarDaar ASBL 2021 - Mentions légales - Vie Privée

Gratuit pour les employés de la Commission Paritaire 200 grâce à notre collaboration avec Cefora!

 Vous constatez un manque de cohésion entre collègues néerlandophones et francophones dans votre entreprise? 

Workshop, teambuilding... Inscrivez-vous aux nouvelles formations bilingues de DaarDaar! 

Si vous versez minimum 40€ en un an, vos dons seront déductibles fiscalement à hauteur de 45%.

Vous avez aimé cet article ? Alors soutenez-nous en devenant Amis de DaarDaar ! 

 

Nous voulons rester accessibles à tout le monde. Mais les traductions de qualité, ça a un coût.