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38 millions d’euros pour un « centre culinaire »: la Flandre dépense mal son argent
29·06·23

38 millions d’euros pour un « centre culinaire »: la Flandre dépense mal son argent

Bart Eeckhout est l’éditorialiste en chef du quotidien De Morgen.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Photo de Crystal Jo sur Unsplash

Bart Eeckhout
Auteur
Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

« L’Autorité flamande doit elle aussi donner le bon exemple », peut-on lire dans le plan de relance du gouvernement flamand. « Nous saisissons cette occasion pour élever le niveau d’ambition de la Flandre, pour renforcer ce en quoi nous excellons et pour nous libérer d’une série de maux que nous traînons avec nous depuis longtemps déjà. (…) Les initiatives publiques et privées doivent se renforcer mutuellement et non se faire concurrence. »

Pour ce qui est d’une certaine enveloppe — 38 millions d’euros — prévue par ce plan de résilience, on peut d’ores et déjà conclure que c’est tout le contraire qui se produira : les « maux que nous traînons avec nous depuis longtemps » ne s’en trouveront que renforcés, et les initiatives publiques et privées se feront bel et bien concurrence. Cette enveloppe, c’est celle que la ministre flamande du Tourisme, Zuhal Demir (N-VA), a affectée à la création d’un Centre culinaire flamand à Anvers : 38 millions d’euros alloués à une « halle aux saveurs » interactive, à un studio destiné à des émissions de cuisine et à un « bar de dégustation » En résumé, 38 millions pour une halle alimentaire, un plateau télévisé et un café.

On peine à cerner la demande sociale à laquelle cette offre vient répondre. Quelles défaillances du marché les pouvoirs publics prétendent-ils ainsi corriger ? L’intervention des autorités flamandes risque, au contraire, de perturber le marché. En effet, il existe déjà des marchés et des halles alimentaires dans toutes les villes. Anvers en compte plusieurs et d’autres projets sont dans les tuyaux. Et les autorités flamandes voudraient, à grand renfort de fonds publics, essayer de se faire une petite place sur le marché déjà quasi saturé des plaisirs de la table. Pourquoi diable ?

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On peut certes se dire que ces 38 millions ne sont qu’une goutte d’eau dans les 4,3 milliards du plan de relance. Or, une telle somme pourrait par exemple permettre d’organiser d’innombrables trajets en bus pour les enfants de l’enseignement spécial qui sont actuellement livrés à eux-mêmes. On peut dès lors légitimement s’interroger sur le devenir de ce « centre de découverte culinaire » prévu par le gouvernement flamand. Si ce dernier entend en assurer la gestion, ces 38 millions seront loin d’être suffisants ; s’il compte plutôt la sous-traiter, d’autres entrepreneurs du secteur privé seront tout à fait fondés à se plaindre de concurrence déloyale.

Mais le pire, dans cette histoire, c’est que ces 38 millions symbolisent parfaitement l’un des pires maux de la politique flamande et belge : la gabegie des subventions. Les pouvoirs publics se comportent comme le personnage de Lambique qui distribue des pièces de monnaie en volant dans les airs dans l’album de Bob et Bobette intitulé Le tombeau hindou. Il n’y a pas de meilleure image pour expliquer le poids du secteur public en Belgique par rapport aux États-providence comparables.

Après la crise du coronavirus, l’idée de relancer l’économie par des investissements publics dans les infrastructures semblait judicieuse. Mais dans les faits, on voit les ministres se démener pour accaparer des millions d’argent public qu’ils affectent à leur propre circonscription : une tournée du chocolat par-ci, un centre culinaire par-là. Voilà bien longtemps que la question de l’utilité sociale n’est plus prise en compte. C’est Anvers, et non Bruges, qui a obtenu ce centre, parce qu’Anvers estimait qu’on ne lui avait pas encore donné assez et parce qu’il se trouve que son bourgmestre est également le président du plus grand parti de la coalition gouvernementale.

« Je travaille surtout en coulisse », a récemment répondu Bart De Wever (N-VA) lorsqu’on lui a fait remarquer qu’il était le député le moins actif du Parlement flamand. Un véritable élan de sincérité.

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Un an avant des élections qui s’annoncent cruciales pour l’avenir du pays, les présidents de partis flamands se dévoilent dans une série d’interviews inédites pour DaarDaar. Chaque semaine, un président différent sera mis en lumière. Au programme: une biographie le lundi, ainsi qu’une vidéo et un article/interview le mercredi.

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