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Qui est Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang qui a ressuscité un parti à l’agonie ?
26·06·23

Qui est Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang qui a ressuscité un parti à l’agonie ?

Un an avant des élections qui s’annoncent cruciales pour l’avenir du pays, DaarDaar part à la rencontre des présidents de partis flamands. Qui se cache derrière l’homme ou la femme politique? Comment sont-ils arrivés en politique ? Comment voient-ils l’avenir du pays ?

Après Sammy Madhi (CD&V), Nadia Naji (Groen), Egbert Lachaert (Open VLD) et Raoul Hedebouw (PTB), nous poursuivons notre série de portraits avec Tom Van Grieken, président du Vlaams Belang depuis le 19 octobre 2014. Au programme: une biographie publiée le lundi, ainsi qu’une interview diffusée le mercredi.

[Projet soutenu par le Fonds pour le journalisme]

Temps de lecture : 7 minutes
Aubry Touriel
Auteur

Attiré par l’appel de la bière et de la camaraderie estudiantine, Tom Van Grieken a intégré à l’âge de 16 ans la Nationalistische Studentenvereniging (NSV), l’association des étudiants nationalistes flamands réputée pour sa position radicale sur l’indépendance de la Flandre.

Treize ans plus tard, il devient président du Vlaams Belang. À coup de pubs sur les réseaux sociaux et de campagnes chocs, ce diplômé en marketing est parvenu à transformer un parti à l’agonie en la deuxième formation politique de Flandre. À en croire les sondages, le parti flamand d’extrême droite pourrait même convaincre un Flamand sur quatre lors des prochaines élections, et devenir ainsi le plus grand parti au nord du pays.

Né d’un père gendarme et d’une mère fleuriste, Tom Van Grieken a grandi dans le district multiculturel de Borgerhout, à Anvers. Petit, il ambitionnait de suivre les traces de son père pour devenir à son tour gendarme. Mais c’est finalement un tout autre avenir qui lui ouvrira les portes. 

Pourquoi DaarDaar interviewe Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang?

 Campagne contre le « gauchisme dans les classes »

À l’école, Tom Van Grieken côtoyait des camarades de toutes origines. Et c’est là qu’il affirme avoir pris conscience de ses positions politiques : « Les élèves pouvaient être fiers d’être turcs, pakistanais ou de toute autre nationalité. Mais si vous étiez fier d’être flamand, vous étiez suspect, c’était mal perçu. Je trouvais cela bizarre, parce que je jouais avec des gens qui avaient une culture différente à la maison. C’était mes amis à l’école, mais moi, je parlais une langue différente de la leur à la maison. Je parlais le néerlandais, je vivais en Flandre.»

A cette époque, les prémices de pensées conspirationnistes commencent déjà à prendre forme dans l’esprit de Tom Van Grieken. À ses yeux, des enseignants qu’il juge « de gauche » militent très activement et « abusent de leur position » pour influencer les mineurs d’âge et embellir l’idée d’une société multiculturelle.

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Tom Van Grieken décide alors de lancer sa première initiative radicale baptisée  « Stop au gauchisme dans nos classes ». L’action, qui ressemble fortement à une campagne d’intimidation, prend la forme d’un blog en ligne, sur lequel les jeunes ont la possibilité de dénoncer ce qu’ils jugent être du “militantisme de gauche”. Nous sommes alors bien avant la création de Facebook, mais la chasse au sorcière est déjà la même. « Les étudiants pouvaient partager leurs opinions sur des enseignants gauchistes. Des enseignants abusaient de leur position d’hommes ou de femmes adultes pour imposer un programme de gauche aux écoliers. », défend aujourd’hui encore le président du Belang.

Hommage à un néonazi 

À seize ans, Tom Van Grieken traîne régulièrement dans les rues de Mortsel, une commune en périphérie anversoise où ses parents se sont installés après leur divorce. Le fils de commissaire raconte être passé par hasard devant un café où des étudiants en casquette grise s’adonnaient à leurs passe-temps préférés : entonner des chants traditionnels flamands et afonner des bières.

« Il manquait quelqu’un dans leur groupe, et il se trouve que j’étais là. Ils m’ont demandé si j’étais un lycéen, et j’ai dit oui. Ils m’ont alors donné un ruban, je me suis inscrit et c’est comme ça que je me suis retrouvé au NJSV, un groupe d’écoliers nationalistes. »

La percée du Vlaams Belang ne tombe pas du ciel

Dans un texte publié en octobre 2005 par le site du NJSV, une organisation satellite de la  NSV destinée aux étudiants de 15-18 ans, le jeune Van Grieken rend hommage à Bert Eriksson, un néonazi qui a intégré la jeunesse hitlérienne de Flandre pendant la Seconde Guerre mondiale, avant de devenir l’un des dirigeants du Vlaams Militant Orde (VMO), une milice d’extrême droite. Bart Eriksson est notamment connu pour s’être rendu en Autriche dans les années 1970  afin d’exhumer le corps d’un prêtre collaborateur pronazi et ramener sa dépouille sur le sol flamand.

Près de 20 ans après la publication de ce texte, le président du parti séparatiste ne semble pas regretter son message de soutien : « Je ne sais pas si je le referais, mais je ne m’excuserais pas pour ça. En tant que jeunes de 16-17 ans, c’est permis d’être un peu plus virulent, un peu plus noir et blanc. », défend-il.

Du papier toilette pour les sans-papiers

Tom Van Grieken entamera par la suite des études en sciences politiques à l’université d’Anvers. « Je n’ai pas beaucoup vu les auditoires », concède-t-il. Le jeune homme semble déjà préférer les actions chocs. En avril 2009,  il fait ainsi irruption, avec une poignée d’étudiants NSV, dans les locaux de l’université d’Anvers où étaient hébergés une vingtaine de sans-papiers. Lors de cette action baptisée « des papiers pour les sans-papiers », les jeunes nationalistes flamands s’étaient donné pour mission de jeter des rouleaux de papier toilette sur ces personnes en situation irrégulière. 

Une initiative que Tom Van Grieken ne semble pas regretter non plus : « Je pense qu’on pourrait à nouveau faire une action intitulée « des papiers pour les sans-papiers”, mais peut-être que le papier toilette n’était pas l’objet idéal», précise-t-il.  

Entre 2009 et 2011, Tom Van Grieken endosse le rôle de  président de la NSV. Malgré son passé et ses actions provocatrices pour le moins discutables, il parvient à faire reconnaître les sections locales de la NSV comme des associations d’étudiants auprès des autorités universitaires. Il s’agit là d’une première en 40 ans d’existence de la NSV. Forte de cette reconnaissance, l’association des étudiants nationalistes flamands  bénéficiera dès lors de subsides et d’un accès aux locaux universitaires.

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Van Grieken dans les rapports de police

Dans le cadre de son travail, le père de Tom Van Grieken voyait parfois passer le nom de son fils dans des rapports. L’homme était en effet responsable de la section des renseignements et du terrorisme, et recueillait dans ce cadre des informations sur l’extrême droite et l’extrême gauche pour le compte de la police fédérale.

Et Tom Van Grieken était déjà très actif à l’époque : « Dans ce contexte, j’ai pu entrevoir dans combien de dossiers j’étais  mentionné. Pour ma période relativement courte en tant qu’étudiant, c’était quand même considérable… », commente-t-il aujourd’hui.

Saucisses Zwan

Après ses études de marketing dans une haute école anversoise, Tom Van Grieken travaille durant neuf mois dans une agence web avant de devenir collaborateur parlementaire. De 2011 à 2014, il combinera ses emplois avec son poste de président des jeunes du Vlaams Belang (VB). En 2012, il mène une action controversée avec deux autres camarades. À Schoten, dans la province d’Anvers, les trois hommes débarquent ainsi dans une école secondaire pour y distribuer des saucisses Zwan, avec pour objectif de protester contre l’organisation d’un barbecue halal.

À ses yeux, cette action était totalement justifiée. Aujourd’hui encore, le président du Belang considère le scandale suscité par cette initiative comme un “mensonge de gauche”, et avance pour preuve que la plainte déposée par l’école concernée a été classée sans suite. 

Tom Van Grieken et les saucisses Zwan

Tom Van Grieken et les saucisses Zwan, une action de mauvais goût controversée

Membre du VB en stoemelings

L’identité flamande a toujours été une priorité pour Tom Van Grieken. Le Vlaams Blok était donc clairement le parti de son choix. « Mais je n’avais pas le droit d’adhérer au Vlaams Blok, parce que mon père était gendarme. C’était, dans ce cadre, très délicat de rejoindre ce parti», explique-t-il.

Pour soutenir le VB à sa manière, il propose alors d’élaborer le site web du Belang de Mortsel.  « Leur site était horrible. J’ai demandé à des amis nerd  comment faire. J’ai donc appris à faire un site web et je l’ai mis sur disquette pour les membres du conseil d’administration. J’ai dû ensuite me présenter à un entretien, car ils étaient méfiants. » Les membres du VB lui ont finalement demandé d’assurer le maintien du site. Ils proposaient dans la foulée de le rémunérer comme webmaster. 

Le soldat Van Grieken contribuera également à la campagne lors de l’élection en 2003. Outre les affiches qu’il était chargé de coller, il lance le mouvement des jeunes Vlaams Belang de Mortsel. « Et avant que vous ne le sachiez, vous vous retrouvez président du parti. En stoemelings», s’amuse-t-il.

“L’héritage du VB” entre ses mains 

Le jour où il devenu président, Tom Van Grieken a pris sa voiture, muni d’un bouquet de fleurs, pour se rendre à l’hôpital afin de féliciter un couple d’amis pour la venue de leur nouveau-né. De retour auprès des militants, la réalité politique a refait surface : « J’avais l’impression qu’une pression immense pesait sur mes épaules. Et que j’étais dans un harnais trop grand pour moi. J’avais l’impression d’avoir entre les mains l’héritage politique du nationalisme flamand radical. »  

Le tout nouveau président mesurait l’ampleur de sa tâche : « J’étais conscient que je pouvais être mentionné dans Wikipédia comme tel : « Le Vlaams Belang était un parti politique jusqu’en 2019 et ses présidents étaient Karel Dillen, Frank Vanhecke, Bruno Valkeniers, Gerolf Annemans et Tom Van Grieken. Point final. »

Cinq ans plus tard, après avoir dépensé des millions d’euros sur les réseaux sociaux et avoir eu recours à  de nouveaux moyens de propagande, le parti de Tom Van Grieken enregistre une très forte progression. En 2019, près d’un Flamand sur cinq a ainsi voté pour le parti d’extrême droite flamande.

« Je pense avoir accompli cette mission : il reste bien une place dans le paysage politique pour les partis nationalistes flamands radicaux. Je n’ai jamais douté de la qualité de notre programme. Nous devions l’amener au public différemment, mais sans pour autant l’adapter »,  assure le président du VB.

À en croire les sondages, le parti flamand d’extrême droite pourrait, lors du prochain scrutin, convaincre un Flamand sur quatre et devenir de la sorte le plus grand parti du nord du pays.


Ne ratez aucun épisode de cette série:

Sammy Mahdi (CD&V)semaine du 22 mai

Nadia Naji (Groen): semaine du 29 mai

Egbert Lachaert (Open Vld)semaine du 5 juin

Raoul Hedebouw (PTB/PVDA): semaine du 12 juin

Tom Van Grieken (Vlaams Belang): semaine du 26 juin

Conner Rousseau (Vooruit): semaine du 3 juillet

Bart De Wever* (N-VA): semaine du 10 juillet

* Bart De Wever a refusé de participer à notre série d’interviews, mais une biographie et un article bonus paraîtront aussi sur le président de la N-VA.

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