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Vooruit veut affronter le Vlaams Belang en duel: stratégie « géniale » ou risquée?
06·12·22

Vooruit veut affronter le Vlaams Belang en duel: stratégie « géniale » ou risquée?

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

NICOLAS MAETERLINCK (BELGA)

Auteur⸱e
Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

Le président de Vooruit, Conner Rousseau, a donné le coup d’envoi de la campagne électorale. Son objectif principal : empêcher le Vlaams Belang d’accéder au pouvoir. Sa stratégie : organiser un combat de boxe entre le parti favori des sondages et le plus populaire des responsables politiques. Mais est-ce bien judicieux ?

« Nous sommes en mesure de remporter les élections en 2024. Pour la première fois depuis longtemps, nous pouvons réellement en sortir vainqueurs. Car après trois ans, Vooruit est en tête à la fois à gauche et au centre. » Ce n’est pas la confiance qui faisait défaut au président de Vooruit, Conner Rousseau, lors du discours qu’il a prononcé samedi au Flanders Expo de Gand.

Au travers de leur congrès, les socialistes flamands ont donné le coup d’envoi de leur campagne, intitulée « En rouge pour 2024 ». On peut certes débattre de la qualité de ce jeu de mots, mais le message est clair : des élections locales, régionales, fédérales et européennes se tiendront dans un an et demi et la campagne des socialistes débute dès aujourd’hui.

Élections 2024 : N-VA et Vooruit se font la cour et l’assument

Fait remarquable : cette campagne — la plus prometteuse des vingt dernières années, selon les propres dires de Rousseau — vise très explicitement le Vlaams Belang. Elle s’articule autour du principe suivant : empêcher que la Flandre ne devienne la « Hongrie de la mer du Nord » et que le Vlaams Belang et la N-VA puissent constituer une majorité au Parlement flamand.

En 2019 déjà, cette possibilité était envisageable — des pourparlers exploratoires avaient d’ailleurs eu lieu entre les deux partis. Et depuis lors, le parti d’extrême droite a le vent en poupe. Le dernier sondage du quotidien Het Laatste Nieuws le crédite en effet d’environ un quart des suffrages flamands, tandis que la N-VA oscille autour des 22 %. Si l’on tient compte des marges d’erreur, une coalition est donc possible sur le papier.

Combat de boxe

Voilà déjà un certain temps que Conner Rousseau a lancé une offensive sur le parti de Tom Van Grieken, dont il s’efforce de séduire l’électorat depuis bien plus longtemps encore. Que l’on songe, par exemple, aux propos qu’il a tenus à la suite des échauffourées survenues après le match de la Coupe du monde entre la Belgique et le Maroc : Rousseau a parlé de « racailles des quartiers défavorisés qu’il faut nettoyer ». Mais le fait qu’il mette cartes sur table de manière aussi catégorique continue de faire sourciller.

« Les citoyens ne s’intéressent pas à la cuisine interne des partis, ils veulent connaître les solutions qu’ils proposent pour améliorer leur quotidien. »

« Les électeurs peuvent se demander à quoi jouent les partis », explique le politologue Nicolas Bouteca, de l’Université de Gand, qui observe une stratégie similaire du côté du CD&V et de Sammy Mahdi. « Œuvrent-ils pour l’intérêt général ou pour la survie du parti ? Les citoyens ne s’intéressent pas à la cuisine interne des partis, ils veulent connaître les solutions qu’ils proposent pour améliorer leur quotidien. »

Reste à savoir si cette stratégie s’avérera payante. Permet-elle réellement de ravir des voix à la droite ? Ce n’est en tout cas pas ce que semblent indiquer les sondages : en plus de Vooruit, le Vlaams Belang est le seul parti en position de gagner. Avec environ 20 %, la N-VA se maintient en tête de peloton de manière relativement stable. Les partis centristes, CD&V et Open Vld, sont en revanche exsangues. À gauche, Groen semble faire les frais de sa participation au gouvernement fédéral, tandis que le PTB ne parvient pas à percer en Flandre.

Le parti Vooruit remercie Rousseau et Molenbeek pour l’attention offerte

« En 2019, Vooruit — le sp.a à l’époque — a clairement perdu face au Vlaams Belang », rappelle Marc Swyngedouw, spécialiste des mouvements électoraux à la KU Leuven. « Rien n’est exclu, mais récupérer ces électeurs est tout sauf évident. Les études montrent en effet que celles et ceux qui, par le passé, ont délaissé le SP et le sp.a au profit du Vlaams Belang sont extrêmement chauvins en matière d’aide sociale : ils attachent énormément d’importance à l’État-providence, mais souhaitent que seuls les Flamands blancs en tirent profit. Par contre, il y a une brèche du côté des plus jeunes : on sait que ces électeurs se sentent très attirés par le Vlaams Belang. Mais Conner Rousseau parle leur langue, si bien que dans ce vivier-là, Vooruit pourrait bien ériger une digue pour faire rempart au Vlaams Belang. »

Positionnement vers le centre

Il est donc difficile de prédire la mesure dans laquelle les électeurs passeront de la droite à la gauche une fois dans l’isoloir. On ne s’étonnera pas, dès lors, que Rousseau se positionne désormais comme le leader du marché tant à gauche qu’au centre. Ce faisant, il lance sans détour un appel aux électeurs des autres partis de la Vivaldi : votez pour nous. Il aurait tout intérêt — comme Tom Van Grieken, d’ailleurs — à ce que le scrutin de 2024 tourne au duel entre le grand favori et un challenger. Dans leur communication, ni l’un ni l’autre ne perdent de vue le fait que le parti de Bart De Wever continue d’exister — et qu’il constitue, à l’évidence, une alternative au Vlaams Belang bien plus naturelle que Vooruit.

Le SP.A devient « Vooruit » : un nom vintage avec une touche macronienne… et après?

Cette situation rappelle la lutte pour la maison communale d’Anvers que s’étaient livrée Patrick Janssens (sp.a) et Filip Dewinter (Vlaams Belang) en 2006 — dont les socialistes avaient su faire leur beurre à l’époque. « Si Rousseau parvenait de nouveau à organiser une sorte de combat de boxe et à faire imprimer cette idée dans les médias, ce serait une stratégie géniale », admet Nicolas Bouteca.

« Pour la première fois, on a un dirigeant de parti qui est aussi influenceur. La stratégie fonctionne pour l’instant, mais tiendra-t-elle dans la durée ? »

Les médias seront donc amenés à jouer un rôle important dans la campagne électorale, mais les réseaux sociaux peut-être encore davantage. Voilà des années que le Vlaams Belang investit une part considérable de ses recettes dans sa présence en ligne. Même si Conner Rousseau demeure le « roi » incontesté d’Instagram.

« La situation est très particulière », analyse Marc Swyngedouw. « Pour la première fois de notre histoire politique, on a un dirigeant de parti qui est aussi influenceur. La stratégie fonctionne de manière éclatante pour le moment — le succès de Vooruit est en grande partie celui de Rousseau —, mais tiendra-t-elle dans la durée ? À mon sens, l’échéance de 2024 est encore loin. Mais je n’ai pas de réelle réponse : c’est du jamais vu. »

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