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Pascal Delwit: « Le régionalisme ne fait plus l’unanimité chez les francophones »
28·04·23

Pascal Delwit: « Le régionalisme ne fait plus l’unanimité chez les francophones »

Temps de lecture : 4 minutes
Christophe Degreef
Auteur⸱e
Virginie Dupont
Traductrice Virginie Dupont

Le nœud du problème, à savoir la Communauté française, demeure inextricable. Le parti libéral francophone doute du transfert des compétences communautaires à la Région wallonne. Selon Diana Nikolic, cheffe du groupe MR au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les problèmes financiers persisteront. « En cas de réforme de l’État, les partis francophones n’ont pas de scénario », souligne le politologue Pascal Delwit.

Il y a quelques semaines, le gouvernement de la Communauté française – dénommée depuis 2011 Fédération Wallonie-Bruxelles – a menacé de tomber, PS et MR ne parvenant pas à se mettre d’accord sur la création d’une nouvelle filière de médecine à Mons. In extremis, un compromis a été trouvé : il aurait été inacceptable de mettre en danger le pouvoir exécutif de la Communauté française pour un dossier aussi local. Les problèmes quotidiens de la Communauté française sont déjà assez graves : un financement catastrophique, une dette publique astronomique.

Toutefois, cet événement a remis la question suivante sur la table : quid de la Communauté française ? Pour rappel, en Flandre, région et communauté ont fusionné en un seul niveau de pouvoir. Le gouvernement flamand exerce les deux compétences. En Belgique francophone, la Communauté française est en charge de certaines matières qui s’appliquent aux francophones à Bruxelles et en Wallonie, principalement l’enseignement et la culture. La Wallonie et Bruxelles sont en revanche des régions distinctes, dotées de gouvernements qui gèrent surtout les questions d’économie et d’infrastructure.

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Problèmes financiers

Dans les colonnes de La Libre Belgique, la cheffe de groupe MR au parlement de la Communauté française, Diana Nikolic, semble explorer une nouvelle piste : certaines compétences de la Fédération pourraient revenir au niveau fédéral.

« Il n’y a pas de problème à sortir de la Fédération Wallonie-Bruxelles certaines matières comme la Santé – exercée à la fois par l’État fédéral et la communauté française – pour les rassembler dans un tout plus cohérent au fédéral. Mais supprimer purement et simplement la Fédération ne réglera pas l’endettement public », déclare Diana Nikolic.

« Si chaque compétence doit être exercée au niveau le plus approprié, il se peut très bien que certaines le soient mieux au niveau fédéral. »

Des propos que Diana Nikolic a confirmés lorsqu’elle a été contactée par Doorbraak : « À mes yeux, certains aspects des soins de santé peuvent être refédéralisés, oui. Tout comme la politique climatique belge. Je constate qu’il est actuellement difficile pour la Belgique de conclure un accord sur une politique climatique communautaire. Si chaque compétence doit être exercée au niveau le plus approprié, il se peut très bien que certaines le soient mieux au niveau fédéral. »

« Mais je ne prétends pas pour autant qu’il faille tout refédéraliser. La politique sportive est une compétence communautaire, mais les infrastructures sont régionales. Pourquoi ? Je pense que la politique sportive serait mieux exercée dans son intégralité par les Communautés française et germanophone plutôt que par la Wallonie. Pour vous en Flandre, cette discussion n’a pas lieu d’être, car vous avez fusionné les deux. Justement parce que la Flandre est culturellement homogène. En Wallonie, c’est plus difficile. »

Inutilement complexe

« À travers ce discours, je veux ouvrir le débat », poursuit Diana Nikolic. « En Wallonie, il existe une tendance à miser sur la régionalisation, à transférer en masse les compétences vers la Région wallonne. Je crains que ça rende les choses inutilement complexes : la Région bruxelloise et la Région wallonne devraient par exemple délivrer l’une comme l’autre des diplômes d’enseignement francophone. On utilise souvent l’argument selon lequel la Communauté française coûte trop cher. Or, une double administration de l’enseignement en Wallonie et à Bruxelles coûtera aussi beaucoup d’argent, non ? De plus, la régionalisation n’effacera pas d’un coup de baguette magique la dette publique de la Communauté française. Cette dette s’élève à 11 milliards d’euros, celle de la Région wallonne à 31 milliards d’euros et celle de la Région bruxelloise à 10 milliards d’euros. »

Diana Nikolic évoque peu l’enjeu majeur du nouveau financement de l’enseignement francophone. Les communautés reçoivent de l’État fédéral des dotations basées sur le nombre d’élèves inscrits. Mais en Belgique francophone, les inscriptions ont baissé ces dernières années. Une diminution à imputer au décrochage scolaire élevé et au fait que de plus en plus de francophones optent pour l’enseignement flamand. Diana Nikolic : « Une gestion plus efficace des ressources rendrait l’enseignement francophone plus attractif, augmenterait le nombre d’inscriptions, et donc le montant des dotations. »

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Paradoxe

Le politologue francophone Pascal Delwit (ULB) décèle un paradoxe dans les déclarations de Diana Nikolic. « D’une part, les francophones prennent conscience qu’à l’issue des élections de 2024, ils devront peut-être se mettre à la table des négociations pour discuter de la structure même de l’État belge, car les caisses sont vides. Surtout celles de la Communauté française. Mais d’autre part, les partis francophones ne semblent pas en mesure de parler d’une seule voix pour parvenir à un accord avec les Flamands concernant l’avenir du pays », déclare Pascal Delwit à Doorbraak.

« Jusqu’en 2020, une bonne partie des politiques francophones se définissaient plutôt comme régionalistes. La plupart estimaient que la Communauté française devait être intégrée à la Wallonie et à Bruxelles. Paul Magnette (PS), Jean-Luc Crucke et Pierre-Yves Jeholet (encore MR tous les deux à l’époque) croyaient en une Belgique à quatre régions. Mais entre-temps, la donne a changé. À Bruxelles, ce scénario déplaît. Et Paul Magnette semble aussi se raviser. Je ne sais plus quel scénario il a en tête. Ou ce que veut au juste le MR. »

Belgitude PTB-MR

Pascal Delwit prête à une partie des propos de Diana Nikolic une visée électoraliste. « Le PTB, parti d’extrême gauche de l’opposition, veut miser sur une refédéralisation complète des compétences, reconnaissant ainsi que la Belgique doit rester un pays fédéral. Je ne comprends pas bien l’intérêt d’un État fédéral dont les entités fédérées n’ont plus de compétences. Mais bon. Le PTB mise là-dessus parce que ça lui permet de marquer des points sur le plan électoral. En effet, une partie de la population est convaincue que la Belgique actuelle est incompréhensible et qu’il vaudrait mieux redevenir un seul pays. »

« Pendant le Covid, on n’a pas manqué de marteler qu’il y avait neuf ministres de la Santé publique en Belgique, et que cette profusion n’était pas étrangère à la mauvaise gestion de la crise sanitaire. Je ne pense pas que ce soit le cas. Mais on l’a répété si souvent qu’une partie de la population y croit. C’est pourquoi le président du MR, Georges-Louis Bouchez, fait également entendre sa belgitude. »

Pascal Delwit est bien en peine de prédire la suite des événements pour les francophones : « Il n’y a pas de réponses simples dans le débat sur la (re)fédéralisation. Notamment parce qu’on ne sait que faire de la Loi spéciale relative au financement, législation complexe sur le financement belge des entités fédérées. Transférer la santé et l’enseignement à Bruxelles ? Alors Bruxelles fera faillite en un mois. La question que pose la pérennité de la Communauté française se formule plutôt comme suit : les francophones peuvent-ils encore préserver leur communauté s’ils doivent renégocier la Loi spéciale relative au financement ? »

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