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Le gouvernement Vivaldi jette aux oubliettes les principes démocratiques
21·12·22

Le gouvernement Vivaldi jette aux oubliettes les principes démocratiques

Bart Maddens est politologue à l’Université de Louvain (KU Leuven), et proche du mouvement flamand.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

AURORE BELOT (BELGA)

Auteur⸱e
Dominique Jonkers
Traducteur Dominique Jonkers

Si la Vivaldi reste en place, cela fera bientôt 16 ans que nous serons soumis à un gouvernement ne disposant pas de la majorité dans l’un des deux groupes linguistiques.


La question

Stigmatiser l’opposition, c’est un symptôme : c’est le signe que sous la Vivaldi, on se met à oublier certains principes démocratiques.

La conclusion

Aujourd’hui, la Belgique semble surtout occupée à s’enterrer elle-même. S’agit-il encore d’une démocratie saine, digne de ce nom ? Voire.


Mon tout premier courrier électronique, je l’ai expédié dans les années 1980 via le système BISTEL, ce réseau informatique qui, dès 1984, reliait entre eux les services publics belges et les cabinets ministériels. Une version préhistorique de WhatsApp, dirons-nous. Il n’est pas du tout impossible qu’à l’époque, déjà, le cabinet du Premier ministre ait approuvé un projet définitif de budget par voie électronique.

À cette idée, voilà que je me mets à fantasmer. Louis Tobback, leader de l’opposition, est entré en possession d’une copie papier d’un échange BISTEL entre le cabinet du Premier ministre et celui du ministre du Budget. Ces échanges suscitent des doutes sur la véracité des propos tenus par le Premier ministre Wilfried Martens plus tôt à la Chambre. Laissant alors libre cours à sa rhétorique la plus venimeuse, Tobback fait trembler l’hémicycle sur ses fondations. Wilfried Martens, stoïque, encaisse l’avalanche sans broncher. Et la majorité passe à l’ordre du jour. L’incident est rapidement oublié.

Quelle différence, entre cette époque et aujourd’hui ! Comparés au Louis Tobback des années 1980, les leaders de l’opposition d’aujourd’hui sont des enfants de chœur. Le feu d’artifice rhétorique qu’il utilisait pour critiquer le gouvernement n’a pas d’équivalent aujourd’hui. Je soupçonne d’ailleurs Wilfried Martens d’avoir eu souvent du mal à cacher l’admiration secrète qu’il portait à ce magistral travail d’opposition.

Le budget de la Belgique dérape et fâche les libéraux

Quoi qu’il en soit, à l’époque, on trouvait parfaitement légitime que l’opposition critique durement le gouvernement. Jamais un Wilfried Martens n’aurait réagi comme le fait aujourd’hui l’Open VLD du Premier ministre Alexander De Croo. Aujourd’hui, ce parti hurle son indignation. À les en croire, la N-VA et le Vlaams Belang veulent déstabiliser le Premier ministre et prouver que la Belgique ne fonctionne pas. Pardon ? Les libéraux voudraient-ils interdire l’opposition ? Plutôt que de discréditer celle-ci, Alexander De Croo ne devrait-il pas au contraire s’efforcer de prouver que la Belgique fonctionne ?

« Stigmatiser l’opposition, c’est un signe que sous la Vivaldi, on se met à oublier certains principes démocratiques. »

On peut difficilement écarter cette réaction d’un revers de la main, en la qualifiant simplement de « réaction de panique malvenue ». Stigmatiser l’opposition, c’est un signe que sous la Vivaldi, on se met à oublier certains principes démocratiques. En l’occurrence, la manière dont certains partis de la majorité veulent brider la communication de l’opposition est révélatrice. On parle assez peu du Vlaams Belang et du PTB dans les médias traditionnels. Dès lors, ils se tournent vers la publicité sur Facebook. Et ça donne des résultats, au grand dam de la majorité.

Depuis quelque temps, le PS, en particulier, essaie de vendre une proposition visant à limiter cette pratique par voie légale. Cela risquerait de nous mener à des situations que connaissent aujourd’hui la Pologne ou la Hongrie. Sauf que dans ces deux pays, l’accès des partis aux réseaux sociaux n’est aucunement limité. Bien sûr, la problématique est bien plus large que cela. Le péché originel démocratique de ce gouvernement est qu’il ne dispose pas d’une majorité en Flandre.

Le grand avantage de la coalition Vivaldi (pour les flamingants)

Si la Vivaldi reste en selle, nous aurons connu, depuis septembre 2008 (date de l’éclatement du cartel CD&V/NV-A), donc depuis presque seize ans, un gouvernement dépourvu de majorité dans l’un des deux groupes linguistiques. Pendant dix de ces seize années, il n’aura même pas eu de majorité en Flandre. Et cela, alors que la Flandre est la principale région fédérée, dotée de l’économie la plus puissante.

Depuis dix ans, la Flandre est gérée par un gouvernement fédéral qui reflète le résultat électoral francophone, mais pas le résultat électoral flamand. C’est ainsi que le PS a su s’arroger une position de force, qui lui permet de bloquer toute réforme en profondeur. Or ce parti représente à peine 9,5 % de l’électorat de la Belgique.

Et quand on refuse de trouver cela normal, on se fait traiter de populiste antidémocratique, de fossoyeur de la Belgique. Mais ça, ça revient à tirer sur le messager sous prétexte que le message ne plait pas. Aujourd’hui, la Belgique semble surtout occupée à s’enterrer elle-même. Peut-on encore la qualifier de démocratie saine ? Maintenir cette Belgique en vie revient à nous priver de plus en plus de démocratie. Cela en vaut-il la peine ? Pas sûr que l’électeur flamand réponde par l’affirmative en 2024.

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