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Congrès du Vlaams Belang sur l’immigration : entre radicalité et acceptabilité
14·11·23

Congrès du Vlaams Belang sur l’immigration : entre radicalité et acceptabilité

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

BELGA

Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

Le congrès sur l’immigration du Vlaams Belang met en évidence la vraie nature du parti, qui se montre radical envers sa base tout en formulant des propositions politiques qui pourraient lui permettre d’engager des négociations en vue de la formation d’un gouvernement.

Une « vermine importée qui verse dans la délinquance », évolue dans des « ghettos où règne la charia » et œuvre de concert avec les « collaborateurs de l’islamisation », le tout dans un pays en proie à un « grand remplacement », c’est-à-dire la substitution de la culture européenne par le multiculturalisme et, en définitive, son « islamisation ».

Dimanche à Gand, les dirigeants anversois du Vlaams Belang, Filip Dewinter et Sam Van Rooy, n’ont pas fait dans la dentelle lors du congrès sur l’immigration organisé par leur parti. Face à une salle comble de plus d’un millier de militants, ils s’en sont donné à cœur joie dans leur charge contre les prétendus phénomènes d’islamisation et de grand remplacement.

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C’est donc du Vlaams Belang pur jus qui a été servi au public. Mais parallèlement, ces discours offrent un contraste saisissant avec le plan en 100 points approuvé par le parti à l’occasion de cette manifestation. Les expressions « grand remplacement » et « islamisation » n’apparaissent même pas dans les textes. Mieux encore : ces derniers contiennent énormément de propositions qui vont dans le sens de celles formulées, dans le domaine de l’immigration, par les autres partis flamands.

Elles concernent notamment l’accroissement de la contribution des nouveaux arrivants à leur processus d’intégration et d’accueil — des mesures déjà partiellement adoptées par le gouvernement flamand actuel. Mais aussi les visites domiciliaires permettant de repérer les immigrés clandestins — également évoquées par le gouvernement à la suite du récent attentat de Bruxelles —, ou encore l’incarcération de courte durée de familles avec enfants.

Participation au gouvernement

Autres exemples : le modèle australien — que défendait jadis Theo Francken —, la limitation des prestations de sécurité sociale pour les nouveaux arrivants — souhaitée notamment par les libéraux —, et l’idée de subordonner la coopération au développement à la reconduite des personnes sans papiers — qui a même été reprise par Vooruit au lendemain de l’attentat de Bruxelles.

« Par le passé, nous avons souvent eu raison trop tôt », a laissé échapper Filip Dewinter lors du congrès, soulignant, à juste titre, les positions d’autres partis, qui, en matière d’immigration, ont fini par se rapprocher du Vlaams Belang. Mais ce faisant, le parti cherche aussi, de toute évidence, à combler davantage le fossé qui le sépare encore de ces derniers, afin d’être considéré comme un partenaire de coalition potentiel à l’issue des élections. Ce n’est en effet pas un hasard si, lors du congrès, le président du parti, Tom Van Grieken, a insisté sur le caractère « réaliste » de ces cent propositions — qui, du reste, portent souvent sur l’intégration, une compétence qui relève des régions. Si un gouvernement doit être formé dès l’année prochaine, ce sera bien le gouvernement flamand.

De Wever ne s’alliera jamais avec le Vlaams Belang… Vraiment ?

« Beaucoup de propositions recoupent celles d’autres partis », analyse Nicolas Bouteca, politologue à l’Université de Gand. « Même si, à chaque fois, le Vlaams Belang va un peu plus loin ou se montre un peu plus dur. Toutes ne sont pas concernées, cela dit : on trouve aussi quelques idées qui ne sont portées par aucun autre parti, par exemple celles consistant à cesser de reconnaître l’islam ou à revenir sur le droit de vote des immigrés. »

Selon le spécialiste, tout dépendra, dans le cadre d’éventuelles négociations sur la formation du gouvernement, de la flexibilité dont voudra bien faire preuve le parti. « L’immigration est une thématique centrale du Vlaams Belang : combien de compromis sera-t-il prêt à faire sur ce sujet ? »

Propositions au vitriol

Tom Van Grieken, se livre ainsi à un exercice d’équilibriste : le parti doit rester « suffisamment sale », selon les termes autrefois employés par un de ses membres, Gerolf Annemans, tout en affichant un degré d’acceptabilité suffisant pour lui permettre d’engager d’éventuels pourparlers avec la N-VA en vue d’une coalition. « Ça transparaît dans la formulation des propositions », décrypte Johan Wets, spécialiste des migrations à la KU Leuven « Les faits et les chiffres qui les sous-tendent sont exacts. Mais elles sont écrites avec une plume trempée au vitriol. »

On retrouve ce même souci d’équilibre dans la politique du personnel menée par le parti. Sam Van Rooy et Filip Dewinter accomplissent les sales besognes pour galvaniser la base, mais Tom Van Grieken les maintient quand même sur la touche.

Reste à savoir comment ce double jeu sera perçu par le président de la N-VA, Bart De Wever, qui se plaît à brandir l’argument des « personnalités douteuses », visant notamment Filip Dewinter et Sam Van Rooy, pour justifier la position de son parti, à savoir ne pas dialoguer avec le Vlaams Belang. La semaine dernière, Filip Dewinter est venu apporter de l’eau à son moulin en déclarant, dans un entretien à l’hebdomadaire Humo : « Un paquet de préservatifs en Afrique, c’est vingt clandestins et dix délinquants de moins dans notre pays d’ici quelques années. » Ses déclarations au congrès sur le grand remplacement et l’islamisation ne risquent pas d’arranger les choses.

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