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Même les légumes se font vacciner contre les virus
11·11·22

Même les légumes se font vacciner contre les virus

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Image par Arturs Budkevics de Pixabay

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La Police judiciaire fédérale (PJF) et l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA) ont récemment fait une descente chez Stoffels Tomaten, un grand producteur de tomates de Rijkevorsel, en province d’Anvers.

Nous n’avons pas pu joindre les dirigeants de l’entreprise concernée pour obtenir des éclaircissements, mais les enquêteurs affirment avoir de sérieuses raisons de penser que les plants de tomates ont été délibérément infectés par un virus. Pas pour les contaminer, mais au contraire, pour les « vacciner » contre une maladie qui pourrait détruire l’intégralité de la récolte.

La vaccination végétale est une technique de plus en plus utilisée parmi les chercheurs et les cultivateurs, tant pour prévenir les maladies virales que pour réduire l’utilisation de pesticides chimiques.

Les plantes pourraient donc, comme les humains, se faire vacciner ?

La vaccination des plantes et des êtres humains répond au même objectif : mobiliser le système immunitaire contre une éventuelle attaque d’un agent pathogène. Mais chez les plantes, la vaccination se fait différemment. Le système immunitaire humain est en quelque sorte « entraîné » par un vaccin composé d’éléments constitutifs du virus contre lequel le patient doit être protégé. Le vaccin peut également être un virus dont l’agressivité a été artificiellement atténuée en laboratoire. Mais dans tous les cas, on n’administre jamais le virus original « au naturel ».

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Dans le cas de la vaccination végétale, en revanche, les plantes sont infectées par un variant naturel du virus. Celui-ci n’est pas injecté par seringue dans la tige ou les feuilles, mais pulvérisé. « Cette brume contient une variante asymptomatique du virus, ou une forme qui ne provoque que des symptômes légers », explique Kris de Jonghe, responsable du laboratoire des virus végétaux à l’Institut de recherche agricole, halieutique et alimentaire (Ilvo).

« La plante est ainsi confrontée au virus, ce qui déclenche une réaction de défense. Si la plante est infectée plus tard par cette variante pathogène, elle disposera alors des armes nécessaires pour se défendre. Notons encore que les plantes ne produisent pas d’anticorps, mais des protéines qui décomposent le matériel génétique du virus et le rendent inoffensif. »

Contre quelle maladie le vaccin actuellement utilisé fonctionne-t-il ?

Il s’agit du « virus du fruit rugueux brun de la tomate » (ToBRFV, Tomato brown rugose fruit virus), une maladie détectée pour la première fois en 2014-2015 en Israël et en Jordanie. Depuis 2020, le virus est également présent en Belgique.

L’année dernière, une douzaine de fermes ont été touchées, toutes dans la province d’Anvers. « Les feuilles des plantes malades présentent des taches en mosaïque, des nervures jaunies et un limbe foliaire rétréci. Les fruits peuvent eux se couvrir de taches jaunes et vertes et perdent alors toute valeur », décrit le chercheur. « Le virus se transmet par contact, souvent par les mains des employés qui travaillent dans les serres ou au contact du chariot qui circule entre les rangées. Comme le virus est très contagieux, le nombre de plantes touchées dans une même ferme est souvent très élevé.

Aujourd’hui, faute de pesticide efficace, les producteurs sont démunis et doivent se contenter de renforcer les mesures d’hygiène. »

Pourquoi les producteurs ne sont-ils pas autorisés à vacciner leurs tomates contre ce virus ?

René Van der Vlugt, professeur de virologie végétale à l’université de Wageningen aux Pays-Bas, estime pour sa part que vacciner les tomates en les infectant par une variante inoffensive du virus ToBRFV est une « très mauvaise idée ». « Il n’est absolument pas à exclure qu’avec un peu de malchance, vous pulvérisiez sur vos cultures une variante du virus sans doute inoffensive pour les tomates, mais qui pourrait être très nocive pour d’autres espèces, comme les aubergines ou les plantes ornementales. Je déconseille donc fortement de répandre des virus viables dans l’environnement sans avoir effectué au préalable les études nécessaires. Ce n’est pas pour rien que le ToBRVF est répertorié comme organisme de quarantaine par l’Union européenne. Cela signifie que toute propagation doit être évitée. »

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Kris de Jonghe confirme qu’un vaccin végétal ne peut être commercialisé qu’après avoir fait l’objet de recherches approfondies – encadrées par des mesures de sécurité strictes – afin de s’assurer que la variante du virus utilisée n’est pas pathogène pour d’autres variétés de tomates ou d’autres plantes et qu’elle ne peut muter. « Or, ces recherches n’ont pas encore été faites pour le vaccin ToBRFV. Les producteurs de tomates qui ont (à juste titre) peur du virus ToBRFV aujourd’hui devront donc être patients avant de pouvoir vacciner légalement leurs plants. »

D’autres vaccins végétaux sont-ils déjà sur le marché ?

Depuis plusieurs années, les producteurs de tomates utilisent un vaccin contre le virus de la mosaïque du pépino (Pepino mosaic virus, PepMV), une maladie qui posait auparavant de gros problèmes. « Ce vaccin a aussi été utilisé illégalement avant son enregistrement officiel, rappelle René Van der Vlugt. Mais à l’époque, le risque que quelque chose tourne mal était bien plus faible qu’aujourd’hui, avec le ToBRFV. »

De façon générale, les virus inoffensifs capables de protéger les plantes des agents pathogènes suscitent beaucoup d’intérêt. Les virus tueurs de bactéries nuisibles (dits « bactériophages ») sont par exemple très prisés.

Au niveau national, un projet par ailleurs est en cours afin d’étudier la possibilité de vacciner les betteraves. Kris de Jonghe fait partie de l’équipe de scientifiques qui en a la charge. « Par le passé, on a eu recours aux néonicotinoïdes (insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes, ndlr) pour empêcher les pucerons de transmettre certains virus aux betteraves. Ces insecticides sont maintenant interdits. Il serait donc intéressant de pouvoir continuer à protéger les betteraves par la vaccination. »

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