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Un mariage CD&V/ N-VA ? Pas demain la veille
14·11·22

Un mariage CD&V/ N-VA ? Pas demain la veille

Dominic Potters (1995) est journaliste indépendant, étudiant en sciences politiques et président général de l’association flamande pour la paix VOS. Il a été actif pendant des années dans le club étudiant KVHV, et les Jeunes N-VA (StuAnt).

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

DIRK WAEM (BELGA)

Quiconque suit l’actualité politique a déjà eu vent des derniers potins amoureux qui circulent dans le milieu. Il n’est guère question, cette fois-ci, de mariage d’intérêt entre chefs de parti ni d’alliance transpartisane, mais d’une étonnante demande en mariage formulée par une étoile montante de la politique, la non moins remarquable Els van Doesburg (N-VA).

La conseillère communale anversoise a fait les yeux doux à Sammy Mahdi (ou plutôt à son parti, le CD&V) afin de lui passer la bague au doigt d’ici 2024. Reste à savoir si l’idée sera bénie des dieux ou si elle donnera lieu à un abattage rituel. Bien qu’aucun des deux partis n’ait approfondi le sujet après le rejet de M. Mahdi, il convient toutefois de s’interroger : « Peut-on réellement envisager une telle piste ? »

Le rapport de force s’est inversé

Il y a moins de vingt ans, la N-VA était à la traîne dans les sondages. Les nationalistes flamands ont dû invoquer la pitié du CD&V, qui était encore le plus grand parti à l’époque, afin de se présenter aux élections sous forme de cartel. Les dernières déclarations de Mme van Doesburg ont donc de quoi surprendre, même si le politologue Stefaan Walgrave (UA) tient à nuancer : « On pouvait s’attendre à ce que Mme Van Doesburg ne veuille pas faire cavalier seul. Elle côtoie les hautes strates du parti, et a sans doute soumis sa démarche à l’appréciation de ses pairs au préalable. Aujourd’hui, le rapport de force s’est manifestement inversé, à l’heure où les sondages placent le CD&V sous la barre critique des dix pour cent d’intentions de vote. La proposition de Mme van Doesburg peut ainsi être vue comme une humiliation pour le parti le plus dominant de Flandre. »

Een huwelijk tussen CD&V en N-VA is nog niet voor vandaag of morgen

Jadis, le parti chrétien-démocrate coulait des jours heureux sous le nom de « CVP ». Cette période faste semble bien révolue et, à l’approche des élections de 2024, l’horizon du parti s’assombrit. En cause : l’émergence de nouveaux clivages, des canaux de communication en constante évolution et un électorat vieillissant.

Déclaration de septembre

Le président Sammy Mahdi a beau incarner une nouvelle génération politique, diriger le parti au pouvoir n’est pas du tout la même chose que d’en présider la section jeunesse. Dans l’affaire de l’indexation des allocations familiales qui a suivi la déclaration du gouvernement flamand de septembre, une frange significative de l’électorat démocrate-chrétien ne s’est ainsi pas ralliée à ses positions. En fin de compte, la ministre Hilde Crevits, souffrante, a dû déposer sa tasse de thé et quitter son lit douillet afin de le rappeler à l’ordre.

Le cd&v peut-il arrêter sa chute ?

De Stemming, le sondage lancé par le quotidien De Standaard et la VRT, tire la conclusion suivante : « Le CD&V est en mauvaise posture. Le déclin amorcé semble irréversible. La formation ne cesse de reculer sur le plan électoral, et pèse déjà trois fois moins lourd qu’en 2019. Elle perd des voix à gauche et à droite, et les électeurs restants tombent sous le charme d’autres partis en qui ils voient un certain potentiel, et ce des deux côtés de l’échiquier politique ».

Les sondages de “De Stemming”

De Stemming laisse apparaître un constat criant, en comparaison avec les résultats des élections de 2019. Crédité de 8,7 % des intentions de vote, le CD&V perdrait près de la moitié de ses électeurs aux législatives par rapport aux 15,4 % obtenus lors du dernier scrutin. L’ancien président Joachim Coens n’a clairement pas marqué les esprits, et il peut s’estimer heureux que le dynamique Sammy Mahdi ait accepté de prendre le relais avant de changer de cap.

« La N-VA a besoin d’alliés à l’horizon 2024, et le CD&V pourrait être le partenaire idéal »

La N-VA a besoin d’alliés en vue des élections de 2024, et le CD&V pourrait être la clé, estime le professeur Walgrave : « La N-VA veut s’ériger en tant que parti centriste de Flandre, et elle a besoin du CD&V pour parvenir à ses fins. À défaut, elle devra attendre la disparition du parti chrétien-démocrate flamand pour pouvoir revendiquer le « centre ». Mais rien n’est joué pour autant : « La cartellisation est contre-nature, car une idéologie a besoin d’exister de manière autonome. Un cartel n’est donc envisageable que lorsque l’on est sur le point de boire la tasse, comme ce fut le cas de la N-VA en 2004 ».

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Des opportunités à l’échelle européenne

Il existe également des opportunités à l’échelle européenne. Le PPE, dont le CD&V est membre, a déjà fait le ménage en excluant Fidesz, le parti hongrois de Viktor Orbán, de ses rangs. Le PPE entend ainsi jouir d’une image irréprochable, ce à quoi la N-VA aspire également au sein de son propre groupe.

À l’Europe, la N-VA est membre du CRE, qui rassemble des formations controversées telles que VOX et qui pourrait bientôt accueillir le FVD néerlandais, dont le président Thierry Baudet est un partisan de Poutine. Sur la scène internationale, les nationalistes flamands gagneraient en sérénité s’ils ne devaient pas se désolidariser des opinions dérangeantes de leurs partenaires.

Idéologies compatibles

À ce titre, une question cruciale se pose : « Les idéologies de la N-VA et du CD&V sont-elles compatibles ? ». Comme son nom l’indique, la démocratie chrétienne trouve ses origines idéologiques dans la tradition chrétienne (fondée sur la Bible) et dans les fondements démocratiques. Elle s’appuie sur des valeurs telles que l’esprit communautaire, la collégialité et le développement local, qui la positionnent au centre de l’échiquier politique pratiquement partout en Europe.

« La politique migratoire peut être la pomme de la discorde, car le CD&V de Mahdi adopte une position catholique-humaniste sur cette question. »

La N-VA, quant à elle, s’est imposée comme un parti populaire de centre-droit. En termes de vision de la société et d’enjeux éthiques, les deux partis semblent donc déjà à peu près sur la même longueur d’onde. La politique migratoire, en revanche, peut être la pomme de la discorde, car la position catholique-humaniste du CD&V de Mahdi s’inscrit clairement dans une approche progressiste.

Une autre dissension

Le professeur Walgrave observe d’ailleurs une autre dissension : « Sur le plan socio-économique, la N-VA est bien plus ancrée à droite que le CD&V et ses électeurs« . Curieusement, De Stemming montre que pas moins de 42 % des électeurs du CD&V s’identifient à l’idéologie et aux valeurs de ce parti, ce qui est beaucoup plus élevé que pour n’importe quel parti en Flandre. Les chrétiens-démocrates ne sont dès lors pas de simples girouettes, comme d’aucuns le répètent à l’envi, le problème étant qu’ils ne parviennent pas à toucher un électorat plus large.

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En conclusion, il faudra encore attendre avant de sortir le costume du placard, car le mariage n’est pas pour demain la veille. Les deux partis pourraient certes y trouver leur compte, mais, en l’état actuel des choses, il est peu probable que les chrétiens-démocrates quittent le navire du capitaine Mahdi. Il n’en demeure pas moins que le CD&V doit impérativement se réinventer au plus vite, à deux ans à peine des élections. Une période qui pourrait bien marquer le début de la fin.

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