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2022 signe le retour du cinéma flamand
28·12·22

2022 signe le retour du cinéma flamand

Temps de lecture : 6 minutes Crédit photo :

AURELIE MOERMAN (BELGA)

C’est une année faste, ou du moins un automne faste, qui s’achève pour le cinéma flamand. Après les chiffres décevants de 2021, Rebel, Close et surtout Zillion ont attiré des masses de spectateurs dans les salles de cinéma. Mais le secteur est-il capable de poursuivre sur sa lancée ?

« L’automne prochain s’inscrit sous le signe du cinéma flamand. » C’est par cette phrase que débute le communiqué de presse du Fonds audiovisuel de la Flandre (VAF) arrivé dans notre boîte e-mail début septembre. Ce message avait pour ambition d’attirer notre attention sur les sorties imminentes de quatre films : Ritueel, Rebel, Close et Les huit montagnes.

« Pour donner un coup de pouce à cette vague de talent flamand, les producteurs, les distributeurs, les exploitants de salles de cinéma et le Fonds audiovisuel de la Flandre se sont associés pour lancer de concert la campagne Vlaamse film. Grenzeloze cinema (Films flamands. Cinéma sans limites). »

Films flamands et francophones: deux marchés cinématographiques aux antipodes

Cette campagne semblait répondre aux résultats décevants des films d’auteurs flamands de l’année passée. En effet, des films comme Dealer, Rookie, Cool Abdoul ou La civil ont dû se contenter de quelques milliers, voire tout au plus de quelques dizaines de milliers d’entrées, des chiffres à peine atténués par des films familiaux produits autour de marques commerciales comme Nachtwacht, Dag Sinterklaas, K3 et W817.

À l’époque, le réalisateur Jan Verheyen avait parlé, dans nos colonnes, d’une « année abominable et catastrophique », regrettant le manque d’appétit pour des films aux thèmes plus sombres en cette période de pandémie.

À l’automne 2022, la situation fut bien différente. Rebel, le film sans compromis d’Adil El Arbi et Bilall Fallah à propos d’un combattant bruxellois de l’État islamique, a attiré pas moins de 100 000 spectateurs, un peu plus même que les très commerciaux Nachtwacht 3 et Sinterklaas en Koning Kabberdas en 2021.

Close, le drame de Lukas Dhont sur une amitié fragile, n’a eu besoin que de deux semaines pour franchir ce cap. Depuis, il a enregistré plus de 180 000 entrées, tandis qu’il n’a fallu qu’une seule semaine à Zillion, l’œuvre hédoniste de Robin Pront, pour attirer plus de 130 000 spectateurs. Après trois semaines, le compteur était à 350 000 entrées, et nous en sommes à 530 000 aujourd’hui.

Le film flamand « Zillion » est en passe de devenir le blockbuster de 2022

Zillion figure dès lors à la dix-septième place de la liste des films belges les plus vus de tous les temps, juste après De Witte van Sichem et Marina, et avant Frits en Freddy, La Merditude des choses et Bullhead. « J’avais espéré et pensé que le film serait un succès », avait témoigné Pront dans De Morgen, alors que son film avait déjà réjoui 132 000 spectateurs en sept jours à peine. « Mais des chiffres aussi énormes, c’est absurde. »

« Pour être honnête, l’année passée, de nombreux acteurs du secteur sont venus me dire que Zillion allait pouvoir démontrer que le cinéma flamand vivait encore », reconnaît le réalisateur.

Pollinisation croisée

Mission accomplie, dirait-on. Le cinéma flamand à l’article de la mort ? Dirk Impens, producteur de Close et vétéran du cinéma flamand, avec des films comme Daens, La Merditude des choses et The Broken Circle Breakdown, haussait déjà les sourcils l’année passée à la lecture des articles pessimistes sur l’état du septième art en Flandre.

« Deux, trois films qui font un flop successivement ne suffisent pas à faire des statistiques. C’est tout au plus un instantané. Les articles que nous lisons manquent de nuance », réplique-t-il.

« Je n’ai jamais cru les déclarations alarmistes qui apparaissent dans ces moments-là. Nous avons toujours eu tendance à exagérer le problème du cinéma en général, et du cinéma flamand en particulier. C’est un mouvement de pendule perpétuel : une année, tout va bien, et l’année suivante, ça va moins bien. »

La professionnalisation du cinéma flamand porte ses fruits

L’année 2022 fut un bon cru, mais elle a eu du mal à démarrer : la plupart des sorties flamandes ont eu lieu à l’automne. Ritueel, le premier grand film d’après l’été, n’a pas répondu aux attentes, admet le producteur Peter Brouckaert.

« Ritueel a fini par attirer de 35 000 à 40 000 spectateurs. C’est bien en deçà des attentes. En effet, nous espérions pouvoir attirer un public plus large qu’avec Le traitement (le précédent film de Hans Herbots, basé, comme Ritueel, sur une œuvre de la romancière Mo Hayder), qui avait fait 150 000 entrées. »

« Il a fallu attendre octobre pour que les gens se remettent à fréquenter les salles. « 

En 2021, la pandémie, qui a causé une fermeture des salles pendant cinq mois, permettait d’expliquer les chiffres décevants. Cette année-ci, l’impact du coronavirus se fait encore sentir, explique Bouckaert. La sortie de Ritueel a été reportée à deux reprises, et nous craignions qu’une résurgence du virus provoque une nouvelle fermeture pendant les mois d’automne et d’hiver.

« Nous avons donc décidé de prendre nos précautions et de sortir Ritueel dès la fin de l’été. Cependant, il a fallu attendre octobre pour que les gens se remettent à fréquenter les salles. »

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Rebel, lui, est sorti le 5 octobre. Malgré sa thématique, il a enregistré de bons résultats, bien que nous soyons loin des 366 000 entrées enregistrées par Gangsta, des deux mêmes réalisateurs. « Cent mille spectateurs, c’est un chiffre qui correspond à nos attentes, explique Dimitri Verbeek, de la société de production Caviar. Nous sommes donc très contents. Rebel traite d’un sujet difficile, et nous savions depuis le début que le film ne rencontrerait pas le même succès que Gangsta. »

Un peu plus tard dans le mois, c’est Zillion qui a suivi, puis Close début novembre. Mais avant tous ces films, c’est le documentaire Notre nature qui a surpris tout le monde, avec pas moins de 200 000 entrées.

« Tous ces films s’adressent à des publics différents », commente Koen Van Bockstal, du VAF. « Mais on a aussi assisté à un phénomène de pollinisation croisée, dans la mesure où tous ces films se renforcent mutuellement. »

Impens partage cet avis : « La plupart des gens préfèrent aller boire un verre dans une rue où les bars sont remplis. Il en va de même pour le cinéma : le public va là où ça bouge, où il y a de la vie. Et manifestement, les gens ont à nouveau envie de sortir de chez eux. »

De festival en festival

Puis, il y a aussi eu cette campagne du VAF : Vlaamse Film. Grenzeloze Cinema. « Nous ne voulions rien laisser au hasard », assure Van Bockstal. Les spectateurs ont pu bénéficier, pendant les deux premières semaines de Ritueel, Rebel, Close et Les huit montagnes, d’un ticket « 1+1 », et ce jusqu’à deux semaines après la sortie des films : toute personne qui allait au cinéma accompagnée recevait un deuxième ticket gratuit.

« L’action était valable du lundi au jeudi, des jours de moindre fréquentation des salles, précise Van Bockstal. Mais pour chaque euro investi par le VAF, les producteurs ajoutaient un autre euro de leur poche. Nous avons présenté cette action à la radio, à la télévision et sur les réseaux sociaux. La promotion et le marketing revêtent en effet une importance capitale. »

Le climat en grande partie libéré de la pandémie dans lequel ces films ont pu se développer joue aussi un rôle crucial. Le circuit des festivals a pu vivre en 2022 à son rythme habituel. Cette année-ci, l’édition du festival de Cannes fut exceptionnelle : Close, Les huit montagnes et Tori et Lokita, des frères Dardenne, ont récolté plusieurs prix, tandis que fut projetée la première de Rebel. Un succès du cinéma belge qui a permis aux salles de se remplir.

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En outre, grâce à cette année sans fermeture des salles, la concurrence des grandes productions internationales s’est beaucoup moins fait sentir pendant les mois d’automne. L’année passée, des films comme Dealer et Cool Abdoul ont dû affronter une avalanche de films sortis simultanément, comme Dune, No Time to Die et surtout le dernier Spider-Man.

Cette année-ci, de grands blockbusters américains comme Top Gun: Maverick et Jurassic World: Dominion sont sortis au printemps ou en été, ce qui a laissé davantage d’espace ces derniers mois. « Bien sûr, cela a contribué au succès des films flamands. Ceux-ci ont pu constituer une grande partie de l’offre cinématographique et le public a suivi. Mais si les films en question n’avaient pas été bons, ils n’auraient pas attiré autant de monde non plus », assure Van Bockstal.

« Pourvu que les gens continuent à faire confiance au cinéma flamand »

Toutefois, Impens évite de se réjouir outre mesure : « J’ai récemment lu dans Le Soir que Kinepolis, leader du marché des cinémas, n’a attiré que 70 pour cent de visiteurs par rapport à 2019. En d’autres termes, après la crise sanitaire, 30 pour cent du public ne fréquente plus les salles obscures. Il a donc été particulièrement difficile pour le film Close d’attirer 180 000 spectateurs. Nous pouvons donc nous montrer satisfaits, même si nous n’atteindrons probablement pas les chiffres de Girl (le précédent film de Dhont, qui a fait 277 000 entrées). Encore que cela dépende aussi du parcours de Close dans la course aux Oscars. »

Un Oscar, voire une nomination aux Oscars, pourrait confirmer une fois de plus que 2022 fut une année exceptionnelle pour le cinéma flamand. Mais le secteur sera-t-il capable de poursuivre sur sa lancée ? « J’espère que les gens referont désormais confiance au cinéma flamand », confie Verbeek.

Plusieurs films sont d’ores et déjà prêts à assurer la succession de Rebel, de Close et de Zillion, comme Het smelt de Veerle Baetens, Wil de Tim Mielants, Aller/Retour de Dorothée van den Berghe et The Chapel de Dominique Deruddere.

« Mais il faut rester réalistes, tempère Van Bockstal : quatre films belges, dont trois flamands, couronnés de succès à Cannes, Close qui accumule les récompenses internationales… J’espère que l’année prochaine sera aussi miraculeuse, mais ce ne sera pas possible chaque année. Bien qu’il y ait déjà deux films que j’ai vus et qui suscitent mon enthousiasme : Het smelt, qui ne doit pas au hasard sa sélection pour le festival du film de Sundance, et Wil. Ce sont des films forts, qui toucheront un large public. »

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