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La face perfide du travail hybride
12·03·21

La face perfide du travail hybride

Frederik Anseel est professeur de gestion à l’université de New South Wales, à Sydney.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

cc Junjira Konsang via Pixabay

Alors que les campagnes de vaccination atteignent, doucement mais sûrement, leur vitesse de croisière, les employés se préparent à retourner au bureau. À ce titre, la plupart des multinationales s’accordent sur un point : l’avenir sera hybride.

Le travail hybride semble en effet être la combinaison optimale. Les employés choisissent leur lieu de travail en toute flexibilité, le choix ne repose plus sur des horaires imposés, mais sur la nature des tâches à accomplir. On travaille là où le travail s’y prête le mieux. Rédaction laborieuse ? À la maison. Brainstorming ? En salle de réunion. Négociations ? Chez le client. Chacun fait ce qu’il lui plait : vive la liberté !

Ce qui est bon pour l’individu ne l’est pas forcément pour l’équipe

Ardent défenseur de l’autonomie et de la responsabilité individuelle, je suis en théorie partisan de ce modèle. Attention toutefois au diable, qui se cache dans les détails. Les entreprises sont plus que la somme de leurs individualités. Elles tirent leur plus-value de la collaboration, des échanges d’informations, des économies d’échelle, de la dynamique de groupe. Il est illusoire de penser que ces avantages peuvent être atteints lorsque chacun pense avant tout à son confort personnel. Ce qui est bon pour l’individu ne l’est pas forcément pour l’équipe. Chaque entreprise devra mettre de l’ordre dans son désordre, en fonction de son business model et de sa culture.

Les sociétés avec lesquelles je travaille ont sondé leurs employés afin de connaître leurs envies précises. Hélas, le sondage n’a pas eu l’effet escompté : impossible de dégager des tendances, les réponses allaient d’un extrême à l’autre. Certains souhaitent travailler tous les jours au bureau, d’autres un seul, voire pas du tout. Les dernières recrues, en quête d’esprit d’équipe et de coaching, ont par exemple davantage besoin de se rendre au bureau. De façon générale, un rythme de 3 jours par semaine semble être un juste milieu. Mais ne vous réjouissez pas trop vite : ce qui est vrai en théorie ne se vérifie pas encore dans la pratique.

Pour beaucoup de responsables, le rythme de travail à l’ancienne reste le plus pratique. Leurs journées sont principalement cadencées par les réunions, qui restent le meilleur moyen de collecter des informations et des impressions, et donc de prendre les bonnes décisions. Certains, encore très conservateurs, voudront exercer plus de contrôle sur leurs équipes. La confiance c’est bien, mais dans les limites du raisonnable. Le comportement de ces décideurs donnera alors le ton : les employés qui veulent être bien vus suivront le mouvement et se plieront au rythme de travail imposé par la direction. Résultat : plus les employés se rendront au bureau, plus la tolérance vis-à-vis des télétravailleurs diminuera.

L’importance de la dynamique de groupe

Ce processus ne s’opèrera pas toujours de façon visible. Mais les employés qui décident d’assister à distance à une réunion physique sentiront très vite qu’ils n’ont plus voix au chapitre. La situation inverse n’est pas impossible non plus : si quelques décideurs, actifs dans des entreprises technologiques, décident par vocation de privilégier le travail sur écran, les autres suivront. Et par un effet de contamination sociale, les bureaux se videront. Bien que des entreprises visent, par le travail hybride, un modèle intermédiaire, le côté perfide de la dynamique de groupe conduira dès lors à des conséquences extrêmes : ce sera tout ou rien.  Avant de m’accuser de proférer des prédictions à l’emporte-pièce, sachez que le schéma ci-dessus est celui que l’on constate en ce moment même à Sydney. La vie y a repris ses droits, comme avant, avec ses embouteillages.

Si les entreprises ne se penchent pas sérieusement sur une stratégie qui prend en compte l’aspect pratique du travail hybride, elles créeront une nouvelle inégalité structurelle, avec d’une part les personnes qui désirent télétravailler – par exemple parce que cela facilite leur vie familiale – et d’autre part celles qui préfèrent rester au bureau jusque tard dans la soirée. Dans les prochaines semaines, les entreprises devront notamment répondre aux questions suivantes. Quelles activités nécessitent-elles des réunions physiques et la présence d’employés au bureau ? Comment les équipes pourront-elles décider ensemble de l’une ou l’autre formule ? Comment aider les responsables à gérer les équipes hybrides ? Comment gérer virtuellement une dynamique de groupe qui exprime le besoin de se voir physiquement ? Et comment éviter les nombreuses heures supplémentaires et les horaires décalés propres au télétravail ? Vous êtes sans doute déjà en train d’y réfléchir.

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