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Comment mettre fin aux transferts de la Flandre vers la Wallonie? Un taux d’emploi de 80 %!
10·11·23

Comment mettre fin aux transferts de la Flandre vers la Wallonie? Un taux d’emploi de 80 %!

Rudy Aernoudt est professeur d’économie à l’UGent.

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(c) DNY59 via canva.com

Auteur
Dominique Jonkers
Traducteur Dominique Jonkers

Comment mettre fin aux transferts de la Flandre vers la Wallonie ? Tout simplement en parvenant à un taux d’emploi de 80 % dans tout le pays. Rien d’impossible !

Le Comité de monitoring du SPF BOSA estime à 18,5 milliards (3,1 % du produit intérieur brut) le déficit 2024 du budget fédéral belge ; il recommande de réaliser au moins 815 millions d’euros d’économies. On estime aujourd’hui à une fourchette de 5 à 6 milliards d’euros par an le montant des transferts de la Flandre vers la Wallonie. Et si nous décidions de prendre ces deux problèmes à bras-le-corps en même temps, pour nous en débarrasser tout en atteignant simultanément un autre objectif : atteindre un taux de participation de 80 %. Autrement dit : et si nous faisions d’une pierre deux coups ?

Le plan d’action gouvernemental prévoit de porter à 80 %, d’ici 2030, le nombre de personnes de 18 à 65 ans actives sur le marché du travail (le « taux de participation »). Or 2024 est une année électorale, et l’année 2025 sera probablement consacrée à rechercher désespérément ce qu’il est convenu d’appeler une « majorité viable », il nous donc reste cinq années utiles.

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Réaliser l’équilibre

En Belgique, le taux de participation s’élève actuellement à 71,4 % (chiffre au 2e trimestre 2023). Pour atteindre l’objectif de 80 %, il faudrait mettre au travail 581 000 Belges actuellement considérés soit comme demandeurs d’emploi, soit comme non-demandeurs d’emploi, soit comme malades de longue durée. Dès lors, ces personnes ne seraient plus à charge des pouvoirs publics (par le biais des allocations de chômage, notamment) : au contraire, elles apporteraient leur contribution au budget par le biais des cotisations sociales patronales et salariales et par celui de l’impôt des personnes physiques.

On estime généralement qu’un chômeur représente, par an, un coût moyen de 13 000 euros et un manque à gagner de 27 000 euros. Le passage du statut de chômeur à celui de salarié rapporte donc à l’État 40 000 euros par personne. Si nous parvenions à ce taux d’emploi de 80 % dans chacune des trois régions, cela représenterait un impact budgétaire de 23 milliards d’euros (40 000 x 580 000), et le budget serait à l’équilibre. C’est gigantesque, surtout dans un pays où la population se caractérise par une inversion de la pyramide des âges. Reste à savoir si tout cela est possible dans le contexte belge.

Une idée réaliste ?

Par comparaison aux autres pays européens, le taux de participation au marché de l’emploi reste très faible en Belgique. Il est inférieur de 4 points de pourcentage au taux moyen de l’UE, et de 14 points de pourcentage à celui des Pays-Bas. De même, à 34,5 années, la prévision de durée de vie professionnelle compte parmi les plus faibles d’Europe. Dans de nombreux pays européens (l’Allemagne, les Pays-Bas, la Hongrie, l’Estonie, Malte, la Suède, etc.), on a déjà atteint l’objectif de 80 %. Crier victoire parce que la Belgique a atteint le taux de 71,4 % (principalement grâce aux Flamands, d’ailleurs) serait donc tout à fait déplacé.

« Aux Pays-Bas, le droit à une indemnité de chômage est limité à 24 mois. »

Qu’ont en commun tous ces pays ? Tout d’abord, un contrôle strict des non-travailleurs, qui contraste fortement avec la politique laxiste appliquée par le Forem en Région wallonne, par exemple. Deuxièmement, une limitation dans le temps des indemnités de chômage. Ainsi, aux Pays-Bas, le droit à une indemnité de chômage est limité à 24 mois, à condition encore d’avoir travaillé pendant 24 ans (un mois par année travaillée). En Allemagne, la durée maximale est de 12 mois, voire à 24 mois pour les personnes plus âgées. En Estonie, comptez sept mois et à Malte, six mois. Quel contraste avec la durée infinie accordée en Belgique !

Troisièmement, c’est le service public qui se charge d’effectuer les paiements. Ce que la littérature internationale désigne par l’expression « système de Gand », à savoir ce système où les allocations de chômage sont versées par les syndicats, est tout à fait exceptionnel : il n’est appliqué qu’en Belgique et dans les pays scandinaves, pays où, par réaction, les taux de syndicalisation sont sans égal. Quatrième point commun : une charge fiscale réduite, surtout pour les salaires les plus bas. La seule chose qui manque pour atteindre l’objectif, dans un pays où il y a plus d’emplois vacants que de chômeurs, c’est le courage politique de s’attaquer à ces quatre réglementations socio-économiques contreproductives.

665 000 inactifs en Flandre, quelle honte!

Différences régionales et provinciales

Ces quatre mesures à prendre auraient un impact sur chacune des régions : cet impact serait évidemment le plus fort dans les régions et les provinces où le taux de participation est le plus faible.

En Flandre, ce taux s’élève déjà à 76,6 % aujourd’hui ; l’objectif de 80 % est en vue. En Wallonie et à Bruxelles, il s’élève respectivement à 64,3 % et à 65,5 %. Pour atteindre 80 % dans les trois régions, il faudrait (re) mettre sur le marché du travail environ 115 000 Flamands actuellement inactifs, 130 000 Bruxellois et 335 000 Wallons.

A l’échelle provinciale, seule la Flandre orientale atteint actuellement le taux de 80 %, devant la Flandre-Occidentale (78 %), le Limbourg, Anvers, le Brabant wallon, le Brabant flamand et la province de Luxembourg. En queue de peloton, on trouve Namur, Bruxelles, Liège et le Hainaut (61 %). Autrement dit : si en Flandre-Orientale, 4 personnes sur 5 (âgées de 18 à 65 ans) travaillent, ce n’est le cas que pour 3 personnes sur 5 à peine dans le Hainaut.

La fin des transferts

Outre l’équilibre budgétaire, la réalisation de l’objectif des 80 % signerait également l’arrêt des transferts de la Flandre vers la Wallonie. En effet, si l’on y regarde de plus près, on constate que 90 % de ces transferts s’expliquent par une faible contribution relative des Wallons et des Bruxellois à l’impôt sur le revenu et par une part relativement élevée dans les allocations sociales et de chômage.

C’est à juste titre que les auteurs[1] de l’essai intitulé « Bodemloos » (NdT : « Sans fond ») qualifient de « non-activante » la politique mise en œuvre sur le marché du travail. C’est pour cela, d’ailleurs, qu’ils touchent du doigt la solution. Mettre au travail les Wallons et les Bruxellois aurait pour double effet de réduire les dépenses sociales et d’augmenter la perception de l’impôt sur le revenu. Ajoutez à cela le vieillissement (plus) rapide de la population flamande, et c’est la fin des transferts.

C’est par la politique socio-économique — et non par la politique communautaire — que l’on parviendra à mettre fin aux transferts. Peut-être est-ce même plus facile que d’organiser la scission du pays ; on n’a même pas besoin d’une majorité des deux tiers. Il suffit que tous les partis flamands agissent dans le même sens et exigent un accord sur ces réformes avant d’accepter de participer à un futur gouvernement fédéral.

[1] Barbara Pas, députée Vlaams Belang, et Lode Vereeck, conseiller économique au Vlaams Belang (NdT)

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