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En Flandre, le monde culturel doit apparemment se taire sur la guerre à Gaza
10·01·24

En Flandre, le monde culturel doit apparemment se taire sur la guerre à Gaza

Karel Verhoeven est le rédacteur en chef du quotidien De Standaard.

Temps de lecture : 2 minutes Crédit photo :

Photo de Ash Hayes sur Unsplash

Dans notre pays, jusqu’ici, les tensions liées à la guerre à Gaza restent sous contrôle. Tant qu’on s’en tient à quelques drapeaux palestiniens déployés ou à deux ou trois slogans déclamés sous couvert de poésie, comme lors de l’incident qui a perturbé samedi la soirée d’ouverture de la présidence belge de l’UE sur la Grand-Place de Malines, notre démocratie du débat a toutes les raisons d’être satisfaite. C’est pour cela qu’est choquante l’arrestation de la poétesse et slameuse anversoise Hind Eljadid, qui n’a pas, comme prévu, récité un haïku d’Herman Van Rompuy, mais lancé à la foule que « la complicité de génocide ne mérite pas de fête ». Pendant six heures, elle a ensuite été placée en cellule par la police de Malines. En matière de liberté d’expression, on peut mieux faire ! L’incident trahit le rôle cauteleux que le gouvernement flamand entend assigner à la musique, à la poésie et à la comédie.

Or la fête organisée samedi était bien un événement politique, puisque c’est le gouvernement flamand qui organisait  une journée entière de manifestations, voulant célébrer en plein centre-ville de Malines l’accession de la Belgique à la présidence du Conseil de l’UE. La page web de la Région flamande se réjouissait de « participer ainsi à la construction de l’agenda européen et de placer la Flandre sous les feux des projecteurs ». La fête avait été annoncée sous le titre « Zie ons doen » (Regardez-nous à l’œuvre !). Il faut croire qu’en Flandre, l’enthousiasme pro-européen est devenu un courant à ce point dominant qu’il peut passer pour apolitique.

Le gouvernement flamand promet de piloter les discussions européennes relatives aux domaines régionalisés que sont l’industrie, la pêche et la culture. Et samedi, il entendait célébrer son apport par un moment culturel – d’où l’idée d’une fête populaire. Il fallait que la culture soit « inspirante », voire « positivement impétueuse », mais aussi, bien sûr, qu’elle « éclaire l’identité culturelle flamande ». En droite ligne avec cette conception servile de la culture, il fallait que même les poètes slameurs s’en tiennent au script. Dans la version du spectacle disponible aujourd’hui sur la chaîne en ligne VRT Max, la chaîne publique qui le diffusait a donc coupé au montage cette intervention imprévue.

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L’incident en dit long sur la difficulté de mener un débat public sur la guerre déclenchée par Israël à Gaza, après le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre. Comme s’il fallait rendre cette guerre apolitique. Comme si, pour reprendre les paroles du présentateur Bart Peeters, « il faut espérer qu’un jour la paix et l’amour régneront sur le monde ». Ces paroles, le département de la chancellerie de la Région flamande les a publiées sur X, en y apposant un petit cœur jaune. Bart Peeters, lui, a exprimé son « respect » pour Hind Eljadid et pour son droit à la liberté d’expression.
Prémunir notre société contre les passions guerrières reste un objectif essentiel, mais interdire les manifestations d’opinions sur Gaza, après 23 000 morts et 60 000 blessés, ce n’est plus possible.

Les universités aussi s’accrochent peureusement à une neutralité chaque jour plus stérile. Certes, le conflit judéo-palestinien est particulièrement clivant. Mais rendre taboue toute manifestation de rébellion face au nombre de morts et au désastre humanitaire à Gaza ne fait qu’aggraver les tensions. On ne peut plus faire l’économie d’un débat émotionnel, éthique. Pourquoi donc vouloir d’avance le rendre officiellement suspect ?

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