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La survie du néerlandais est en jeu: Flamands de Bruxelles, méfiez-vous!
10·05·23

La survie du néerlandais est en jeu: Flamands de Bruxelles, méfiez-vous!

Luckas Vander Taelen est chroniqueur et historien de Bruxelles. Il a également été actif en politique sous la bannière de Groen.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Photo de TE LUN OU YANG sur Unsplash

Si la Région de Bruxelles-Capitale venait à obtenir davantage de compétences, les Flamands de Bruxelles n’en sortiraient certainement pas indemnes, craint Luckas Vander Taelen, journaliste et ancien député flamand Groen. La capitale ne respecte toujours pas correctement les lois linguistiques de notre pays.

Il serait dommage que les responsables politiques flamands n’aient pas suffisamment prêté l’oreille au discours du ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS) samedi, à l’occasion de la traditionnelle fête de l’Iris. Peu d’entre eux avaient fait le déplacement, et les médias flamands n’ont pas vraiment fait écho aux propos du chef de l’exécutif bruxellois.

Rien d’étonnant cependant, car Vervoort n’a jamais été un grand orateur. De sa part, n’attendez ni passion, ni vision, ni inspiration. Rien que du prévisible. Autant dire que si la médiocrité avait un visage, ce serait le sien.

Vervoort s’attache à deux principes. Le premier : « Tout va très bien, madame la marquise », comme le chantonnait joyeusement un laquais à sa marquise pour éviter d’annoncer qu’il y avait le feu au château.

L’aversion des francophones pour la Flandre: le retour du péché originel

Certes, la fête d’une Région ne se prête peut-être pas aux paroles funestes. C’est probablement ce qui explique pourquoi Vervoort n’a pas voulu évoquer l’insurmontable déficit public, ni l’endettement qui explose. Ni les travaux du métro, d’ailleurs, dont personne ne semble pouvoir estimer, même approximativement, le délai ou le coût final.

Deuxième principe : « J’y suis, j’y reste » ! La semaine dernière, le ministre-président a fait savoir, après dix ans de mandat, qu’il se verrait bien rempiler après les prochaines élections. Pour cela, le PS doit demeurer le plus grand parti de la capitale, ce qui, pour un éternel optimiste de la trempe de Vervoort, relève de l’évidence.

Flamands, méfiez-vous

Si Vervoort reste à la barre quelques années de plus, nous ne devrons en aucun cas nous attendre à un grand renouveau. Pendant son discours à la fête de l’Iris, il a répété ce qu’il avait déjà dit la veille dans Le Soir, lorsque le quotidien lui a demandé si une simplification de notre lasagne institutionnelle ne serait pas souhaitable. Il n’avait malheureusement pas reconnu qu’il était temps de s’inspirer du modèle parisien et de réformer les 19 communes pour en faire des arrondissements subordonnés à la Région. Ni qu’il fallait fusionner les six zones de police ou les dix-neuf CPAS.

Sa réponse fut tout autre, et elle devrait faire sonner l’alarme dans tous les partis flamands. « Ma vision pour demain, a déclaré Vervoort, c’est moins de communautaire, et plus de régional. » Il plaide donc pour une région plus forte, mais sans diminution de l’autonomie des communes. Non, ce qu’il veut voir disparaître, ce sont les commissions communautaires, compétentes notamment en matière d’enseignement et de culture. Celles-ci avaient été imposées à la Région bruxelloise par l’ancienne structure étatique. D’après Vervoort, elles doivent leur existence à la grande méfiance, aujourd’hui révolue, entre Flamands et francophones. Les deux camps seraient désormais assez mûrs pour organiser ensemble les institutions bruxelloises.

« ’Il est aussi exceptionnel de se faire aider par la police bruxelloise en néerlandais que de se faire soigner dans sa propre langue nationale dans un hôpital de la capitale. »

Si un vieux renard comme Rudi Vervoort prêche la passion, les Flamands ont intérêt à surveiller leur basse-cour. Si l’entente s’améliore effectivement entre les deux communautés, cela ne veut pas dire que tout à coup, les lois sur l’utilisation des langues sont respectées.

Les Flamands de Bruxelles savent mieux que quiconque qu’il est aussi exceptionnel de se faire aider par la police bruxelloise en néerlandais que de se faire soigner dans sa propre langue nationale dans un hôpital de la capitale. L’enseignement des langues dans les écoles francophones n’est pas à la hauteur. Quant aux 19 communes, elles se réjouissent d’empocher les fortes sommes déboursées par le fédéral en vertu de l’accord du Lambermont de 2001 pour entretenir leur échevin flamand, mais elles ne font rien face à l’unilinguisme de leur personnel.

Les rouleaux compresseurs des fransquillons

Petit rappel historique à l’attention de Rudi Vervoort et d’autres francophones : après la Seconde Guerre mondiale, des politiques ont été menées sciemment en vue de franciser Bruxelles. Ce sont avant tout les écoles qui s’en sont chargées, par une dégradation délibérée de l’enseignement du néerlandais. Peu de jeunes Flamands bruxellois connaissent ce passé. Rappelons-leur que c’est grâce au financement flamand de l’enseignement et de la culture que leur langue n’a pas disparu sous les rouleaux compresseurs des fransquillons.

Les temps changent, mais pas la défense de la langue et de la culture. Ce serait une erreur historique de faire passer l’enseignement et la culture sous le joug de la Région, où les francophones sont majoritaires. À Bruxelles, le néerlandais a survécu grâce à la Commission communautaire flamande et à ses prédécesseurs. En cas de nouvelle réforme de l’État, les négociateurs flamands seraient bien inspirés de garder en mémoire cette leçon d’histoire.

Plus personne ne prend encore le ministre-président bruxellois au sérieux

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