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Débat sur la structure de Bruxelles : les médias francophones font la sourde oreille
05·03·24

Débat sur la structure de Bruxelles : les médias francophones font la sourde oreille

Luckas Vander Taelen est chroniqueur et historien de Bruxelles. Il a également été actif en politique sous la bannière de Groen.

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Photo de Frédéric Paulussen sur Unsplash

Plus les élections approchent, plus l’évidence s’impose : il ne faut pas attendre des francophones qu’ils s’engagent dans un débat sur les structures politiques bruxelloises. Le Soir a totalement passé sous silence — y compris dans son supplément consacré à la capitale, pourtant bien fourni — les recommandations, formulées dans un rapport de l’OCDE, préconisant de s’attaquer au problème de la lasagne institutionnelle et de transformer les communes en districts ou en arrondissements, à l’image d’Anvers ou de Paris.

Le ministre-président, Rudi Vervoort (PS), de même que son prédécesseur, Charles Picqué (PS), s’y expriment amplement sans jamais être mis à mal, tandis que les points de vue de l’opposition et des partis néerlandophones sont occultés. Le quotidien semble prendre fait et cause pour Vervoort et sa bataille contre les nationalistes flamands : vendredi, il lui a consacré un autre article, pleine page, dans lequel l’édile s’épanche sur l’usage qu’il fait de toutes ses nouvelles compétences, et affirme que les critiques flamandes à son encontre sont motivées par une volonté de régionaliser la police et la justice.

Quant à l’autre grand journal francophone de qualité, La Libre Belgique, il n’évoque les recommandations de l’OCDE appelant à une rationalisation de la Région bruxelloise que dans un bref article qui a, au moins, le mérite de permettre à Cieltje Van Achter (N-VA) de défendre l’idée d’une organisation en districts. Ce faisant, le quotidien vient paradoxalement confirmer l’impression que les néerlandophones sont les seuls à vouloir faire évoluer les institutions bruxelloises.

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Proximité

Les médias francophones continuent d’emboîter le pas aux bourgmestres dans leur axiome selon lequel seule la situation actuelle permet de garantir la « proximité » avec les citoyens. Ce qui est évidemment faux : cette proximité subsiste bel et bien dans un système d’organisation en districts. Ce n’est pas tant cette question qui préoccupe les bourgmestres que le maintien de leur pouvoir. Les journalistes francophones le savent pertinemment, mais s’abstiennent de l’écrire, de la même façon qu’ils ont longtemps évité d’aborder le sujet de l’insécurité, car cela aurait fait le jeu de la droite. Désormais, ils manifestent la même réticence à l’idée de s’en prendre aux pouvoirs établis à Bruxelles, car ils y voient la main de Bart De Wever (N-VA).

Les auteurs du rapport de l’OCDE évoquent également la Conférence des bourgmestres, l’organe informel au sein duquel se réunissent les dix-neuf coryphées communaux, qui constitue une sorte de contrepoids au gouvernement régional. Ses délibérations et décisions sont frappées du sceau du secret, la transparence n’y a pas droit de cité et ses rapports ne sont pas publics. À cela s’ajoute Brulocalis, un organe officiel chargé de défendre les intérêts des communes bruxelloises. Le rapport de l’OCDE évoque l’opportunité de fusionner les deux organismes.

Pourtant, celles et ceux qui s’informent, au sujet de Bruxelles, uniquement par l’intermédiaire des médias francophones n’ont probablement pas eu vent de cette série de recommandations. Le désintérêt porté à ce rapport s’explique sans doute par le fait qu’il a été rédigé à la demande d’un Bruxellois néerlandophone, l’ancien secrétaire d’État Pascal Smet (Vooruit).

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Enseignement

Les journalistes francophones avec lesquels nous nous sommes entretenu ont relevé que l’OCDE préconisait également le transfert des compétences communautaires vers l’échelon régional. Un tabou en Flandre, nous a-t-on affirmé. Tout comme le refus des francophones de toucher à l’autonomie des communes. Il en résulterait un meilleur équilibre et un motif supplémentaire justifiant de laisser la situation actuelle inchangée.

Cependant, il n’est pas honnête, d’un point de vue intellectuel, de mettre ces différentes sensibilités sur un pied d’égalité. En effet, les Flamands savent bien pourquoi ils ne veulent pas céder l’enseignement et la culture à la région bruxelloise : si la Flandre n’avait pas massivement soutenu ces deux secteurs, ils auraient été francisés en un rien de temps. À Bruxelles, les responsables politiques francophones ne se sont jamais intéressés à d’autres langues que la leur — en témoigne le niveau lamentable de l’enseignement des langues dans les écoles francophones, tout comme le non-respect des lois linguistiques.

Or, la refonte des structures politique est dans l’intérêt de tous les Bruxellois. Pourquoi les médias de la capitale ne s’interrogent-ils jamais sur le caractère excessif du nombre de mandataires — ils sont un millier ? Ou sur la surpopulation des cabinets politiques — de véritables machines à embaucher ?

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Carbeek

La petite métropole de 1,2 million d’habitants qu’est devenue Bruxelles mérite une autre structure que celle donnant la possibilité à chaque baronnie communale de mettre des bâtons dans les roues des autorités régionales. À cet égard, Schaerbeek a, la semaine dernière — une fois de plus —, montré l’exemple à ne pas suivre.

La commune a introduit un recours contre un projet de la région visant à réaménager le boulevard Lambermont. Notoirement chargée, cette voie s’apparente depuis des décennies à une autoroute urbaine des plus dangereuses. La région souhaite réduire le nombre de bandes de circulation, végétaliser l’espace, mettre en place des pistes cyclables et élargir les trottoirs. Mais les autorités communales ne l’entendent pas de cette oreille : elles s’opposent à la fermeture d’une voie d’accès au boulevard. Car la voiture reste reine à Schaerbeek, surtout à l’approche des élections. Pourtant, la situation y est à ce point déplorable qu’elle a valu à la commune le sobriquet de « Carbeek ».

Cette résistance met en péril tout le projet de la région pour le boulevard Lambermont. Son report, inévitable, risque du reste de se traduire par la perte de fonds européens. À l’instar d’un certain nombre d’autres communes, Schaerbeek a déjà fait savoir, par le passé, qu’elle comptait renvoyer aux calendes grecques le plan régional de mobilité.

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Paralysie

La coexistence de dix-neuf communes autonomes et d’un gouvernement régional provoque une paralysie. La seule solution consiste à calquer l’organisation de Bruxelles sur le modèle parisien : le conseil municipal y chapeaute les vingt arrondissements, qui restent compétents pour les questions qui touchent à la proximité avec les citoyens. Mais les grandes lignes sont définies à l’échelon supérieur et les maires d’arrondissement ne peuvent pas se mettre en travers de ces projets, contrairement à ce que l’on observe à Bruxelles.

Le fait que les francophones continuent de considérer que la promotion de cette transformation logique s’inscrit dans une stratégie des nationalistes flamands, plutôt que d’y voir un préalable évident à la bonne gouvernance de la capitale, s’apparente peu à peu à de l’obstination partisane.

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