Le patron de la VRT, Frederik Delaplace, s’attaque aux opérations de sabotage venues de l’intérieur. En cause : des fuites à répétition. Ceux qui seront démasqués prendront la porte, prévient-il. Seul le service de presse est désormais autorisé à communiquer avec l’extérieur au sujet du radiodiffuseur public. Les employés, quant à eux, doivent s’en tenir à un mot d’ordre : « pas de commentaires ». C’est ce qu’il ressort d’un courriel envoyé par le dirigeant aux membres du personnel… qui a lui-même fuité.
Toutes les trois semaines, Frederik Delaplace rédige un billet à l’intention des membres du personnel de la VRT. Mais celui de lundi dernier a très vite provoqué une déflagration dans les locaux du boulevard Reyers. « Pas de commentaires », le titre choisi par le patron du radiodiffuseur, fait référence non pas à la première moitié de sa communication, dans laquelle il revient sur les bons chiffres de l’entreprise, mais à la nouvelle stratégie de communication qu’il entend imposer au personnel. « Nous sommes très exposés et notre réussite fait des envieux », écrit le dirigeant. « Il est donc important que le récit que nous livrons au reste du monde reste clair et cadré. Le service communication a mis au point une stratégie bien définie en ce sens, mais elle ne peut porter ses fruits que si nous cessons de nous mettre des bâtons dans les roues. »
Mettre fin aux fuites sur-le-champ
Frederik Delaplace vise notamment, par ces propos, des déclarations inconsidérées aux journalistes, la divulgation d’informations confidentielles et certains messages publiés de manière irréfléchie. Le moment choisi pour ce rappel à l’ordre ne doit rien au hasard : voilà plusieurs mois que la VRT est prise dans la tourmente. Il y a d’abord eu le vaste plan de licenciement, aussi vaste qu’inattendu, puis l’externalisation du feuilleton « Thuis », confié à une société de production privée pour des raisons d’économies, sans compter le démantèlement complet des rédactions régionales de Radio 2 et les erreurs de communication concernant le dossier des contrats d’exclusivité. Sur tous ces sujets, il y a eu des fuites. Frederik Delaplace entend y mettre fin sans plus tarder. Il l’avait d’ailleurs déjà fait savoir lors d’une réunion rassemblant les 40 plus grandes figures de la VRT. « Il faut que les fuites d’informations cessent. Je chercherai à savoir qui en est à l’origine et ceux qui seront démasqués prendront la porte », avait-il alors affirmé sur un ton péremptoire.
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Dans son message au personnel (qui a lui-même fuité), Frederik Delaplace se montre déjà moins catégorique. « J’ai demandé à l’équipe chargée de la communication d’actualiser les directives à ce sujet une nouvelle fois et de vous les transmettre. Une fois que ce sera fait, nous veillerons à ce qu’elles soient strictement appliquées. Voici d’ores et déjà une règle d’or : les communications au sujet de la VRT doivent impérativement émaner du service communication ou passer par celui-ci. Pour tous les autres cas, voici le mot d’ordre : pas de commentaires. »
Le porte-parole de la VRT, Bob Vermeir, est désormais, plus que jamais, la seule personne habilitée à s’exprimer au nom du radiodiffuseur public. « Dans toute entreprise, il est parfaitement normal que seuls les porte-paroles répondent aux questions des journalistes », explique le directeur. « Les critiques internes peuvent toujours être discutées en interne. Le Code d’intégrité stipule clairement que les salariés ne doivent pas causer de tort à leur employeur. Il en va ainsi dans toutes les sociétés. »
Colère des syndicats
Les syndicats de la VRT dénoncent la démarche de Frederik Delaplace. Sur place, les employés l’assimilent à la mise en place d’une interdiction de s’exprimer, explique Wies Descheemaecker, syndicaliste CGSP. « Outre la loyauté envers le radiodiffuseur en tant qu’institution, il y a aussi le droit à la liberté d’expression et le devoir d’intervenir si les choses tournent mal. La VRT ne peut s’améliorer et se renforcer que si nous pouvons continuer à mener une réflexion critique et à exprimer nos pensées. Depuis les licenciements de l’année dernière et la privatisation de “Thuis”, il règne une culture de la peur dans l’entreprise. Nous nous opposons à l’idée que toutes les communications de la VRT doivent passer par le projet concocté par le service communication. »
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