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Coupe du Monde: que le meilleur gagne… tant que ce n’est pas la France!
07·12·22

Coupe du Monde: que le meilleur gagne… tant que ce n’est pas la France!

Le journaliste wallon bien connu qu’est Christophe Deborsu évoque dans sa chronique des grandes et petites choses de la vie politique au sud de notre pays.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

VIRGINIE LEFOUR (BELGA)

Auteur⸱e
Maxime Kinique
Traducteur Maxime Kinique

« Quelle équipe allez-vous encourager maintenant que les Diables rouges sont éliminés ? Tous les adversaires de la France, évidemment ! » Ce tweet abondamment partagé en Belgique francophone illustre le nouvel objectif d’une majorité de Wallon·nes : voir la France perdre ! Sans doute toutes ces personnes pensent-elles qu’exprimer des souhaits négatifs est la meilleure manière d’exorciser les émotions négatives générées par notre désillusion qatarienne. Moins fois moins égale plus : nous avons tou·tes appris cela sur les bancs de l’école primaire !

La rivalité avec nos voisins d’outre-Quiévrain prend des proportions inquiétantes. Je travaille depuis des années avec Laurent, un caméraman français. Celui-ci rit de plus en plus jaune lorsque nous interrogeons des gens en rue sur le football. Voici peu, je leur demandais encore s’ils pensaient que la Belgique remporterait la coupe du monde.

En sport plus encore qu’en politique, une semaine est une éternité. Les personnes interrogées ont répondu pour la plupart par la négative, avant d’ajouter spontanément : « J’espère surtout que les Français ne deviendront pas une nouvelle fois champions du monde. Ils sont trop sûrs de gagner. Et ce Mbappé est d’une telle arrogance lorsqu’il marque ! » « Si la France gagne le tournoi, je n’irai plus y passer mes vacances. Je vois d’ici les regards condescendants des Français : non merci (note du traducteur : en français dans le texte) ! », a même lâché d’une d’elles.

On parie que le football survivra à une interdiction de la pub pour les jeux de hasard ?

Première réflexion : il semble que le football soit le dernier sujet de conversation où l’on peut dire des choses blessantes à propos d’autrui sans que cela soit considéré comme socialement inacceptable. Exutoire utile ou signe qu’il est temps que le ballon rond ait son mouvement #metoo ? Je vous laisse juger par vous-même.

Deuxième considération : mon collègue Laurent me fait remarquer que les Français et Françaises de Belgique n’osent plus montrer le drapeau de leur pays. « Je dois être de plus en plus sur mes gardes avec mes voisin·es, a fortiori lorsqu’il est question de football. Cette aversion devient déplaisante : nous, on les aime bien, les Belges ! »

Cette animosité franco-belge est loin de dater d’hier. Au dix-neuvième siècle, l’empereur français Napoléon III – le neveu de Napoléon Ier – voulait conquérir le jeune pays qu’était alors la Belgique. Si nous avons créé des héros tels que Tijl Uilenspiegel, c’est-à-dire des Belges ayant souvent des racines flamandes, c’est parce nous voulions nous démarquer des Français.

« De nos jours, le football détermine notre identité sociale, et même notre estime de soi, mais tout cela ne va-t-il pas trop loin ? »

Le contentieux historique entre les deux nations s’est également nourri du discours prononcé en mai 1940 par Paul Reynaud, alors Premier ministre de la France, qui accusait les Belges de trahison après leur capitulation. À la suite de cette allocution, des réfugiés belges allaient être mal accueillis en France. Ce qui irrite également les Wallons, c’est le fait que les Belges sont devenus la cible privilégiée des moqueries des humoristes français à partir des années 1970. Le Belge, à l’époque, était comme ce cousin moins doué dont on se paie un peu trop facilement la tête. C’est du passé, certes, mais cet épisode a laissé des traces.

Beaucoup de gens espéraient que « nos Diables » vengeraient toutes ces frustrations, mais la vérité du terrain en a décidé autrement : les Bleus nous ont damé le pion tant lors du Mondial 2018 que lors de la Ligue des nations 2020-2021, chaque fois au stade des demi-finales, et je ne dois pas vous rappeler ce qui vient de se passer au Qatar. Nous qui rêvions de donner la leçon à notre grand voisin, nous voilà donc redevenus « les petits Belges » !

Ce retour sur terre est difficile à digérer, et il le serait encore davantage si nos voisins devaient décrocher une troisième étoile le 18 décembre. Dans le cas contraire, nous ne manquerions pas de fêter l’échec des Français avec autant de ferveur que si nous avions nous-même gagné la finale. De nos jours, le football détermine notre identité sociale, et même notre estime de soi, affirme la sociologue wallonne Jessica Morton. Je suis moi aussi un grand amateur de football, mais je m’interroge : tout cela ne va-t-il pas trop loin ?

Les prochaines élections en Belgique vont-t-elles ressembler aux présidentielles françaises ?

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