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Tourisme à Ostende : bras de fer entre promoteurs immobiliers et habitants
17·07·23

Tourisme à Ostende : bras de fer entre promoteurs immobiliers et habitants

Cet article a été publié au départ dans le magazine Imagine le monde demain en mai 2022. Notre rédacteur en chef adjoint, Aubry Touriel, y rédige des articles sur la Flandre.

Temps de lecture : 4 minutes
Aubry Touriel
Auteur

Ostende, la Reine des Plages, a des allures d’empire pour promoteurs immobiliers. Les symboles architecturaux sont en péril pour le confort des touristes, mais c’était sans compter la révolte des riverains.

Quai Hendrik Baels, Ostende. À l’époque, l’industrie de la pêche était encore florissante. Depuis, les activités maritimes ont presque toutes déserté. Les entrepôts cèdent leur place à des tours d’appartements luxueux. Les rez-de-chaussée sont occupés par des restaurants chics, un décorateur d’intérieur ou une agence immobilière.

Mais cette expansion de résidences secondaires se limite au numéro 27 du quai, pour l’instant. C’est le siège du bâtiment de O666, un « hub social circulaire ». Acheté pour un euro symbolique par la Société publique des déchets de la Région flamande (Ovam), l’édifice tranche avec les constructions clinquantes qui se multiplient sur le quai.

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« La frustration est palpable parmi les habitants du coin », constate Philippe Martens, coordinateur en économie circulaire d’o666. « La ville a beaucoup investi dans ce nouveau quartier dont 80 % des habitants sont des résidents secondaires. En semaine, vous avez l’impression d’être dans un quartier fantôme. Même la supérette a fait faillite. »

Déchets plastiques transformés en frisbees

Situé juste à la frontière entre les « nouveaux » et les « anciens » habitants du quartier, O666 est un espace de rencontre, mais avant tout, c’est un hub social circulaire, précise Philippe Martens : « Nous collaborons avec de nombreuses organisations. Nous upcyclons par exemple les déchets plastiques récoltés par Proper Strand Lopers pour les transformer en frisbees ou en pots de fleurs. »

Les « marcheurs des plages propres » visent à sensibiliser au problème des déchets notamment sur les plages. « Nous essayons de faire évoluer les mentalités en permettant aux gens de se rendre compte par eux-mêmes du problème », peut-on lire sur leur site.

« À Ostende, on passe de 77.000 habitants en hiver à près de 400.000 visiteurs lors des jours de grande affluence en été. »

En publiant des photos d’actions de nettoyage dans le groupe Facebook, d’autres personnes sont encouragées à faire de même. L’organisation compte plus de 7000 membres sur la page, et 400 bénévoles ramassent chaque jour des déchets sur les plages belges. Et les quantités récoltées sont hallucinantes : 94.595 litres de déchets sur toute la côte en 2022. Les pics sont évidemment enregistrés en été, lors de la haute saison.

À Ostende, on passe de 77.000 habitants en hiver à près de 400.000 visiteurs lors des jours de grande affluence en été. « Ostende est l’une des rares villes balnéaires dont les plages sont situées à 200 mètres d’une gare. Les trois premières plages sont les plus touchées. Les touristes viennent et repartent en laissant leurs crasses derrière eux », témoigne Philippe Martens.

Chaque été, Proper Strand Lopers organise une action en exposant de gros cylindres transparents remplis de déchets en tout genre : cannettes, jeux de plage, mégots… Impossible de les louper. Et, malgré tout, la lutte contre les déchets semble sans fin.

« De Lange Nelle is van uus »

Tout au bout du quai Hendrik Baels, direction la mer, le Lange Nelle surplombe les nouvelles tours d’appartements. Inscrit au patrimoine, ce phare symbolique d’Ostende était au centre d’un scandale en février. Le promoteur d’un ensemble immobilier de haut standing avait alors obtenu des autorités l’extinction partielle du phare pour ne pas déranger les nouveaux propriétaires.

L’esprit de rébellion anime néanmoins toujours cette zone d’anciens pêcheurs. « Les réactions ont fusé, se souvient Philippe Martens. Le phare n’est pas seulement là pour les pêcheurs et le transport maritime, il a une valeur émotionnelle pour les habitants. »

Inge, la barmaid de O666, montre un galet venu de la plage. Sur la face avant, on y voit le Lange Nelle peint à la main. À l’arrière : l’inscription « Nelle is van uus », qu’on pourrait traduire par « Le Nelle est à nous ». C’est un.e artiste ou un collectif anonyme qui a peint les galets pour ensuite les déposer sur les appuis de fenêtre des habitations de tout le quartier.

« Ça a un peu des allures de Banksy. Il ou elle a mis énormément d’efforts. C’est vraiment un manifeste pour montrer qu’on ne joue pas avec nos pieds », commente Philippe Martens.

Face à la pression, le bourgmestre et le ministre flamand en charge du patrimoine ont fait retirer les papiers qui recouvraient certaines vitres du phare. On ne touche pas au Lange Nelle.

Reizen naar Morgen

Allier les envies d’expansion du secteur touristique et les intérêts des habitants locaux, une équation difficile. C’est justement l’un des objectifs de « Reizen naar Morgen » « Voyager vers demain », projet du gouvernement flamand pour promouvoir le tourisme durable.

Willem De Graeve, coordinateur de Reizen naar Morgen, constate que l’industrie du tourisme a changé : « Elle a longtemps eu comme seul objectif d’augmenter le nombre de touristes chaque année. Maintenant, il y a des villes comme Venise ou Barcelone où les habitants deviennent hostiles aux touristes. En Flandre, ce n’est pas encore le cas, 70 % des Brugeois semblent par exemple encore favorables au tourisme, mais ça peut vite changer. »

C’est dans ce contexte que Toerisme Vlaanderen et le secteur ont développé la vision Reizen naar Morgen en 2018. Le mot « croissance » a laissé la place à « valeur ajoutée », qui doit prendre en compte quatre éléments : « Les touristes eux-mêmes et les entrepreneurs ou tous ceux qui gagnent leur vie grâce au tourisme. L’endroit doit aussi être respecté et surtout il ne faut pas oublier les habitants », résume Willem De Graeve.

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Depuis un an, le responsable de Reizen naar Morgen constitue un réseau d’acteurs dont les membres s’engagent à mettre en pratique cette vision de tourisme durable. Même si son lancement officiel n’aura lieu que le 22 juin, des projets-pilotes ont déjà vu le jour en Flandre.

Par exemple, le pêcheur ostendais Willy Versluys a restauré De Crangon, l’un des plus anciens bateaux de pêche en bois de Belgique. Deux fois par semaine, d’anciens pêcheurs y emmènent des visiteurs en mer du Nord. Ils apprennent à pêcher la crevette de manière authentique. Ils aident à trier les crevettes et reçoivent un cours d’épluchage pour les nuls.

Pendant que les pêcheurs ramassent les crevettes dans leurs filets, les chantiers des promoteurs immobiliers vont bon train. « En septembre, ils vont construire un tour de 7 étages juste à côté de ce mur, littéralement contre cette brique. C’est le dernier bâtiment qu’ils peuvent construire dans cette zone », assure Philippe Martens de O666.

La ville d’Ostende doit encore déterminer l’affectation de la zone à laquelle appartient O666. « Par crainte des critiques, la ville ne voudra certainement pas que ce quartier devienne entièrement résidentiel. Ils sont en train d’organiser des rencontres avec les habitants et des experts pour déterminer la fonction idéale de ce quartier. » Avant de conclure : « De notre côté, notre contrat dure jusqu’à fin 2025. Nous sommes assurés de rester au moins jusque-là ! »


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