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Le féminicide n’est pas toujours synonyme de misogynie
03·11·22

Le féminicide n’est pas toujours synonyme de misogynie

L’auteure et philosophe Griet Vandermassen publie toutes les deux semaines une chronique dans le quotidien De Standaard.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Photo by Eric Ward on Unsplash

Auteur⸱e
Virginie Dupont
Traductrice Virginie Dupont

La Belgique va enfin collecter des données statistiques sur le nombre de féminicides et de victimes de meurtre au sein d’une relation de couple. Les femmes sont les principales concernées. On dénombre en moyenne 30 féminicides par an, selon un collectif féministe qui les recense dans notre pays depuis 2017. Ainsi, tous les 12 jours, une femme meurt chez nous sous les coups de son (ex-)partenaire.

La violence mortelle à l’égard des femmes constitue un problème mondial. La féministe sud-africaine Diana Russell a introduit en 1976 le mot-valise « féminicide ». Ce terme a fait une percée internationale, de même que l’interprétation donnée par son autrice : un crime de haine contre les femmes. Il s’agit de « la forme la plus extrême de la violence à l’égard des femmes : le meurtre de femmes parce qu’elles sont des femmes », écrit le Conseil des femmes dans son dossier sur le sujet. Cette définition ne cessera jamais de m’étonner. Si « être une femme » était le mobile principal, les hommes choisiraient leurs victimes au hasard et continueraient de tuer. Une explication en termes de misogynie ou de sexisme structurel ne permet pas de détecter les facteurs de risque. Quelles femmes risquent le plus d’être tuées par leur partenaire ? C’est la perspective laissée à notre appréciation.

Interpréter d’office le féminicide comme une manifestation de misogynie est aussi simpliste que de voir une marque de misandrie dans la violence mortelle entre les hommes. Dans le monde entier, les deux genres sont victimes de manière disproportionnée de certaines formes de violence. Le meurtre dans un contexte romantique touche surtout les femmes, alors que l’homicide involontaire commis par un partenaire sexuel concerne avant tout les hommes. Ce constat nous indique seulement que la violence a une dimension de genre. Il ne nous informe pas sur ses causes.

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La recherche empirique a néanmoins révélé des facteurs de risque pour le féminicide. Le Conseil des femmes en a dressé la liste : au niveau familial, il s’agit d’antécédents de violence de l’auteur, de la présence d’un enfant issu d’une relation antérieure (enfant non biologique de l’auteur), de l’éloignement de la partenaire et d’une séparation. La semaine dernière, un événement survenu à Bruxelles a illustré ce danger de manière tragique. Une jeune Espagnole a été poignardée à mort par son ex-compagnon après avoir refusé de le suivre en Espagne. « Si je ne peux pas t’avoir, alors personne ne t’aura. » Pourquoi cette logique est-elle manifestement étrangère aux femmes ?

« Interpréter d’office le féminicide comme une manifestation de misogynie est aussi simpliste que de voir une marque de misandrie dans la violence mortelle entre les hommes. »

Les psychologues évolutionnistes canadiens Margo Wilson et Martin Daly font figure de pionniers dans ce domaine. L’agressivité parfois mortelle des hommes envers leur partenaire reflète une possessivité sexuelle masculine évolutionniste, écrivent-ils dans « Homicide », leur livre de 1988 devenu un classique. À travers les cultures, le meurtre d’une partenaire est généralement une réponse masculine à une infidélité sexuelle (réelle ou imaginaire) ou à une rupture à l’initiative de la femme. Contrairement à une femme, un homme n’est jamais sûr qu’un enfant soit le sien. Les sentiments de jalousie intense et de ressentiment face à d’éventuels signes d’adultère, ou à son intention de le quitter, sont des solutions évolutionnistes pour éviter d’être trompé et perdant dans la compétition sexuelle entre mâles.

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Cette possessivité se manifeste par des pratiques diverses sur le plan culturel qui se fondent sur la même essence : la femme est considérée comme la propriété de l’homme. Dans de nombreuses cultures, un père offre sa fille en mariage. Dans beaucoup d’autres, les hommes achètent une épouse et peuvent prétendre à un remboursement en cas d’infertilité. Ils font l’acquisition de la capacité de la femme à se reproduire. Plus elle est jeune, plus elle coûte cher. L’adultère est criminalisé à travers les époques et les cultures dans le chef des femmes, mais pas des hommes. Souvent, le mari trompé a droit à une compensation ou à une vengeance violente pour vol de son bien.

« Le fait qu’une femme soit plus exposée après une rupture montre que ce genre de menace n’a rien de paroles en l’air. »

Certaines cultures encouragent ou punissent l’agression masculine aux fins de contrôler une partenaire. L’Europe est le continent où le risque est le plus faible (0,7 cas pour 100 000 femmes). Mais ce chiffre cache un nombre bien plus important de victimes de violences qui, sans être fatales, sont suffisamment graves pour réfléchir à deux fois avant de mettre le nez dehors en minijupe. La menace crédible de mort violente est un moyen de contrôle très efficace, comme l’indiquent Wilson et Daly. Le fait qu’une femme soit plus exposée après une rupture montre que ce genre de menace n’a rien de paroles en l’air.

Pour comprendre le féminicide, il ne suffit pas de faire référence aux structures patriarcales, et encore moins à la misogynie. La psychologie masculine évolutionniste fait partie du puzzle. En tenir compte pose plus de défis, mais se révèle potentiellement bien plus riche.

Mesdames, ne vous laissez plus museler dans la sphère publique

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