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La Wallonie est-elle en passe de surmonter son handicap linguistique?
04·10·22

La Wallonie est-elle en passe de surmonter son handicap linguistique?

Chaque lundi, le journaliste francophone Alain Gerlache analyse l’actualité politique dans sa chronique pour le quotidien De Morgen.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Photo by Taylor Flowe on Unsplash

Auteur⸱e
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

L’année scolaire 2020-2021 a vu pour la première fois, dans le premier degré du secondaire, davantage d’élèves choisir l’anglais comme première langue étrangère plutôt que le néerlandais. Ce constat ressort des statistiques publiées par l’administration de la Communauté française.

C’était une première. Jusqu’alors, l’obligation d’apprendre le néerlandais en Région de Bruxelles-Capitale avait permis de masquer le recul constant de l’apprentissage de la langue de Vondel en Wallonie. En effet, à peine 32 pour cent des élèves wallons choisissaient le néerlandais. Autre chiffre frappant : en 2020-2021, 28 pour cent des élèves wallons n’avaient jamais suivi la moindre heure de néerlandais à l’école.

Cette situation est dénoncée depuis longtemps dans divers cercles, notamment économiques. Elle engendre effectivement un handicap linguistique alors même que le taux d’emploi en Belgique francophone reste à la traîne. Pendant les négociations de formation du gouvernement de la Communauté française avec le PS et le MR, Ecolo avait plaidé pour l’obligation d’apprendre le néerlandais comme première langue étrangère en Wallonie, comme à Bruxelles. Les verts ont cependant dû se contenter d’une promesse d’un « large débat » sur la question.

« Les Wallons ne méprisent pas le néerlandais, ils ont juste peur »

Assistons-nous à un retournement de situation ? La semaine passée, le quotidien La Libre a annoncé que Caroline Désir, ministre francophone de l’Éducation, était en train de préparer une note pour le gouvernement. En 2027, elle entend obliger l’apprentissage du néerlandais en Wallonie dès la troisième primaire, et de l’allemand dans certaines communes proches de la Communauté germanophone.

« Laurette Onkelinx avait assuré en 1996 que tous les élèves francophones seraient bilingues à la fin de leurs études secondaires en… 2001. »

Les sceptiques comparent cette promesse à celle d’une autre socialiste bruxelloise, Laurette Onkelinx, qui avait assuré en 1996 que tous les élèves francophones seraient bilingues à la fin de leurs études secondaires en… 2001. D’autres voient l’initiative d’un bon œil, mais se demandent pourquoi il faudra cinq années pour mettre en œuvre la réforme.

Dans la pratique, cinq ans, ce sera trop peu, vu la pénurie actuelle de professeurs de langues étrangères dans l’enseignement francophone. Il est aussi difficile d’engager des locuteurs natifs ou des enseignants flamands, qui devraient souvent faire de longs trajets et gagner moins en Wallonie qu’en Flandre, tandis que les congés scolaires diffèrent désormais entre les deux communautés.

Faut-il obliger le jeune francophone à apprendre le néerlandais à l’école ?

De plus, il ne suffit pas que les élèves suivent des cours de néerlandais pour qu’ils deviennent bilingues. À Bruxelles, ces cours sont obligatoires, mais moins d’un jeune Bruxellois sur dix déclare connaître suffisamment le néerlandais à l’issue de ses études secondaires, comme le dévoile la dernière étude du baromètre linguistique du centre de recherche BRIO de la VUB. Sans amélioration significative des cours et de la pédagogie, les compétences linguistiques de nos élèves ne s’amélioreront en rien. De plus, tout cela coûtera beaucoup d’argent à une Communauté française qui connaît déjà de gros problèmes financiers.

Mais ce n’est pas tout. Le contexte social joue aussi un rôle : il est difficile de motiver les élèves francophones et leurs parents à apprendre la langue d’une Flandre trop souvent dépeinte par les politiques et les commentateurs comme une région d’extrême droite, raciste et nationaliste.

« Au sud du pays, on retrouve encore des traces de mépris envers le néerlandais. »

Il est inacceptable de dénoncer le séparatisme et d’appeler la Flandre à se montrer solidaire tout en refusant d’apprendre sa langue. Au sud du pays, on retrouve malheureusement encore des traces du mépris du néerlandais de la part de la vieille classe dominante francophone unitaire. Ceci explique par exemple pourquoi les chaînes de radio francophones ne passent jamais la moindre chanson en néerlandais.

Pourtant, la culture flamande n’est pas effacée dans son intégralité. J’en veux pour preuve le grand intérêt des médias francophones pour la réouverture du Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers. Certaines personnes estiment par ailleurs qu’il suffit aux Flamands et aux francophones de parler anglais pour se comprendre. Une conception pour le moins simpliste de la langue et de la culture !

La langue n’a pas qu’une fonction utilitaire. Si tel était le cas, des logiciels de traduction nous suffiraient pour communiquer. Même une connaissance passive d’une langue nous donne accès à sa culture et à la vision du monde de ses locuteurs. Car c’est bien de cela que notre pays a grandement besoin : d’empathie, de respect mutuel et d’une solidarité responsable, en dépit des évolutions institutionnelles qui arriveront tôt ou tard.

Enseignement flamand: priorité à l’anglais plutôt qu’au français?

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