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Burn-out : les responsables politiques ne sont pas épargnés
04·10·22

Burn-out : les responsables politiques ne sont pas épargnés

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

JONAS ROOSENS (Belga)

Auteur
Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

Sur ordre de son médecin, la ministre flamande du Bien-être, Hilde Crevits, 55 ans, se met en retrait de la politique pendant quatre semaines. Il est logique que les responsables politiques puissent, eux aussi, se heurter à leurs propres limites. « Mais nombre d’entre eux n’ont jamais osé le dire ouvertement. »

C’est par ces mots que la ministre flamande du Bien-être, Hilde Crevits (CD&V), a annoncé dimanche sur Instagram que, « sur ordre de son médecin », les quatre semaines à venir seraient, pour elle, consacrées à un rétablissement complet.

Samedi, la ministre a fait un malaise durant les âpres négociations sur l’élaboration du budget flamand. Mais elle a continué à suivre le dossier de près en télétravail. Et pour faire aboutir l’accord final, elle s’est même rendue spécialement à Bruxelles.

« Au début, on a du mal à accuser le coup. On se dit : ‘Pas moi, quand même…‘ »

À 64 ans, Guy Vanhengel ne s’étonne pas que ces journées mouvementées aient fait des dégâts. En 2005, le ministre bruxellois (Open VLD) s’était, en effet, lui-même heurté à ses limites. Verdict : un burn-out. Il avait repris le travail après deux mois d’absence. « J’observe le même schéma chez Hilde Crevits », explique-t-il. « Au début, on a du mal à accuser le coup. On se dit : “Pas moi, quand même…” »

Hilde Crevits ne souhaite pas, pour l’heure, en dire davantage sur ses problèmes de santé spécifique ou sur ce qui les a provoqués. Ce qui est certain, c’est que les dernières années ont été particulièrement éprouvantes pour elle sur le plan tant personnel que politique.

Une « véritable éponge à stress »

Sur le plan personnel, la ministre a déjà expliqué, à plusieurs reprises, avoir traversé une période difficile lorsque, il y a quelques années, son fils a développé un cancer du système lymphatique, dont il a heureusement guéri. L’année dernière, le père de Hilde Crevits a également été hospitalisé ; il s’est rétabli et s’est installé dans la demeure familiale de la ministre.

En mai dernier, celle-ci confiait, à l’hebdomadaire Humo, avoir été une « véritable éponge à stress », ajoutant toutefois qu’elle s’était apaisée suite à la maladie de son fils. « Je m’efforce de trouver un meilleur équilibre entre la vie familiale et le travail, c’est un sujet auquel je suis devenue plus sensible », déclarait-elle à l’époque. En 2019, elle avait ainsi quitté les négociations sur la formation du gouvernement flamand sans états d’âme pour assister au mariage de son fils.

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Sur le front politique aussi, la ministre a été confrontée à de rudes épreuves ces dernières années. Depuis la déroute du CD&V aux élections de 2019, le parti compte sur elle pour remettre le navire à flot. Malgré d’importantes pressions politiques, elle renonce à briguer la présidence du mouvement et est à nouveau nommée vice-ministre-présidente au sein du gouvernement flamand.

Mais les choses ne se passent pas sans heurts. Ses relations avec la ministre N-VA Zuhal Demir tournent rapidement au vinaigre et Hilde Crevits se retrouve sur la défensive dans le dossier de l’azote et le projet Ventilus. Parallèlement, elle constate, affligée, que l’ancien président du parti, Joachim Coens, qu’elle a accompagné vers la victoire en Flandre-Occidentale, échoue totalement à remettre le parti sur les rails. Sans compter qu’après la démission du ministre du Bien-être, Wouter Beke, elle se voit confier la tâche de reprendre un service en pleine crise.

Tout récemment, les intenses négociations sur les allocations familiales, engagées par le président de son propre parti, Sammy Mahdi, l’ont clairement poussée à bout.

Souffrir en silence

« Hilde Crevits n’est certainement pas la première responsable politique à connaître cette situation, et ce ne sera pas non plus la dernière », analyse Guy Vanhengel. « Les responsables politiques aiment tirer toutes les ficelles, mais ils sont interpellés en permanence sur toutes sortes de problèmes. Dans de telles conditions, il est important que l’esprit puisse se reposer suffisamment. Or, c’est difficile quand on vit à cent à l’heure. »

Il se souvient par ailleurs qu’à l’époque, plusieurs collègues étaient discrètement venus lui dire qu’eux aussi étaient en proie à un stress intense. « Certains d’entre eux étaient vraiment au bord du gouffre, mais n’ont jamais osé le dire ouvertement. Alors qu’il est essentiel de pouvoir en parler. »

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L’année dernière, Steve Vandenberghe, député Vooruit du Parlement flamand et bourgmestre de Bredene, avait librement évoqué son burn-out dans le Standaard. « J’ai immédiatement envoyé un message à Hilde Crevits. Elle travaille dur et, pour la connaître, je peux dire que si elle reste chez elle, ce n’est pas du cinéma. »

« Parfois, on est dans le rouge trop longtemps et trop profondément. Je pensais honnêtement que ça ne pouvait pas m’arriver. Et pourtant… »

Dimanche, des responsables politiques de tous bords ont manifesté leur soutien à Hilde Crevits. Steve Vandenberghe tient toutefois à rappeler que la politique se fait parfois du mal à elle-même, en s’infligeant des négociations nocturnes et d’interminables journées. « On oublie parfois que les responsables politiques sont des êtres humains. Le moment est peut-être venu d’engager une réflexion à ce sujet, sur une base transpartisane. »

Un combat permanent

Steve Vandenberghe et Guy Vanhengel adressent le même conseil à Hilde Crevits : prendre son temps. « Il m’a bien fallu six mois pour reprendre un rythme de travail normal », rappelle Guy Vanhengel. « J’espère qu’elle arrivera à mettre suffisamment de distance. Après mon burn-out, j’ai encore été ministre pendant dix ans et j’ai constaté qu’on peut aborder les choses différemment. »

Steve Vandenberghe, pour sa part, est toujours suivi par un médecin ; il évoque un « combat permanent ». « Hilde Crevits ne devra pas sous-estimer cet aspect lorsqu’elle reprendra le travail. Quatre semaines, ça me semble très court. »

En attendant son retour, les autres ministres CD&V se chargeront d’assumer ses fonctions. « Avec l’aide de l’ensemble du personnel du cabinet, ils mettront tout en œuvre pour que les nombreux chantiers qui sont devant nous ne souffrent d’aucun retard », précise Hilde Crevits dans son message. « J’aurais préféré que les choses se passent autrement. »

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