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La « superdiversité », ce phénomène qui redessine le paysage de la Flandre
10·02·23

La « superdiversité », ce phénomène qui redessine le paysage de la Flandre

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Photo de Justin Follis sur Unsplash

Auteur⸱e
Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

Les blancs de la classe moyenne sont loin d’être les seuls à rêver d’une vie en dehors des métropoles. L’exode urbain concerne également les personnes issues de l’immigration. Peu à peu, cette « superdiversité » se manifeste dans toute la Flandre.

Le vacarme causé par les travaux de rénovation de la Tour des Livres à Gand, le tapage des étudiants qui font la java en pleine nuit… À un moment donné, Amani El Haddad, 33 ans, et son mari en ont eu assez. Il y a quatre ans, le couple a déménagé à Bassevelde, un village de moins de 3 500 âmes situé dans le Meetjesland. « Nous avons d’abord essayé de trouver un logement à Mariakerke, mais ce n’était pas à notre portée financièrement. C’est ainsi que nous avons atterri à Bassevelde. Les prix étaient beaucoup plus accessibles ; nous avons désormais une maison spacieuse et bien isolée avec un grand jardin. »

L’histoire d’Amani, d’origine marocaine, correspond au parcours que l’on observe classiquement en Flandre : après ses études, elle est restée à Gand avec son compagnon, puis, en fin de vingtaine, le couple s’est mis en quête de contrées plus paisibles. De nos jours, ce ne sont pas uniquement les blancs de la classe moyenne qui quittent les grandes villes telles que Bruxelles, Anvers et Gand, de même que les anciennes cités industrielles comme Genk et Vilvorde. Ainsi, de larges pans de la Flandre ne cessent de gagner en diversité, selon l’étude « Atlas de la superdiversité en Flandre », menée par le bureau d’urbanisme Atelier Romain, le Centre de connaissances des sciences de la famille de la haute école Odisee et la faculté d’architecture de la KU Leuven.

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En Flandre, la diversité n’était autrefois circonscrite qu’à quelques endroits bien précis. En 1990, seuls 6,5 % des habitants de la région avaient des origines non belges. Pour bon nombre de nouveaux arrivants, les grandes villes offraient un point de chute idéal où il était possible de trouver beaucoup d’autres personnes de la même origine, les infrastructures nécessaires et des logements bon marché. Les régions limitrophes des Pays-Bas et de la Flandre, ainsi que le bassin houiller du Limbourg, comptaient également de nombreux habitants d’origine étrangère dans les années 1990.

Or, de nos jours, on dénombre plus de 180 nationalités en Flandre, et un quart des Flamands sont d’origine non belge — un chiffre qui grimpe jusqu’à trois quarts à Bruxelles. Et voilà bien longtemps que toutes ces personnes ne vivent plus uniquement dans les villes. Elles aussi rêvent d’immobilier, ont une brique dans le ventre et s’éloignent des centres urbains, explique Dirk Geldof de la haute école Odisee. « Ce phénomène s’explique en partie par l’ascension sociale. Mais une autre part de l’exode urbain est imputable à la cherté du logement et à la gentrification des villes. Les gens sont poussés à s’installer là où ils peuvent encore se le permettre. »

« Les gens sont poussés à s’installer là où ils peuvent encore se le permettre. »

Le choix du lieu où ils décident de fixer leurs pénates est essentiellement guidé par leurs moyens financiers. La périphérie bruxelloise, par exemple, est très prisée des personnes originaires de l’Union européenne, qui ont souvent un lien avec la capitale pour des raisons professionnelles. « Ceux qui ont moins de ressources migrent vers les villes de banlieue », analyse Brecht Vandekerckhove de l’Atelier Romain. Notamment à Boom, dans le pays de la Dendre (Ninove et Grammont) ou le long du canal de Charleroi, qui enjambe Bruxelles jusqu’au Rupel (Vilvorde, Drogenbos). Ces petites villes, du fait de leur passé industriel, comptent de nombreux logements ouvriers bon marché et vétustes. La population locale est pour l’essentiel très vieillissante, la classe moyenne classique en voie d’extinction. « Délaissés par les blancs de la classe moyenne, ces logements sont relativement peu coûteux. »

Dans l’ensemble, relève l’enquête, les personnes issues de l’immigration qui quittent la ville continuent de vivre dans de petites surfaces et sont souvent locataires. De manière générale, elles ont également moins accès aux espaces verts.

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Mais lorsqu’elles quittent les centres urbains, les personnes issues de l’immigration restent tout de même tournées vers leur ville d’origine. Elles se rendent ainsi au sein de leur communauté, chez leurs amis, dans les magasins où elles avaient leurs habitudes, et fréquentent leur église ou leur mosquée.

C’est le cas d’Amani El Haddad et de son mari : ils n’ont pas coupé les liens avec Gand. « Je travaille à Gand et j’aime beaucoup cette ville. Peut-être qu’un jour, nous nous en rapprocherons à nouveau. À Bassevelde, nous ne sommes pas très proches de nos voisins. On y trouve énormément de personnes âgées, souvent moins ouvertes. Ce n’est pas le même esprit, on le remarque bien. »

Les administrations locales s’inquiètent d’ailleurs de cette différence de mentalité entre les habitants installés dans la commune de longue date et les jeunes citadins issus de l’immigration. Interrogées dans le cadre de l’étude, elles affirment craindre un effet de « pompe aspirante » dans leur commune.

« Les nouveaux arrivants impulsent une nouvelle dynamique »

Les auteurs de l’Atlas précisent toutefois que la « superdiversité » est une réalité démographique et sociale qu’il est impossible de contrôler ou d’endiguer. Et soulignent qu’elle ouvre même des perspectives pour ces communes. « Les nouveaux arrivants impulsent une nouvelle dynamique », explique Brecht Vandekerckhove. « Des régions telles que le pays de la Dendre peuvent aussi en profiter : la population y est vieillissante et la classe moyenne en passe de disparaître. »

L’Atlas appelle à accueillir ces nouveaux groupes de population, à redistribuer l’espace public en fonction des besoins qui apparaissent et à organiser des rencontres. « Notre étude montre que l’accroissement de la diversité s’accompagne d’un rajeunissement de la population », analyse Dirk Geldof. « Comme le secteur compte plus d’enfants, le besoin de crèches et d’aires de jeu se fait plus important. Idem pour les transports publics, les espaces verts et les commerces. Que ce soient les habitants plus âgés ou les jeunes familles issues de la diversité, tout le monde a besoin d’une boulangerie ou d’une épicerie de quartier. »

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