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Pourquoi De Wever préférerait gouverner avec les Verts plutôt qu’avec le VB à Anvers
21·12·23

Pourquoi De Wever préférerait gouverner avec les Verts plutôt qu’avec le VB à Anvers

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

BELGA / JONAS ROOSENS

Auteur⸱e
Maxime Kinique
Traducteur Maxime Kinique

Tous les doigts accusateurs ou presque, y compris en interne, sont pointés sur lui : de l’avis unanime, Filip Dewinter (Vlaams Belang) est l’homme qui a laissé pourrir « le problème Frank Creyelman » au sein du parti. La « bande d’Anvers » (surnom donné par certains membres du parti à Dewinter et à ses fidèles) autour de Dewinter constitue depuis longtemps une épine dans le pied du président Tom Van Grieken, qui aimerait former une coalition avec la N-VA de Bart De Wever en Flandre. Car c’est Anvers qui détient la clé d’une telle alliance. « Filip pourrait faire un pas de côté par amour du parti, mais son narcissisme a toujours été plus fort », analyse-t-on au sein du Vlaams Belang.

Le nom de Filip Dewinter est cité de manière persistante dans l’affaire qui concerne Frank Creyelman, cet homme qui a travaillé des années pour le compte des services de sécurité chinois. Le week-end dernier, Creyelman a menacé d’entraîner d’autres membres du Belang dans son sillage : son frère Steven, aujourd’hui député à la Chambre des représentants, et Dewinter himself, le grand chef du clan d’Anvers.

Steven Creyelman a ainsi posé plusieurs questions qui n’ont pas manqué de surprendre à la Chambre. Il s’en est pris subitement à l’opposition à Hong Kong, allant jusqu’à qualifier le mouvement Hong Kong Indigenous d’ « organisation qui se rend coupable d’actes de violence d’inspiration politique à l’encontre des autorités chinoises ». Ses questions parlementaires sont pour ainsi dire identiques à celles d’un député de l’AFD en Allemagne, Stefan Keuter, dont le nom a également été cité dans l’enquête sur l’ingérence chinoise. On relèvera par ailleurs qu’une certaine Anke Van dermeersch (Vlaams Belang), connue elle aussi pour être une proche de Dewinter, a également posé ce genre de questions « positives » au sujet de la Chine au Parlement flamand, déclarant notamment que « la Flandre n’a pas à se mêler de la cuisine interne de la Chine ».

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Le fait que le nom de Dewinter apparaisse dans ce dossier n’a rien de surprenant puisque c’est sous sa férule que Creyelman a pu prendre du galon pendant des années. « Disons que Dewinter abritait dans son ombre plusieurs personnes qui lui sont restées loyales sans jamais constituer pour lui une quelconque menace politique », analyse-t-on au sein du Belang. L’Anversois possède une longue liste de contacts avec des régimes étrangers sulfureux. Outre ses relations avec la Syrie de Bachar al-Assad, Dewinter est souvent en rendez-vous avec des diplomates russes et entretient des liens avec le régime de Vladimir Poutine. Le nom de Dewinter est également mentionné dans un rapport de la Sûreté d’État en raison de ses relations avec Shoa Changchun, un espion chinois qui avait créé une « asbl culturelle » en Flandre dans le but de faire de l’ « ingérence ».

Le « facteur Dewinter »

L’affaire revêt une grande importance politique. Au sein du Vlaams Belang, on est bien conscient que Dewinter reste un obstacle en vue de la formation d’une coalition avec la N-VA en Flandre. « L’affaire Creyelman s’est plus ou moins bien terminée, mais cela fait bien longtemps que Dewinter et les personnes qui gravitent autour de lui sont tombées en disgrâce dans leur parti. Van Grieken a eu la peau de Creyelman en plusieurs étapes. Une exclusion de Dewinter du parti est la dernière phase du processus », concède-t-on en interne.

De Wever lui-même a déjà déclaré à plusieurs reprises que Van Grieken « doit mettre de l’ordre dans son parti ». À ce propos, le bourgmestre d’Anvers ne manque jamais de citer des noms tels que ceux de Dewinter et de Sam Van Rooy, qui côtoie Dewinter au Parlement flamand et au conseil communal anversois. Durant tout le week-end dernier, la N-VA a seriné un message clair : « Nous ne sommes pas du tout surpris et ce n’est que le sommet de l’iceberg. »

Dans les hautes sphères du Vlaams Belang, on reconnaît que c’est un point faible dans l’optique de la prochaine campagne électorale. « Par amour pour le parti, Filip pourrait effectuer un pas de côté et compliquer ainsi sérieusement les choses pour De Wever. Mais son amour de soi a toujours été plus fort que son amour pour le parti », indique-t-on non sans finesse. « L’heure n’est pas à éjecter Dewinter sans autre forme de procès, à créer un schisme avec lui », concède un cadre du Belang. « Van Grieken est un homme honnête sur le plan psychologique et l’électeur le ressent également. Il connaît la musique, mais il est et reste loyal à Dewinter, l’un de ses grands maîtres en politique. »

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Coalition miroir

Le Vlaams Belang a effectué un choix tactique. Dewinter n’est plus tête de liste au niveau national et se tient « tranquille » d’un point de vue politique, mais il sera une fois de plus le chef de file à Anvers. « Ce statut lui a une nouvelle fois été conféré parce qu’il n’y avait pas d’alternative. Sam Van Rooy est davantage un acteur de niche qu’un leader. Et Van Grieken lui-même doit éviter de se brûler à Anvers et continuer de tirer le parti au plan national », indique-t-on en interne.

Les partis qui, demain, ambitionneront de former une coalition avec la N-VA en Flandre n’ont pas besoin d’une boule de cristal pour savoir que la matérialisation de cette ambition passera également par l’hôtel de ville d’Anvers. Le plan A de De Wever consiste à former des coalitions plus ou moins miroir aux niveaux régional et communal, qui sont essentiels pour lui. Et c’est précisément là que le bât blesse, tant la N-VA est loin d’envisager une collaboration à Anvers avec Dewinter « et toute sa clique ».

« De Wever veut imprimer sa griffe sur Anvers en tant que bourgmestre, comme le légendaire Jan Van Rijswijck l’a fait pendant dix-huit ans. »

Les racines de cette aversion remontent loin dans le temps, à l’époque de la Volksunie, lorsque Dewinter a diffusé des photos du jeune De Wever avec Jean-Marie Le Pen. Récemment, le bourgmestre d’Anvers a été la cible d’attaques sur le site web ‘t Scheldt, que la N-VA attribue au clan Dewinter. Ces précédents rendent toute collaboration impossible. À choisir, De Wever et ses coreligionnaires préféreraient encore gouverner avec les Verts, quand bien même une telle coalition générerait chez eux beaucoup d’amertume. L’analyse est la même du côté du Vlaams Belang. « De Wever veut imprimer sa griffe sur Anvers en tant que bourgmestre, comme le légendaire Jan Van Rijswijck l’a fait pendant dix-huit ans. Pour cela, il n’a guère d’autre option que de former une coalition à sa gauche, ce qui correspond également à la réalité démographique des électeurs. Nous avons compris depuis longtemps que nous n’aurons pas voix au chapitre. »

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