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Pour Bart De Wever, la chasse aux « wokistes » l’emporte sur la lutte contre les narcotrafiquants
04·04·23

Pour Bart De Wever, la chasse aux « wokistes » l’emporte sur la lutte contre les narcotrafiquants

Bruno Struys est journaliste pour le quotidien De Morgen.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

TOM GOYVAERTS (BELGA)

Auteur⸱e
Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

Anvers est devenue synonyme d’explosions. Le matin, les habitants de la ville se réveillent au son des détonations, tandis que ceux qui n’y vivent pas en entendent parler aux informations. Aucune de ces deux situations n’est enviable.

Les Anversois aiment certes être au centre de l’attention, mais certainement pas de cette façon. Au lever, ils en sont désormais réduits à se demander dans quelle rue les choses auront mal tourné.

Samedi dernier, c’est dans l’Osystraat, en plein centre de la ville, à côté de la Rooseveltplaats, qu’une bombe a éclaté. Car voilà déjà quelque temps que le rayon d’action des narcotrafiquants ne se limite plus aux quartiers du nord de Deurne ou de Borgerhout. Récemment, même la ville de Malines a connu une série d’attaques à l’explosif.

Et ce sont d’innocents citoyens qui en font les frais. Souvent, la cible de l’attentat ne fait même pas partie de la mafia de la drogue : les familles des suspects sont également visées. Parfois, les dégâts vont au-delà du matériel, comme l’a montré le décès de Firdaous, une fillette de 11 ans tuée dans une fusillade.

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Face à ce déversement de violence, les réactions de nos dirigeants laissent un arrière-goût amer. La ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V), a ainsi appelé à « poursuivre sur la voie engagée ». Une déclaration qui peut sembler étrange de prime abord, car on ne peut pas vraiment dire, ces derniers temps, que les choses avancent dans la bonne direction. Quand l’entraîneur d’une équipe sportive remporte un match 4 à 0, il est fondé à continuer sur la même voie. Quand il vient de se prendre une raclée, en revanche, il ferait mieux de revoir sa stratégie de jeu.

La ministre a précisé son propos par la suite : il faut renforcer les effectifs de la police judiciaire fédérale et de la police de la navigation. Mais comme le recrutement est toujours en cours, les effets de cette mesure ne se feront sentir que plus tard. On croirait entendre le slogan cher à Vincent Kompany : trust the process.

« Le bourgmestre de la ville, Bart De Wever, a réagi comme à son habitude, en dénonçant l’absence d’initiatives des autres responsables. »

Selon l’auteur franco-libanais Amin Maalouf, toutes les violences naissent de la crainte. Ce précepte serait-il également applicable à notre cas ? Les auteurs de l’attaque ont pris pour cible la maison de famille d’un suspect figurant dans un important dossier lié à l’affaire Sky ECC appelé à être porté devant le tribunal correctionnel d’Anvers. Ont-ils peur ? Certaines voix, au sein de l’appareil judiciaire, affirment en effet que la percée réalisée dans le cadre de cette affaire est à l’origine d’une grande partie des épisodes de violences liées au trafic de stupéfiants. Compte tenu de la multiplicité et de la brutalité des attaques, cette hypothèse semble toutefois naïvement optimiste.

Le bourgmestre de la ville, Bart De Wever, a réagi comme à son habitude, en dénonçant l’absence d’initiatives des autres responsables. Au grand dam de certains Anversois, il n’a pas jugé nécessaire de s’exprimer, sur les réseaux sociaux, à propos du climat de terreur qui règne sur sa ville, préférant évoquer une prise de bec entre les « wokistes » de Jong Groen, les jeunes du parti écologiste flamand, et le chef du mouvement — faisant ainsi d’une pierre deux coups : il se tient à distance de ce sujet prompt aux dérives tout en continuant d’assurer la promotion de son livre. Bart de Wever n’a évidemment pas à choisir entre le problème de la coke et le courant woke, mais son attitude laisse cependant penser qu’il choisit mal ses priorités.

Serait-ce par admiration pour les textes de Daniil Harms, ce poète russe absurdiste qui ne voyait que le non-sens comme réponse à la violence infinie du monde ? Dans une scène de son cru, l’auteur invente une situation dans laquelle plusieurs vieilles femmes tombent de la fenêtre tour à tour. « Quand une sixième petite vieille est venue s’écraser en bas, j’en ai eu marre de les regarder tomber. » C’est le sentiment qui m’envahit de plus en plus face aux violences que connaît Anvers. Ne reste plus qu’à se changer les idées en regardant le Tour des Flandres. Ou, comme certains de nos dirigeants, à se délecter de quelque querelle woke. Libération de dopamine garantie – encore plus qu’avec de la cocaïne.

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