Point n’est besoin de hanter les couloirs de la Rue de la Loi pour comprendre que la carrière politique de Bart De Wever est terminée. Après la défaite électorale de 2019, sa tentative de faire participer la N-VA au gouvernement fédéral a échoué, par ignorance et par arrogance. Il s’est tout bêtement laissé marcher sur les pieds par une nouvelle génération de présidents de parti qui avaient senti que son pouvoir déclinait. La coalition Vivaldi a finalement décroché la timbale, et pour Bart De Wever, le retour à l’opposition s’est révélé pénible : ses jérémiades sur les minorités en Flandre et sur une réforme du système électoral n’ont pas convaincu.
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L’an dernier, ici même, je le décrivais sous les traits d’un empereur nu, englué dans la fange de ses échecs ; aujourd’hui, il évoque plutôt ces enfants gâtés qui se roulent au sol en hurlant, dans les rayons du supermarché, en l’occurrence parce qu’on le prive de son bonbon au parfum à la « Bourguignonne ».
Dans l’opposition, la N-VA va se faire déborder par le Vlaams Belang
Des années de vaches maigres l’attendent : dans l’opposition, la N-VA va se faire déborder par le Vlaams Belang, et à la Région flamande, elle a perdu toute crédibilité en raison des mensonges de Jan Jambon. À Bart De Wever, il reste la présidence, une charge qui le fait ployer sous son poids – la sixième fois sera-t-elle la bonne ?
À moins que…
À moins que Theo Francken ne se saisisse du pouvoir. Quand Bart De Wever a disjoncté devant les caméras, comparant une manœuvre politique à une fellation, on a pu voir à l’arrière-plan le visage crispé de Theo Francken : son glorieux président, qui plaçait autrefois avec tant d’élégance ses citations latines, s’abaissait au niveau de ces tontons ivres morts oubliés à une table de fête désertée. C’est douloureux, sûrement. Le sentiment de cette honte ressentie par procuration devrait suffire à Theo Francken pour s’approprier les manettes.
Il n’y faut que du courage
Il a tous les atouts en main. Voilà plusieurs années qu’il fait le tour de toutes les salles paroissiales ; il connaît le ban et l’arrière-ban du parti ; son score en voix de préférence reste impressionnant, et depuis quelque temps, il surprend tout le monde par une certaine apparence de grandeur. Alors que son président bousillait une énième tentative de coalition, il se tenait à carreau sur Twitter, allant jusqu’à féliciter son meilleur ennemi Kristof Calvo (Groen) au parlement, lorsque celui-ci transforma avec élégance son humiliation en un chant de louange au nouveau gouvernement. Voilà une attitude qui fleure bon le leader. S’il se saisissait de la présidence, cela pourrait sauver la N-VA. Il n’y faut que du courage.
« Toi aussi, mon Theo »
Après tout, De Wever est tout à fait capable de comprendre un putsch. Il connaît ses classiques, et en particulier ses classiques latins. Quand on ose conseiller à Kris Peeters (CD&V) de sauver l’honneur en se tranchant les veines du poignet, on doit pouvoir accepter un coup de poignard dans le dos : tout ce qui lui resterait à faire serait de marmonner « Toi aussi, mon Theo » avant de quitter la scène.
#tijdvoortheo
Maintenant que la coalition Vivaldi a négocié un départ sans faute, la Rue de la Loi aurait bien besoin d’une touche de « Game of Thrones ». L’avenir nous dira si Theo Francken aura l’audace de lancer le hashtag #tijdvoortheo pour signaler que son heure est venue.