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La Belgique à quatre: la solution wallonne pour sortir de l’impasse institutionnelle?
28·03·23

La Belgique à quatre: la solution wallonne pour sortir de l’impasse institutionnelle?

Pieter Bauwens est le rédacteur en chef du site d’info Doorbraak proche du mouvement flamingant.

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Photo de Kamen Atanassov sur Unsplash

Pieter Bauwens
Auteur⸱e
Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

L’analyse du problème belge fait largement consensus : du mouvement B-plus au Mouvement populaire flamand, tout le monde s’accorde à reconnaître que le pays est bloqué ; que la Belgique, en tant que structure politique, est inopérante : la fragmentation des compétences, qui conduit tout le monde à être compétent, mais personne responsable, aboutit à l’immobilisme. Pour trouver une solution à ce problème, commencer par en débattre sérieusement est un bon début.

Les solutions en présence sont à trouver entre les extrêmes que sont l’unitarisation et la scission. Mais une proposition a particulièrement le vent en poupe — surtout, mais pas exclusivement, du côté francophone : la « Belgique à quatre ». Philippe Destatte, directeur général de l’Institut Destrée, un groupe de réflexion basé à Namur, a consacré à cette question un ouvrage intitulé Le confédéralisme, spectre institutionnel.

Les Flamands et les francophones sont condamnés à s’affronter au sein d’une sorte de fédéralisme bicéphale, analyse l’historien. Il entend mettre fin à cette situation en dotant la Belgique de quatre entités équipollentes qui correspondent aux quatre régions linguistiques actuelles : la Flandre néerlandophone, la Wallonie francophone, l’Ostbelgien germanophone et la Région de Bruxelles-Capitale, bilingue. Les frontières de chaque territoire sont déjà établies, ce qui permet de s’épargner le débat à ce sujet.

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La Flandre est flamande

Chaque entité disposerait des mêmes compétences, y compris de l’autonomie constitutive lui permettant de régir ses propres activités, et les exercerait exclusivement sur son territoire. Exit, donc, la question des compétences ou des droits territoriaux et personnels : un francophone qui vivrait en Flandre relèverait des règles flamandes.

« Philippe Destatte propose une liste de compétences fédérales, parmi lesquelles la monarchie, ainsi que la défense et les affaires étrangères, mais aussi « la mer du Nord ». »

Les compétences du gouvernement fédéral seraient clairement répertoriées, tandis que les autres, dites « résiduelles », reviendraient aux entités fédérées. Ce qui devrait suffire à résoudre le problème de la fragmentation. Le spécialiste propose sa liste des compétences fédérales, sur lesquelles figure la monarchie, ainsi que des évidences, telles que la défense et les affaires étrangères, mais aussi « la mer du Nord ».

Le diable est dans les détails

En détaillant son modèle, Philippe Destatte prend un risque : celui de s’exposer à la critique. Car s’il est possible de rassembler certains responsables politiques et partis autour du principe de la Belgique à quatre, les choses se corsent dès lors qu’il s’agit de le traduire dans la pratique. Quid du maintien d’un régime de sécurité sociale unitaire ? De l’asile et de la migration ? Ou encore du droit du travail, en particulier des règles régissant les relations entre employeurs, travailleurs et libertés syndicales ? Autant d’éléments sur lesquels les avis divergent radicalement dans les différentes parties de cette Belgique quadripartite.

Le modèle de financement que propose Philippe Destatte ne manquera pas non plus de susciter le débat. Il tient en effet à un financement par le gouvernement fédéral, exception faite de l’autonomie fiscale déjà acquise. Une position qui a plus de chances d’être soutenue en Wallonie qu’en Flandre. Cette dernière voit, en effet, davantage d’intérêt à renforcer l’autonomie fiscale, estimant que pour que les conséquences de sa politique se fassent sentir, la fiscalité doit être à l’image des autres compétences.

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Maintien de la « mère de toutes les élections »

Les compétences, responsabilités et relations de l’état fédéral et des entités fédérées devraient être régies par la loi. À cet égard, Philippe Destatte reste attaché à la majorité renforcée au Parlement fédéral, à laquelle viendrait s’ajouter l’assentiment des parlements des entités fédérées. Par ailleurs, la sonnette d’alarme serait maintenue. Ainsi, si deux tiers des élus d’une entité fédérée estiment qu’une loi « porte gravement atteinte à leur entité », ils peuvent enclencher cette procédure. Concrètement, deux tiers des représentants de l’Ostbelgien pourraient ainsi ralentir ou empêcher l’adoption d’un projet de loi. La logique est donc éminemment confédérale, comme on le voit, mais les verrous ne sautent pas tous pour autant. Reste à savoir si ces représentants seront considérés comme une entité distincte s’agissant de la majorité renforcée…

Le Parlement fédéral serait élu au suffrage direct par les électeurs de quatre circonscriptions, à savoir les quatre entités fédérées. Le plan prévoit également de systématiser la « mère de toutes les élections ». Organisées tous les cinq ans, les scrutins législatifs au niveau des entités fédérées et à l’échelon fédéral coïncideraient ainsi avec les élections européennes. Par conséquent, aucun gouvernement ne pourrait tomber, sauf à l’issue d’une motion de censure constructive.

Le spectre

Du reste, l’ouvrage de Philippe Destatte propose plus qu’un simple modèle, puisqu’il retrace également l’histoire de l’idée de confédéralisme en Belgique. Le spectre du confédéralisme est, en effet, presque aussi ancien que le pays lui-même. À peu près tout le monde a brandi cette notion à un moment ou à un autre de l’histoire. Il refait surface de manière épisodique — de part et d’autre de la frontière linguistique —, tantôt vanté comme une solution, tantôt honni par ceux-là mêmes qui y voyaient un remède quelques années plus tôt. Il n’est ainsi pas déraisonnable d’affirmer que la N-VA a dépoussiéré une vieille idée wallonne.

« L’idée de Belgique à quatre est une piste de réflexion intéressante. Mais le diable se cache dans les détails. »

L’idée de Belgique à quatre est une piste de réflexion intéressante. Mais le diable se cache dans les détails. Et ils importent plus que le principe. Car ce sont les détails qui déterminent si et comment ce modèle peut offrir une issue. Le fait d’en débattre permet de poser les problèmes clairement et de rechercher une solution. C’est en partie pour cela que Doorbraak publie cet ouvrage. Le confédéralisme, spectre institutionnel mérite un débat honnête. En guise de conclusion, citons la préface de Rik Van Cauwelaert à la traduction néerlandaise : « Les lecteurs de Philippe Destatte disposent enfin d’un guide politique fiable sur la manière dont les choses sont envisagées en Wallonie. »

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